lundi 29 avril 2013

Jeu de mots et bateaux

Si vous allez au Cegep, campus Denise Leblanc aux Îles de la Madeleine, vous y verrez sur les murs une jolie collection d’expressions typiques des Îles et de l’Acadie. Pour le plaisir de la chose et les doux souvenirs que ces mots ont ramenés en ma mémoire, je me suis amusé à en faire un petit jeu, tout en pensant à Alphéda, ma grand-mère. Elle parlait si bien cette langue, une langue presque oubliée, belle comme les premiers pissenlits, salée comme la brume du printemps et douce comme la peau de ses mains. Des mains qui avaient tant tricoté la laine, tant pétri la pâte, tant essuyé les larmes de ses petits-enfants.

Samedi le 27 avril 2013

C’était le grand départ pour la mise à l’eau des cages à homard.

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Crédit photo: Dominique Damien

Il faisait frette sur le quai de Grande-Entrée. J’étais tout emborvé et ça me faisait gorziller jusque dans les entrailles. J’vous dis que c’était pas le temps de se décalventrer la falle par un vent d’nord pareil. Et pis à part ça, celui qui a décidé d’une pareille date pour l’ouverture de la pêche,  cé certainement pas lui qui a inventé le r’culons sur le homard…

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Crédit photo: Dominique Damien

Pis les bateaux ont fini par partir. C’était beau, même si y en a qui avions ben hâte de prendre pour le large avant que les garde-pêches lancent leur fusée. Y sont beaux ces bateaux-là. Cé pas les p’tits tok-o-tok d’avant, quand Jos partait avec sa cruche d’eau dans un filet pis un sac de galettes à m’lasse. Pas de cabines, rienk un saouèsse pis des hardes cirées et les grosses mitaines de laines que j’lui avait tricotées pendant l’hiver.

Mais ça fait rien, j’sus ben contente pour eux autres. Jos pis môa, on est au paradis maintenant, pi i-ousqu’on-né, pas besoin de cabines de bottes pis de GPS pis de toute s’te bringbale là. On r’garde ça d’en haut, pis on trouve ça beau. Et dire qui en avions qui pensent qu’la ville cé meilleur que ça. Moi, j’vous l’dis, Y sont fous raides çeuses là.  Bon y est temps que j’arrête mes armenas pis que j’ferme ma goule. Y en a qui vont dire que j’ai mangé de la bargou. Cé vrai qu’on petoune pas ici au paradis. On prie pis on écornifle ceux d’en bas. Pas pour les mépriser bien sûr, mais pour les aimer. On trapigne autour d’eux même si ils nous voient pas et si on peu, on les aide, même si y s’en aperçoivent pas.

Scusez-moi, mais y faut que je r’tourne à louèsse avant que mon Jos m’fasse un mess dans la pèntrie. Même ici en haut, Y s’contente pas yinke d’une becquée. Des fois, Saint-Pierre arrête pas de badgeuler et moi, j’fa mieux de m’décaniller si j’veux finir mes tartes avant que toute ma pouriginée arrive.

 

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Photo: Georges Gaudet

Et puis il y a des matins comme ça. Des matins où quand les rayons du soleil percent la fenêtre du salon et embrassent les mâts de la goélette que mon père a construite à l’âge de 82 ans. Sa goélette, celle qu’il a navigué sur toutes les eaux du golfe pendant cinq années de sa jeunesse, celle qui fut à l’origine de sa passion pour la navigation à voile, un amour qu’il m’a si bien transmis.

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Photos: Georges Gaudet

Il y a des coins de paradis qui ne s’oublient pas.

 

Bonne semaine à tous, amies lectrices et lecteurs.

GG

dimanche 21 avril 2013

Pour combler mon absence

Nouvelle couverture (titre) mars 2013

Une absence prolongée de ce blogue peut se justifier par un petit voyage d’une dizaine de jours à Montréal et les environs. Bien du pain sur la planche de ces temps-ci et pourtant, je considère ce moment où je place des écrits et des photos sur cette page comme une joyeuse obligation. Notre roman à suspense écrit par Dominique et moi va bientôt prendre le chemin de l’éditeur sous le titre de : « Un cadavre dans le chalut ». Entre temps, il faudra préparer un petit bateau pour les loisirs d’été et surtout, mis à part de nombreux contrats d’écriture (je ne me plains pas ici), bâtir tout un solarium sur une partie de la maison avant que ne débute un autre genre de travail, soit celui d’animateur historien en croisière sur le Saint-Laurent pendant tous les mois de juillet et août prochains. 

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Crédits photos: Diane Hébert

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Puisque ce site en est un de textes, de bateaux et de dessins en tous genres, je tiens à partager avec vous, trois superbes photos. Deux d’entre elles sont de Diane Hébert alors qu’elle a fixé sur « pixels » le VACANCIER alors qu’il entre au quai en pleine nuit. Quant à l’autre photo, elle vient aussi du site de Diane Hébert « Vous souvenez-vous » sur FB. Il s’agit du site de La Grave à Havre-Aubert, telle que je l’ai vue alors que je n’avais que 5 ans. Tous ces vieux magasins, la « Maritime Packers » et le havre remplis de petits (ti-ké-tak), ceci sans oublier la maison des trois sœurs Shea, là où je suis né… au deuxième étage. Peu de temps après, les nouveaux propriétaires l’ont démolie pour bâtir le bungalow qui est juste à côté de l’actuel musée de la mer, du côté nord de l’édifice.

Comme les Anglais disent : « ENJOY »… à propos des photos bien sûr.

