lundi 29 juin 2015

Un chemin qui va où?

Chemin de fer

Ces trois drapeaux qui me pèsent.

* Après demain, ce sera la fête du Canada. Dans ce pays qu’on dit le mien, je ne m’y sens toujours pas à l’aise. Certains me diront que c’est ma faute, mais je ne le crois pas vraiment. Il y a dans ce beau pays quelque chose de caché, malsain et mensonger. Sa nature n’en est aucunement responsable, mais les dirigeants qui l’habitent devraient y voir d’un peu plus près. Habité par un peuple aux racines dans chaque arbre de son territoire, deux autres peuples qu’on dit fondateurs, une multitude de cultures si différentes les unes des autres, tant il est difficile de ne pas s’étonner de la paix relative qui y règne, mais encore pour combien de temps? Ajoutons à cela le mensonge de l’existence de deux langues officielles dont l’une n’est que l’épine dans le pied de l’autre depuis quatre siècles, et vous avez géographiquement parlant, probablement le plus beau pays du monde, mais hélas, pas nécessairement les plus belles gens à sa tête politique.

Je suis Acadien, ça, c’est mon identité.

Je suis Québécois, ça, c’est mon choix.

Je suis Canadien, ça, c’est ce qu’on m’a dit d’être.

C’est donc dire que si je le souhaite, je peux me saouler trois fois par année, soit le 24 juin, journée où il pleut presque tout le temps, le 1er juillet, journée où il fait presque toujours beau et je ne sais toujours pas pourquoi et enfin, le 15 août, journée où il vente souvent à écorner les bœufs, un peu comme si l’on voulait chasser quelque chose.

Devant la galerie, j’avoue être fier de ces trois drapeaux. Il y a tant de gens sur cette terre qui n’en ont pas, alors que tous devraient avoir le droit d’en avoir un. Pourtant, lorsqu’on me demande lequel des trois je préfère, je réponds en fonction de celui qui me questionne.

drapeau acadien 

À L’Acadien, bien sûr je lui réponds que nous avons la même identité tricolore et l’étoile, mais de quel pays??? – je n’en sais rien. Sans doute le pays de l’éparpillement, le pays génocidé qu’on a gentiment appelé « le pays de la grande déportation. »

drapeau québécois 

Au Québécois, je lui dis : je ne te comprends pas. On t’a offert un pays tout neuf, sans déportation, sans guerre et en toute démocratie, et tu as dit NON… deux fois.

Au Canadien, je lui dis : je ne t’ai pas choisi, mais à cheval donné, on ne regarde pas la bride. Alors, je t’ai accepté. Après tout, tu n’es pas si mal. Il y a pire, bien pire, même s’il y a mieux aussi. J’ai porté tes couleurs, ton uniforme militaire et quand un jour on m’a dit : « Speak white you fuckin bastard », j’ai compris que pour me sentir chez moi, il fallait que je devienne toi. J’ai alors appris ta langue que j’ai peut-être aimée plus que toi. J’ai aimé ce pays et j’ai souhaité qu’un jour l’on puisse se rencontrer en tout respect de nos différences. Hélas! de plus en plus souvent, tu acceptes les différences de tous, sauf les miennes. Eh oui! J’ai la tête dure, je tiens à mes mots, à mes phrases pour le dire, pour te dire que quelque part, nous sommes des frères ennemis qui auraient tout intérêt à nous comprendre. Et comprendre l’autre, c’est le laisser assumer sa propre identité, sa liberté.

J’attends encore et je refuse de toujours avoir l’air d’un Acadien qui souhaite un Québec indépendant dans un Canada fort. Comprends alors que je n’y comprends rien.

Georges Gaudet

lundi 22 juin 2015

L'appel de la mer



* Une croisière sur ce fleuve et ces quelques endroits que j’ai appris à aimer, le tout assaisonné de quelques photos.

