dimanche 25 mai 2014

Réflexions à voix haute

*Comme le titre de ce blogue, il y a des mots, il y a des bateaux et il y a des pinceaux. Cette semaine, je vous peins une situation avec des « mots ».

Une vision planétaire inquiétante.

*Le but de cet exercice n’est pas de faire peur, mais bien de pousser une réflexion probablement nécessaire à tout le genre humain. Il ne s’agit pas de prétention ici, mais bien de réfléchir ensemble sur ce qui nous attend dans les quelques années qui viennent.
Climats de toutes sortes
P5310008Photo: GG
Le changement climatique n’est pas pour un futur proche, mais il serait déjà là selon un tout dernier rapport gouvernemental américain produit le 6 mai dernier. Pour la première fois, ce gouvernement tirait officiellement la sonnette d’alarme. Dans un pays où pour des raisons politiques, on a tenté par tous les moyens de discréditer ce phénomène, voilà que la Maison Blanche publiait un rapport réalisé par un panel de plus de 300 scientifiques triés sur le volet par l’administration fédérale et qui dit essentiellement; « Attachez vos tuques, ça va barder. » Ici, il faut préciser que certains spécialistes contestent toujours les conclusions de ces 300 spécialistes. Toutefois, contrairement à ce qui s’est passé antérieurement, personne ne met en doute le réchauffement climatique, mais certains d’entre eux croient fermement qu’il s’agit d’un phénomène cyclique naturel et que dans l’histoire connue de la terre, il s’agit là d’un phénomène auquel il faut se préparer, mais que les activités de l’homme n’y changeront rien puisque l’horloge est déjà enclenchée et qui plus est, ce mouvement serait irréversible. Partant de cette réalité, cela veut donc dire plus de sécheresses, plus de pluies, plus de chaleurs intenses, plus de grands froids (parfois courts et localisés), plus d’érosion, plus de grandes marées, plus de feux de forêts, plus de pollution, plus de maladies respiratoires, plus de cancers, plus de déséquilibres monétaires, plus de guerres, plus de faim dans le monde, plus, plus et (+) de toutes ces choses. Qui paraît qu’en prime, les astronautes vivants présentement dans la station orbitale internationale peuvent voir tous ces phénomènes et leurs conséquences à partir de leur observatoire privilégié.

