Petit texte à fraîcheur d’été.
Je l’ai acheté alors qu’il
émergeait à peine de sous la neige. J’eus beau vérifier méticuleusement toutes
ses œuvres vives et œuvres mortes, il me parut en une relative bonne santé pour
son âge. Ici, je dois spécifier qu’il s’agit d’un petit voilier, un dériveur en
somme et non une personne humaine. Qu’à cela ne tienne, un bateau pour moi a
toujours eu une âme, pour peu qu’on lui consacre quelques soins et qu’il nous
prodigue soit des services ou des loisirs nous permettant une évasion
ponctuelle d’un quotidien quelques fois bien morne.
Justement, mon petit dériveur
s’appellera LE FORBAN, si jamais j’arrive à le remettre en condition pour qu’il
navigue décemment au gré du vent et des coups de barre que son futur propriétaire
voudra bien lui accorder. Pour l’heure, c’est plutôt lui qui s’évade de moi
puisque j’ai découvert que ce petit forban était bien plus mal en point qu’il n’y
paraissait à priori. Il faut dire que ces petites «bibittes» là, à l’état neuf,
sans remorque et aucun accessoire, se vendent toujours dans les 10,000.$ au bas
mot. Alors, comme je l’ai payé à peine plus du dixième de ce montant, c’est
tant pis pour moi. D’abord, les moyens financiers n’y étaient pas et je ne sais
pour quelle raison, mais j’ai toujours pris plaisir de redonner vie à tous les
bateaux qui m’ont semblé abandonnés par des propriétaires peu soucieux de leur
entretien. Certains se tournent vers les vieilles voitures, moi, ce sont les
petits bateaux, particulièrement les voiliers. Quelque part, je pense qu’ils
sont les mal-aimés de la navigation et méritent un meilleur sort que celui
qu’on leur réserve.
Malheureusement, j’avais
l’intention d’y consacrer temps, énergie et sous lors de la première quinzaine
de juin. Pour cela, il me fallait une température clémente puisque le tout
devait se réaliser à l’extérieur. Manque de chance, il a venté, plu et fait
froid pendant 13 jours et demi sur la quinzaine disponible. Alors, il ne me
reste que l’espoir d’une météo un peu plus clémente à raison de deux jours/semaine,
et ce jusqu’à la mi-septembre pour que ce gentil moyen d’évasion agisse
positivement sur mon biorythme animal. Sera-t-il prêt pour au moins une journée
en mer d’ici septembre ? La question demeure très hypothétique et seul l’avenir
le dira. En attendant, je lui ai refait une remorque décente, des roues, pneus
et roulements à billes neufs puis sur le bateau, des cadènes renforcées et
sécurisées, un tableau arrière renforcé, une dérive toute neuve en chêne massif
dont il reste à recouvrir d’une bonne couche protectrice en résine époxy. Une
personne a déjà écrit que l’attente et le cheminement vers un but accordaient
autant de plaisir qu’une fois le but atteint. Cette personne avait certainement
raison, du moins en partie. Petit à petit, je vois la transformation se révéler
au gré des jours cléments et chaque fois que je serre les outils, je pars
content de ma journée. Reste à remplacer les contours des trous auto-videurs et
refaire la fibre de verre là ou l’âge, le soleil et les mauvais traitements ont
laissé des cicatrices qui pourraient menacer la structure générale de la coque.
Ensuite, le mât et les voiles seront hissées bien que le tout soit en bonne
condition et le plaisir ultime sera d’apposer un joli ensemble de couleurs sur
la coque et d’y inscrire son nom, LE FORBAN.
Sera-t-il mon complice sur
les vagues de la baie du Cap-Vert, de la Baie de Plaisance ou du Havre-Aubert
d’ici la fin de l’été ? – je n’en sais rien, mais j’aurai au moins eu le
plaisir de l’y préparer et si jamais le projet arrive à maturité, je vous
promets de vous en informer.
Bon été à toutes et à tous.
Georges Gaudet