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À bientôt : GG

mardi 2 avril 2013

Écrire et écrire encore… avant que la mémoire n’oublie.

Ça y est, notre roman Madelinot, un « suspense » dont le titre sera UN CADAVRE DANS LE CHALUT est parti pour le comité de lecture. Dominique et moi avons l’impression de participer à la naissance d’un bébé, un bébé que nous avons fait à deux, comme dans la vraie vie quoi!

Dominique et Georges

D’ici la mise en marché, nous nous en détachons un peu comme des parents qui laissent aux infirmières le soin de langer le bébé. Évidemment, comme une dépendance dont nous ne pouvons nous libérer, nous continuons, chacun à notre rythme, à écrire sur tous les sujets qui nous intéressent. Ainsi se passent nos ateliers d’écriture, chaque mercredi en soirée. Personnellement, je vous fais cadeau de deux textes dont le défi était une rédaction ne devant pas dépasser 20 minutes de création, le tout à partir d’un thème proposé par l’animateur, Georges Langford.

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Photo Georges Gaudet

Les quais, les bateaux, les marins, les bistros, tous ces univers qui servent de toile de fond aux plus grandes histoires maritimes du monde, demeurent aussi l’essence même de la petite histoire, celle des couples en amour, celle des adultes dont la jeunesse est gravée dans la mémoire du temps.GG

Le devoir

À partir du thème « Les endroits publics », il fallait se laisser inspirer de la phrase suivante : « En fin de journée, c’est tout le village qui défile au bistro du bord de mer.» Voici donc ce que cela a donné :

Un amour à saveur océane

Elle était seule derrière le bar. Linge à vaisselle sur l’épaule, les mains dans le savon de l’évier, les bucks de bière semblaient attendre ses caresses. Un à un, tout en fredonnant un air qu’elle semblait être la seule à connaître, elle les lavait, les essuyait, et avec un sourire hésitant entre le rictus et le charme, elle les déposait délicatement sur la tablette de verre juste devant le miroir.

C’est là qu’elle le vit. Il venait d’entrer discrètement, presque sur la pointe des pieds. Déposant son sac de marin sur une chaise, il la regarda de cet air qu’elle connaissait si bien, même si cela faisait six mois qu’elle ne l’avait pas vu. S’élançant l’un vers l’autre, ils s’embrassèrent goulument, passionnément, sans retenue, lèvres contre lèvres, corps contre corps, cherchant en l’autre toute cette chaleur, cette passion qui leur avait tant manquée.

— Tu es toujours aussi belle qu’il lui dit!

— Et toi, toujours aussi menteur qu’elle lui répondit tout en lui déposant de ses lèvres charnues, un tendre baiser juste sur le bout du nez.

Leurs mains finirent par se quitter avec regrets. Lui s’assit à une table au fond du bar, elle, reprit sa place derrière le comptoir, devant le miroir. Il fallait se retenir un peu, car en fin de journée comme ça, c’était tout le village qui passait par le bistro du bord de mer.

GG

L’autre devoir

Le thème était « Sur les quais » et la proposition d’écriture se déclinait ainsi : « C’est noir de monde sur le quai! — Que se passe-t-il? »

C’est curieux, mais chaque fois que je suis coincé dans le temps pour rédiger un texte, un personnage revient toujours à ma rescousse. Et ce personnage, c’est invariablement celui de mon père. Alors, encore une fois, voici ce que cela a donné :

LOVAT

Photo: origine muséale inconnue via internet

Un brin d’histoire (il y a du vrai là-dedans. À vous d’en faire le partage.)

La boucane noire du vieux LOVAT était visible depuis l’horizon, juste à l’ouest de l’Île d’Entrée. Preuve que la terre était bien ronde, on ne voyait pas encore les mats et encore moins la cabine du vapeur.

C’était noir de monde sur le quai du Havre-Aubert, mais que se passait-il? Les élections approchaient et le bruit avait circulé que Hormidas Langlais était à bord. La brise était douce en ce jour de vieux printemps et sur le quai, les femmes portaient leur plus beau chapeau, les crinolines se soulevaient à peine et madame la mairesse se laissait fusiller du regard venant des quelques jalouses placoteuses du village.

Finalement, le LOVAT contourna le Bout du Bain et en peu de temps, les hommes se chicanaient presque pour déterminer qui allaient attraper les amarres lancées du bateau. Le « ganeway » fut abaissé et comme un prince au chapeau noir, Hormidas descendit la passerelle, saluant tout le monde comme un prêtre bénissant ses ouailles alors que toute la foule applaudissait.

Ensuite, ce fut Monseigneur Arseneau puis son Chanoine qui en fit autant, suivis immédiatement d’une flopée de cornettes pointues des bonnes sœurs du couvent. En procession presque idolâtre, la foule suivit le cortège au son des klaxons des voitures appartenant aux notables de la place et moi…

Moi à 5 ans

Et moi qui n’avais que cinq ans, j’attendais toujours en bas du « ganeway ». Il était là, tout là-haut, chemise sale, noircie de cambouis, sueur à la poitrine, sourire aux lèvres et sac de marin sur l’épaule. Il descendit d’un pas leste la rampe et me prit dans ses bras comme si je n’avais pesé que toute la joie qui envahissait mon être.

J’enfouis mon visage dans cette chemise empestant le charbon et la sueur puis je dis : « Ça sent le travail »… et il éclata d’un grand rire, un rire que j’entends encore aujourd’hui, comme si j’étais encore dans ses bras.

sur MacKinnon t

GG