« Je donnerais n’importe quoi pour être à ta place. »


C’était l’an passé, pendant l’été. Je doutais de mon travail sur la croisière CTMA VACANCIER et j’en discutais avec mon frère. Il demeurait chez moi. Ancien pilote d’avion, ancien marin, il avait presque parcouru le tour de la terre et il était là, devant moi, me racontant ses moments de solitude, dans sa chambre de matelot, là-bas au milieu de l’Atlantique ou dans le Grand Nord Arctique.
 
Et puis le Brésil, les États-Unis, New York, le Grand Nord canadien, les belles Brésiliennes, les gentils Esquimaux. Tout se mêlait dans une merveilleuse histoire faite d’une macédoine de pays visités, de lieux magiques ou pénibles, de gens extraordinaires ou bien ordinaires. À ce tableau s’ajoutait les lacs à truite, les chasseurs prétentieux ou décevants, les flotteurs d’avion pleins d’eau, les vols au ras des épinettes en suivant un ruisseau dans la brume, les paysages à couper le souffle, les mouches noires écrasées dans le pare-brise, la paix intérieure qui s’installe au fond de l’âme sur un perron tranquille, sur un pont de navire, sur un ponton près d’un avion ou devant un poêle de fortune dans un camp de pêche.
 
Hier, je suis remonté à bord de « mon bateau » de croisières. Mon frère est mort d’une saleté de cancer le 14 janvier dernier. Depuis mon retour sur ce bateau, j’ai constamment entendu ses paroles : « Je donnerais n’importe quoi pour être à ta place. » Alors, depuis le début de ce printemps de navigation, je l’amène avec moi, là sur le pont, ici dans mon cœur. Je lui ai laissé toute la place.

Georges



À la semaine prochaine.

dimanche 14 juin 2015

Un départ volontaire - (partie 2 - finale)

Par Georges Gaudet  georgesgaudet49@hotmail.com 


Ce blogue du lundi demeure, mais ma chronique hebdomadaire publiée dans le journal LE RADAR sous le titre «Un café avec ça» ne sera plus à compter de vendredi le 19 juin 2015. Ce sera donc un élément additionnel de liberté qui me permettra d’améliorer sporadiquement ce rendez-vous du lundi, afin de le rendre encore plus intéressant auprès de vous, lectrices et lecteurs… enfin, je l’espère. Votre fidélité m’est précieuse et je souhaite continuer la mériter encore pour longtemps. Voici donc en deuxième et dernière partie, mes adieux au journal auquel j’ai collaboré pendant les 16 dernières années.

 Dernière chronique avant de partir (suite de la semaine passée).

*Je déteste les départs, j’adore les arrivées. Alors, puisque l’un ne va pas sans l’autre, il faut bien partir un jour si l’on veut finir par arriver quelque part.

Mon campeur pendant deux semaines, (juillet 1999.)
Propriété de John Travolta. Un abri sous les ailes de ce superbe vieil avion transatlantique par 103 °F (39,4 °C) le 31 juillet 1999.


 Ground Zero, New York. Le 3 décembre 2001
Las Vegas


Sur le lac séché d’Ivanpah, lieu de compétitions internationales de voiliers sur roues.


Salt Lake  City


 Pause dans une halte routière quelque part au coeur de la « Bible belt » au centre des É.-U..