Des conséquences incalculables
Île déserte bCroquis: GG
Un article anodin m’a intrigué ces derniers jours. Un des Québécois les plus riches du monde, fondateur du Cirque du Soleil, déclarait récemment qu’il s’était acheté une Île de 2 km² dans le Pacifique Sud, loin de toute civilisation. Son but n’était pas innocent loin de là, puisqu’il déclarait en substance qu’en dehors du plaisir de posséder quelque chose d’exceptionnel, il allait avoir la possibilité d’en établir un système total d’autosuffisance et que cet « oasis » allait possiblement servir de refuge à ses enfants et tous ceux qu’il aime en cas de catastrophe planétaire. N’oublions pas que cet homme fortuné n’est pas un clown comme il veut bien parfois le laisser voir. C’est un homme d’affaires avisé et surtout, un touriste astronaute qui a passé plusieurs jours dans l’espace. La question que je me suis posée : « Qu’a-t-il vu? »
Petit tour d’horizon politique
Évidemment, toutes catastrophes naturelles ont des conséquences incalculables sur l’économie des régions et par la bande, sur le tissu politique des nations. Cela va de la déstabilisation des finances publiques au pillage inconsidéré et sans retenue de la richesse collective et même individuelle. Comme à bord de tout bateau qui coule, les rats sont les premiers à quitter le navire et c’est exactement ce qui semble se passer présentement chez nous et aussi à toute l’échelle planétaire. Il faut donc cesser de nous boucher les yeux. La corruption politique et économique n’est pas que l’affaire de quelques bandits de ruelle québécois. Le mal est mondial. Les banques font des profits faramineux, hors de toutes proportions avec des économies saines. Des sommes colossales sont déviées des impôts alors que le petit travailleur, le parfait exemple moderne de l’esclave d’autrefois, fait les frais de tous les coûts associés aux moindres nécessités pour sa vie. Plus d’un milliard d’enfants sur cette terre ont faim.
Machines de guerre
Stealth warshipAnonyme, prise sur le net.
Pendant ce temps, on consacre des centaines de milliards de dollars à la construction d’armes capables de détruire la terre plusieurs fois. Des avions furtifs capables de disparaître de tous les appareils de surveillance, des sous-marins, des navires de guerre aussi létaux que la morsure de million de serpents et autres armes dont le but unique pourrait bien être le contrôle de peuples en entier par la peur et les massacres. On consacre aussi des millions à des armes chimiques ou bactériologiques, on détruit des forêts entières pour y sortir notre énergie et on attaque des peuples entiers, au nom de croyances toutes plus fêlées les unes que les autres. On viole et vend des jeunes filles au nom d’une idéologie loufoque et on tue à la machette, sans distinction, un peu comme si on allait faire un travail de routine chez le jardinier. On tue à la roquette, à la bombe ou en se servant de poison, on pille des pays en entier par tous les moyens, surtout en se servant de la cupidité de leurs dirigeants les plus véreux. Dante, ce poète-écrivain, politique florentin du 13ₑ siècle, père de la langue Italienne, a décrit un enfer « céleste » qui fit horreur à ses contemporains et à ses lecteurs jusqu’à nos jours. Point n’est besoin de la description d’un ciel béatifié et d’un enfer démoniaque hors de notre terre pour comprendre toute l’horreur d’un milieu infernal. Reconnaissons que mis à part quelques endroits privilégiés de notre planète, la majorité des habitants vivent un enfer dont personne ne veut. Quant à savoir à qui est la faute, elle est de nous tous, les hommes. À la lumière de l’état actuel de l’humanité, nous sommes parfaitement capables de créer notre propre enfer.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAUn chalet en mauvaise posture lors d’une tempête non loin du chemin des chalets à l’Étang-du-Nord aux Îles de la Madeleine. (Photo: GG)
Nos Îles ne sont pas dans le Pacifique-Sud comme celle de Guy Laliberté. Hélas, comme le dit si bien notre hymne « Îlien » : on est isolés, mais on est tranquilles, nous avons facilement tendance à nous dissocier de tout ce qui se passe dans le monde. Pourtant, nous sommes tous des enfants de la terre et bien des intérêts pas toujours honnêtes nous guettent. Des yeux touristiques « envahissants » nous observent avec avidité, des investisseurs pétroliers, « shistiques » ou pas nous ont dans le collimateur. Nos ressources renouvelables, mises à part quelques espèces encore profitables sont presque totalement disparues ou nous sont interdites. Nous jardinons chez « Mosanto », cuisinons au sel de tous les repas préparés et surgelés, puis nous pêchons majoritairement dans les parcs d’élevage du « made in China » avec une constance déroutante. Nous copions avec plaisir les pires défauts de la ville, même jusqu’aux trous sur nos chemins. Notre économie dépendante des fluctuations d’un marché mondial ne pourra jamais nous mettre à l’abri des changements qui arrivent. Coûts faramineux de l’énergie, qu’elle vienne du pétrole ou des énergies alternatives émergentes, conséquences coûteuses sur les transports, sur les infrastructures actuelles et leur entretien, sur les assurances de propriétés, sur celles des véhicules et sur les coûts de la nourriture.
Sommes-nous capables de changer?
Nous aurons la réponse si nous survivons et nous ne la connaîtrons jamais si par cupidité, aveuglement volontaire ou étourderie, nous refusons de voir la réalité dans laquelle nous vivons.
GG


















lundi 19 mai 2014

La véritable richesse

Par Georges Gaudet

georgesgaudet49@hotmail.com

*Nous y voilà! Comme promis, ce blogue de mots (tous les sujets sont possibles), de bateaux et de pinceaux vous revient en ce 19 mai 2014. Il arrive parfois qu’une petite pause soit nécessaire. Après un petit voyage hors des Îles pendant deux semaines, la route, les nids de poules, le sourire des gens et la naissance tardive de ce printemps, auront servi à me ressourcer les méninges et à puiser dans ce grand réservoir humain de quoi partager avec vous, pour votre plaisir, du moins je l’espère. Je vous souhaite donc une bonne lecture.