Il s’agit là de l’essence même du voyage et c’est ce que le métier de chroniqueur généraliste m’a permis. Je dois cette belle liberté à une personne et à la magie d’internet. Monsieur Achille Hubert m’a accordé ce privilège dès les premiers mois de mon embauche. J’étais salarié, mais je devais assumer mes frais de voyages, ce qui était normal. J’ai donc profité de cette belle occasion, dès les premiers six mois de l’année 1999 afin de raconter ce que je considérais alors comme une grande aventure. J’ai donc fêté mes 50 années d’existence avec Grand Marnier et amis pilotes, à l’ombre des ailes de leur avion, posé à Oshkosh au Wisconsin lors du plus grand meeting aérien amateur et « vintage » au monde. La boîte de mon camion fut mon motel pendant deux semaines et les cafés internet, mes bureaux de travail en plusieurs occasions. Plus tard, septembre 2001 allait m’inciter à visiter New York moins de trois mois après l’écroulement des deux tours du World Trade Center. Je n’oublierai jamais l’odeur particulière qui régnait encore en ces lieux. En 2002, j’ai eu la permission de passer deux hivers aux É.-U., toujours grâce à la magie d’internet. J’y ai découvert un pays que j’ai appris à aimer, même s’il est loin d’être parfait. Tout est grand chez eux, leurs qualités comme leurs défauts, leurs corps comme leur cœur, leur courage comme leur naïveté, leur ignorance comme leurs grandes réussites. Las Vegas fut ma résidence, mais ce ne fut pas les casinos qui m’ont retenu. J’y ai découvert la passion du désert, la chaleur sèche et les grands espaces, si semblables à l’immensité de l’océan. Toutefois, non content du désert uniquement, les jeux d’hiver de Salt Lake City, capitale de l’Utah m’auront charmé d’abord par la victoire des deux équipes canadiennes de hockey en plus d’être hébergé dans cette superbe ville à flanc de montagnes et voisine d’un lac si salé qu’il ne gèle jamais, même par température loin sous le zéro. Et puis ce fut le retour en 2003 aux Îles, mais pas de façon normale. Cela ne me ressemblait pas. J’y ai traversé les E.-U. via 13 États au volant de ma petite voiture et sa remorque me servant de motel tout au long du parcours de 7000 km entre Las Vegas et les Îles. Merveilleux voyage s’il en fut un, il est la preuve qu’il n’est point besoin d’être riche pour découvrir une partie du monde.

Inoubliables personnages


Monsieur Adélard Boudreau




Un souci du détail digne de grandes œuvres à valeur historique internationale.
Jean-Guy Poirier devant ses œuvres.




Serge Laplanche


Une petite carte postale qui ne ment pas… et surtout vraie d’appréciation et de l’accueil que lui ont fait les Madelinots un certain été.


Visiter du pays est bien passionnant, mais découvrir le cœur et l’âme des gens demeure la plus belle découverte. Ce métier de journaliste et chroniqueur m’aura donné l’occasion de rencontrer de grands personnages connus. Des politiciens, premiers ministres, grands financiers… etc. Toutefois, ceux et celles dont je me souviendrai le plus sont ces gens désarmants de simplicité, des gens ordinaires capables de choses extraordinaires, ceci la plupart du temps réalisés en toute discrétion. Les découvrir, c’est comme découvrir un trésor caché. Les révéler au public, c’est lever le voile sur leur courage, sur leur talent, sur leur richesse intérieure. Rien ne m’a plus satisfait que ce genre de découvertes. Il y en a des dizaines, mais je vais particulièrement me rappeler de ceux et celles qui en silence combattent depuis si longtemps un handicap ou une grave maladie. Par discrétion et respect, je ne les mentionnerai point ici. Toutefois, je ne peux oublier non plus, monsieur Adélard Boudreau, un vieillard digne, humble, victime alors d’une incompréhension « municipale ». Navigateur, pêcheur, charpentier, cultivateur et poète à ses heures, il m’a raconté plus de 90 années d’une vie passionnée, faite de défis, de douleurs, d’amour inconditionnel, de simplicité, de courage et de talent incroyable pour survivre dans un monde dont il ne reconnaissait plus les balises.     

Point n’est besoin de parcourir le monde pour découvrir de grands talents. Monsieur Jean-Guy Poirier vit aux Îles. Il parcourt les dunes au volant de son quad et ramasse tout ce qu’il peut trouver de bois d’épaves. Avec peu de moyens, une recherche intensive et la fabrication personnelle de ses minis-outils, il construit de toutes pièces des œuvres à faire pâlir les plus grands maquettistes du monde. Pourtant, quand on lui dit cela en toute sincérité. Jean-Guy devient tout timide comme s’il était gêné de si belles réalisations.

D’autres parcourent le monde, mais surtout pas de façon traditionnelle et dans le grand luxe. Le hasard m’aura mis sur le chemin de Serge Laplanche, ce Québécois et Français d’origine qui parcourt le monde depuis l’âge de 27 ans. Au moment de notre première rencontre, il en avait 56. En scooter, à bicyclette et à pied, il a fait le tour de la terre et depuis la mi-cinquantaine, a décidé de passer l’hiver au chaud, toujours en poussant devant lui sa petite brouette contenant tous ses biens. Quelques vêtements, une petite tente, un sac de couchage, un album de tous ses voyages signés des autorités locales, des objets de toilette et quelques friandises. Il m’a dit un jour alors qu’il m’appelait de l’Australie : « Je suis aux premières loges du monde. » Sa simplicité, son regard sur la planète et les hommes qui la composent furent pour moi une des plus belles leçons d’humanité que j’aurai reçue depuis ma naissance.

Auteurs et influences


Maxime Arseneau


 Michel Carbonneau    

Nous avons tous plus ou moins nos mentors, nos guides spirituels, nos guides professionnels. Certains personnages connus du métier m’ont toujours fasciné. Un peu comme ce chanteur des Îles qui admire U-2, moi, j’ai admiré ces écrivains, ces auteurs, ces chroniqueurs. Ils furent pour moi le canevas de mes propres écrits, cela dit sans plagiat. J’ai aimé Saint-Exupéry (Terre des hommes – Le Petit Prince) pour son humanité. J’ai lu et relu George Orwell (1984) pour son incroyable lecture du monde d’aujourd’hui, alors qu’il a écrit ce roman en 1945 peu de temps après le décès de son épouse atteinte d’un cancer. J’ai aimé Félix Leclerc et Gilles Vigneau pour leur sublime poésie. Chez nos Madelinots, Georges Langford demeurera pour longtemps un incontournable ménestrel. Maxime Arseneau (la trilogie de Théotiste Bourgeois) s’inscrira dans notre patrimoine pour la finesse de notre histoire racontée et Michel Carbonneau, ce naufragé madelinot de « la grande terre» s’arrangera toujours pour que nous n’oubliions pas nos propres véritables victimes de la mer.

Chez les grands chroniqueurs  

J’ai eu honte de certains que je ne nommerai pas, mais j’ai admiré le travail du pionnier que fut André Rufiange (Rufy). Capable de parler de tout et de rien tout en demeurant intéressant, voire même passionnant. Il disait que son ami Pierre Péladeau (le père) lui aurait dit : « écrit ce que tu veux, n’importe quoi, mais écrit tous les jours ». C’est ainsi qu’il en arriva à parler de la crème dans son café le matin et à parler de lui-même en disant : « Je suis né bébé. Comme j’étais tout nu, on a vite crié… c’est un garçon. » Quoi qu’on en pense, il faut un sacré talent pour ça. Il y eût aussi Pierre Foglia, ce virtuose de la chronique intelligente, à la fois choquante et si riche. Parler de soi dans une chronique peut être dangereux, mais quand on a eu comme modèle un Pierre Foglia, la manœuvre est un peu moins périlleuse. Dans le monde des fouineurs au creux des âmes et de la réflexion si riche en mots qu’il ne s’en trouve pas d’autres, il n’y en a pas comme Stéphane Laporte. Disons que je fus un peu le groupie de ces trois chroniqueurs, tout comme un admirateur de Richard Bach (Jonathan le goéland et Le Messie récalcitrant). « N’oublie pas, ce que la chenille appelle la fin du monde, ton maître, lui, l’appelle un papillon. »