croquis GG

Croquis de Georges Gaudet

Bonne pêche Adélard… (nom fictif)

Comme tous les matins, Adélard a marché jusqu’au petit centre d’achat de son quartier, là où chez « Valentine », il prend son café et parcourt le journal du matin. Comme presque tous les matins, les nouvelles ne sont pas bonnes, sauf une. « Les Madelinots mettront les cages à homard à l’eau dès demain, le 10 mai. » Enfin, voilà une bonne nouvelle de se dire le vieillard. Il plonge alors dans ses souvenirs et avec une pointe de joie mêlée d’un peu de tristesse, il se rappelle les jours où il était pêcheur.

Jack Gray

Photo d’une toile de l’artiste Jack Gray envoyée par Jérome Canning du Newfoundland Labrador Museum et tirée sur Facebook.

De ce temps-là, Adélard pêchait dans un « p’tit botte » d’une trentaine de pieds, pas de cabine, mais juste un abri fait de quelques planches pour ramasser la chaleur du moteur et se tenir à l’abri des embruns quand ça « washait ». Il l’aimait son bateau le vaillant Adélard. C’était un bon bateau de mer, fait de bois trié et séché avec soin dans une scierie du Nouveau-Brunswick et ramené aux Îles sur le « Lovat ». Ensuite, avec son ami Midas, ils avaient bâti dans la vieille étable à Sam, cette belle coque tout en bois, planche après planche, chauffée à la vapeur et attachée soigneusement sur la membrure moulée par des gabarits empruntés chez Léo. Midas n’avait pas son pareil pour aligner un bordé et maudit que ça sentait bon « le copeau » et le « brand de scie » dans l’étable aménagée en « chope » à bois. C’était l’époque où les pêcheurs construisaient tout ce qu’il leur fallait pour pêcher, de la fabrication des cages à la construction de leur bateau, sauf pour le moteur bien sûr et puis tous les cordages. Ah oui! – le moteur. Un beau 6 cylindres Chevrolet en ligne de 125 HP à gazoline et une transmission marine de 2.5 pour un en plus d’un « manifold marin » branché sur une tuyauterie de cuivre passant sous la coque du bateau. Une vraie petite merveille ce bateau et Adélard n’était pas peu fier de la vitesse de son embarcation. Au moins 14 milles à l’heure qu’il disait, alors que les jaloux répétaient qu’il exagérait peut être un tout p’tit peu. Il l’avait appelé « Marie-Adèle » du nom de sa femme alors que le nom de Marie était pour la Sainte Vierge, puisque c’était celle en qui il mettait toute sa confiance quand il était en mer, surtout quand cette dernière faisait le dos rond avant de casser avec fracas sur l’étrave de cette belle embarcation.

Chez Valentine

Tout à coup, Adélard trouva que son café avait un goût de sel. À son insu, une larme était tombée dans ce précieux liquide qu’il aimait tant siroter chaque matin. Demain, ils vont tendre les cages aux Îles. Que de souvenirs lui venaient en mémoire. L’année où il avait pêché plus de 7000 livres de homard et vendu à bon prix. Le matin du 10 mai ou dans les alentours était toujours une journée de grand stress, d’excitation et d’espoir. Un vent d’une quinzaine de milles à l’heure semblait coller au sud-ouest, la mer était encore très froide et le bateau chargé de cages à un point tel que pour voir à l’avant, il fallait se fier à Midas qui se tenait tout près du « hawler » (le treuil). Tout le monde attendait la fusée du garde-pêche qui devait être lancée à cinq heures précises du matin. Et puis comme les portes imaginaires d’une écluse qui s’ouvrent, tous les bateaux s’élançaient vers le large, à toute vitesse, pressés de larguer les cages sur les meilleurs fonds marins connus. Adélard était champion dans ce domaine. Il connaissait le fond de la mer comme le creux de sa main. Même dans la brume, seulement avec une corde de sonde et son compas, il pouvait estimer sa position à quelques encablures près. Il avait tout appris de son père et comme il avait commencé à pêcher dès l’âge de 14 ans, il savait lire les moindres signes du temps, le moindre vol des oiseaux, le moindre frisson sur l’eau. Tout était un indice, une raison de lecture et une manœuvre à exécuter ou à éviter.