Finalement

Finalement, je réalise que j’ai passé 16 merveilleuses années d’une vie qui semble être commencée à l’âge de 50 ans. Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour débuter une nouvelle carrière. Le chroniqueur Stéphane Laporte a raison de dire : « Il faut cesser de mettre en quarantaine la soixantaine et plus. » Et c’est exactement ce que je fais, c'est-à-dire passer à autre chose sans avoir l’impression d’être mis de côté, bien au contraire. Une jeune équipe collabore présentement au journal LE RADAR. Ma décision de partir les a sincèrement déçus, même si je leur en avais parlé depuis un certain temps. Ils sont professionnels, talentueux et bourrés de projets qui vont certainement faire de cet hebdomadaire, le meilleur en province dans les mois ou les années à venir. Il faut leur faire confiance, acheter le journal et les laisser tracer leur voie. Ceci ne veut pas dire que je me retire de tout et vais me bercer devant une fenêtre, loin de là. Très peu pour moi la mise en quarantaine, volontaire ou pas. Il me reste encore un roman à écrire, peut-être deux. Ma compagne et moi avons une petite maison d’édition à faire grandir, autant pour de futurs auteurs que pour nous-mêmes. Depuis quatre ans, je suis devenu croisiériste et conteur d’histoires sous forme de conférences présentées dans les deux langues officielles. Je demeure blogueur et j’entends le demeurer longtemps tout en améliorant le produit. Je rêve de passer la plupart des étés qu’il me reste aux Îles si celles-ci demeurent abordables et n’échangent pas leur âme pour un plat de lentilles. Un retour à la peinture n’est pas exclu s’il me reste du temps. Et qui a dit que prendre sa retraite, c’était ne rien faire? Un individu m’a dit un jour : « Avant ma retraite, j’avais mes dimanches libres. »

Enfin, il me reste à vous remercier chaleureusement, vous toutes et tous, lectrices et lecteurs de cette chronique qui se termine aujourd’hui. Vous avez été ma motivation, mon énergie, mon inspiration, la raison de l’existence de cet écrit hebdomadaire. Je remercie d’ailleurs la direction du journal LE RADAR de retirer le titre de cette chronique. Il appartient au journal, mais il était ma création et cela me permettra d’en garder un précieux souvenir. À toute l’équipe du journal, mes compagnons, compagnes et amis, je vous souhaite le succès dans cette belle entreprise. Après avoir rédigé plus de 1 million 330 mille mots en 16 ans sur ce canevas de papier, je crois sincèrement qu’il est temps d’aller créer mes graffitis ailleurs. Soyez assuré que ces morceaux de vie que j’ai vécu avec vous, compagnons et compagnes de travail, lectrices et lecteurs, seront placés dans un des plus beaux coins de mon cœur.





Sincèrement : Georges Gaudet 

lundi 8 juin 2015

Un départ volontaire - (partie 1)

Par Georges Gaudet  georgesgaudet49@hotmail.com
Ce blogue du lundi demeure, mais ma chronique hebdomadaire publiée dans le journal LE RADAR sous le titre «Un café avec ça» ne sera plus à compter de vendredi le 19 juin 2015. Ce sera donc un élément additionnel de liberté qui me permettra d’améliorer sporadiquement ce rendez-vous du lundi, afin de le rendre encore plus intéressant auprès de vous, lectrices et lecteurs… enfin, je l’espère. Votre fidélité m’est précieuse et je souhaite continuer la mériter encore pour longtemps. Voici donc en première partie, mes adieux au journal auquel j’ai collaboré pendant les 16 dernières années.
 
Avant-dernière chronique  à paraître dans l’hebdomadaire LE RADAR.
Le compte est facile. En un peu plus de 16 années, à raison de 48 fois par an, moins six mois d’absence motivée par une pause occasionnelle, j’aurai rédigé plus de 760 textes hebdomadaires d’environ 1200 mots chaque jour de la livraison de ce journal.


* Encre. Sang noir… Prodige du mot muet qui se transmet, non point de bouche à oreille, mais de main à regard
… Camille Bouchard dans son roman : « L’emprise des cannibales ».

Alors, je pars. Personne ne m’a montré la porte. Ce serait plutôt le contraire et c’est même avec nostalgie que je quitte cette formidable équipe avec laquelle j’ai travaillé puis collaboré depuis nombre d’années. Je dois ajouter que cette décision est le fruit de plus d’une année de réflexion. Une certaine fatigue s’est installée et les évènements du quotidien sont parfois de nature à modifier l’angle d’attaque au bâton. La vie nous lance souvent des balles courbes. C’est sa façon à elle de nous indiquer qu’il faut regarder au-delà du lanceur et toujours viser le circuit, même si jamais on l’atteint. Les 16 dernières années furent les plus belles de ma vie professionnelle. Pourtant, elles ne furent pas exemptes de défis, parfois de déceptions, mais elles furent surtout remplies d’un amour pour ce métier, que ce soit celui de journaliste ou celui de chroniqueur. Comme le dit si bien Camille Bouchard dans un de ses romans, la plume est ce lien privilégié qui transmet les mots, non pas de bouche à oreille, mais de main à regard. Ce véhicule de communication aura toujours été pour le grand timide que je suis, même si personne ne veut me croire, la courroie par excellence afin de m’exprimer. Je tiens donc à remercier tout particulièrement le propriétaire et fondateur de l’hebdomadaire LE RADAR, monsieur Achille Hubert. Je n’oublierai jamais notre discussion lors de mon embauche. Il avait en main mon curriculum vitae contenant une formation journalistique acquise 20 ans auparavant. Hélas! parce que j’avais bifurqué par nécessité vers d’autres travaux, il insistait pour dire qu’il ne voyait pas de lien me permettant de faire ce travail. Manœuvre pour baisser mon salaire ou doute véritable sur mes capacités, il ne m’en a jamais rien dit et la chose me fait sourire aujourd’hui. Je savais qu’il avait besoin de moi et il m’offrit le boulot. J’étais à l’essai pour deux semaines et d’ailleurs la chose était claire pour moi. Je quittais par la suite, car tout fraîchement détenteur d’un diplôme acquis pendant trois ans comme technicien en réparation de moteurs d’avion à jet, je n’avais pas vraiment l’intention de demeurer aux Îles pendant longtemps. Toutefois, les choses allaient se passer tout autrement. C’est donc en cette journée du 11 janvier 1999 que j’ai débuté au journal LE RADAR en tant que journaliste, rédacteur en chef, photographe et chroniqueur de l’unique hebdomadaire des Îles de la Madeleine.

« Un café avec ça »
Voilà une trouvaille qui m’est arrivée accidentellement. Ce fut ma première chronique et elle fut issue d’une frustration avec une compagnie que je ne nommerai pas ici. En résumé, j’étais fauché, mais je n’avais aucune dette. Alors, on me demanda des références que je n’avais pas, car j’arrivais de trois années d’études à l’Île-du-Prince-Édouard et n’avait été propriétaire de rien sauf une voiture usagée et malgré tout… payée. Même mon téléphone était sous le nom d’une autre personne. J’ai alors libéré cette frustration sur papier sans demander à qui que ce soit la permission de publier. Aussi, pour y ajouter un peu de cynisme et de ridicule, j’ai intitulé cette chronique « Et puis un café avec ça? » Voilà comment a débuté cette formidable, mais dangereuse aventure de chroniqueur journaliste, portant ainsi deux chapeaux complètement distincts. Ailleurs, dans les grands quotidiens ou hebdos, on est l’un ou l’autre. Le journaliste rapporte les faits. Exemple : Un accident est arrivé sur le chemin Cap-Vert entre telle heure et telle heure, mais sans faire de victime. Le chroniqueur, lui, peut ajouter que le chemin ressemble à un champ de mines et que le conducteur a pris le champ en tentant d’éviter un nid-de-poule plus gros qu’un cratère. Il peut même aller plus loin et dénoncer publiquement un certain laxisme des autorités politiques si tel est le cas. C’est là que son rôle passe de journaliste à critique/enquêteur, car il faut toujours vérifier ses sources. Voilà qui devient un métier dangereux, surtout qu’aujourd’hui, qui s’attaque à certains organismes publics ou privés puissants, risque une avalanche de menaces de poursuites judiciaires, parrainées par une armée d’avocats alors que lui, le simple chroniqueur, n’a aucune protection. Seuls, les représentants des grands médias nationaux ont une telle protection, le tout aidé d’un contentieux et encore.