Aujourd’hui

ouverture pêche au homard

Bien sûr, ce n’est pas pareil aujourd’hui et Adélard le sait. Il n’envie pas pour autant ceux qu’il appelle « les plus jeunes. » Ils ont de bons et gros bateaux, cabinés et chauffés, avec des radars, des GPS, des sondeurs qui lisent littéralement les fonds marins. Ils ont aussi de lourdes dettes, de lourds frais d’opération, une grande angoisse devant la fluctuation des prix aux débarquements. Plus ça change de ce côté-là, plus c’est pareil. N’empêche qu’aujourd’hui, devant son café et son journal, juste après sa petite marche matinale dans le quartier de la ville, Adélard aimerait bien être sur le quai de son village, le nez reniflant l’air du large, foulard au cou, le gilet d’hiver encore sur les épaules et la joie dans le cœur. Un cœur tourné vers les deux amours de sa vie, sa belle Adèle partie avant lui vers un pays qu’on dit meilleur et puis l’autre, sa maîtresse, celle qu’on appelle… la mer.

Non loin, quelques personnes âgées font comme lui. Ils lisent le journal alors qu’une jeune fille vient réchauffer le café de chacun. Adélard préfère être seul, surtout en des journées comme celle-là. L’eau salée qui coule dans ses veines va mourir avec lui et s’il est chanceux, se répandre quelque part dans un cimetière Madelinot, pas dans un petit carré de terre en ville

Quand Adèle est partie, il s’est approché de ses enfants qui travaillaient tous à la ville. Ils avaient dû s’exiler par manque de travail aux Îles. Il a même travaillé dans une usine de carton pendant quelques années, jusqu’à ce qu’elle ferme ses portes. Ensuite, n’ayant jamais eu un véritable salaire, il a dû se contenter de la pension fédérale et d’un maigre revenu de la Régie en plus d’un autre maigre petit REER qui arrivait juste à la limite pour ne pas avoir droit au supplément de revenu garanti. Alors, comment vivre au présent avec un peu plus de 1200. $ par mois? Plus de voiture, un petit appartement en ville, tout au plus une chambrette avec cuisinette et toilette, des billets d’autobus, une vieille bicyclette et un certain plaisir de cuisiner quand il reste assez de sous, une fois les médicaments payés. Pourtant, Adélard ne se sent pas malheureux pour autant. Il s’ennuie des Iles bien sûr, mais il n’est pas en CHSLD, là où les repas sont souvent infects, les couches comptées et les bains une fois la semaine. Dans la réalité triste du mépris des personnes âgées, comme si elles avaient à s’excuser d’exister, toute une jeune génération risque le réveil brutal d’une perte de mémoire qui n’aura rien de la maladie, mais uniquement d’un manque de référence à l’expérience de la vie. Bien sûr il y a les ordinateurs, les « i-machins », les voitures « intelligentes » et autres gadgets en tous genres, mais avant que tous ces appareils apprennent ce que veut vraiment dire le mot «aimer», tout sera alors à recommencer.

Adélard prend une dernière gorgée de café, plie son journal et va le donner à ce clochard qu’il connaît bien. Mutuellement, ils se souhaitent une belle journée et tout en s’éloignant du « Valentine », sa mémoire replonge dans les matins de cette fameuse pêche au homard. Adélard est riche. Riche de souvenirs, riche d’amour de son Adèle, celle qu’il ira retrouver quand le grand Capitaine le rappellera à son équipage.

Georges Gaudet

Pour le plaisir des lectrices et lecteurs, je partage ici avec vous quelques toiles de grands artistes méconnus qui transmettent l’essence même de la vie de ces hommes qui ont contribué à la force de leur bras à bâtir le monde de la pêche d’aujourd’hui. Ces toiles viennent du même endroit, soit de la page Facebook de Jérome Canning (du Newfoundland and Labrador Museum). 

Jay Langford 1

Toile de Jay Langford

Wellington Ward 

Toile de Wellington Ward

GG