La corde raide
Donc, qui se fait volontairement le défenseur de la veuve et de l’orphelin risque de marcher sur le fil ténu de l’insécurité financière, émotionnelle et physique, tout au long de l’exercice de ses fonctions. Dans un petit milieu insulaire, les choses peuvent être encore plus compliquées. Quand le chroniqueur (Martineau) rentre chez lui, il est fort peu probable qu’il rencontre au dépanneur du coin le président d’un syndicat qu’il a « blasté » la journée même. Dans un petit milieu, la chose est parfaitement possible, même presque probable. Les « vaches sacrées » sont souvent plus nombreuses en un milieu fermé qu’en de grandes villes. Comme me l’a souvent dit ma compagne, « CHARLIE n’existe pas aux Îles ». Il y a définitivement des sujets tabous auxquels il serait suicidaire de s’attaquer, voire même de fouiller ne serait-ce qu’un tout petit peu. Certains qualifieront cela de manque de courage, moi j’appelle ça une qualité de vie à protéger, surtout quand on a l’impression d’être seul à crier dans le désert. Beaucoup de gens ont au cours de ma carrière, chargé le fusil pour me demander de tirer. Je l’ai fait parfois avec plaisir et satisfaction. Malheureusement, ce fut aussi trop souvent pour me retourner et m’apercevoir que le prêteur de fusil et ses compagnons étaient tous disparus une fois le tir exécuté. Voilà donc ce que j’appelle la corde raide, une corde dont je fus victime à quelques reprises au cours des 16 dernières années. Cependant, je me suis toujours fait un point d’honneur de ne jamais attaquer publiquement une personne dans son intégrité personnelle ou sa vie privée. Là où j’ai parfois « brassé la cage » et ceci sans regret, c’est surtout auprès d’organismes, qu’ils soient politiques, culturels, économiques ou même religieux. Après tout, nous vivons dans une société organisée par des individus qui représentent ces entités. J’ai toujours considéré qu’à ce titre, une quantité de gens sont mandataires du rôle et des obligations des organismes dont ils ont la charge.

Blessures et pardon
En 16 ans, j’ai commis des erreurs et j’en suis conscient. Il y a des gens qui furent blessés par mes propos et certains de façon injuste, ceci dû à une mauvaise expression de ma part ou une mauvaise interprétation de leur part. À ces gens, je leur demande pardon et il m’est arrivé d’en contacter quelques-uns (unes) et de les rencontrer en personne pour qu’on s’explique. Il m’est arrivé d’écrire personnellement à quelques autres aussi. Cela s’est toujours réglé par une sincère poignée de main et un profond respect mutuel.
En d’autres cas, ce fut plus pénible. Quand un groupe de signataires réclament publiquement votre tête. Quand d’autres vous accusent d’avoir menti alors que c’est tout le contraire. Quand un organisme public vous somme de vous rétracter publiquement par la menace d’une poursuite qui ruinerait votre vie professionnelle et monétaire alors que vous savez pertinemment que vous étiez dans votre bon droit, il est difficile de ne pas avoir mal, même encore aujourd’hui. Quand des victimes anonymes que vous avez défendues sur la place publique arrivent dans votre bureau et vous insultent parce qu’elles pensent, sans raison et sans preuve, qu’en un petit milieu comme les Îles, certaines personnes pourraient les avoir reconnues; là, il vous arrive de vous demander pourquoi vous faites ce métier. Ça, en bout de carrière, il fallait que je le dise. Heureusement, il s’est quand même agi d’exceptions. Les 16 dernières années furent heureusement remplies de belles rencontres, d’entrevues qui ont enrichi ma vie et m’ont permis de continuer avec toujours une plus grande ambition, une passion pour les mots et un portrait bien plus positif de notre société qu’il n’y parait à première vue.

Les plus belles choses
Le plus beau cadeau que m’ont fait les lecteurs et lectrices de ce journal se résume aux nombreuses fois où, sans que je les connaisse vraiment, des personnes sont venues me dire, presque en catimini : « Merci de dire tout haut ce qu’on pense tout bas. » Le plus beau cadeau que m’a fait mon patron fut de me laisser m’exprimer en toute liberté sans jamais intervenir dans ma rédaction. Je le remercie pour cette belle liberté qu’il m’a accordée. L’autre beau cadeau fut celui de travailler avec une merveilleuse équipe, avec des personnes que je ne peux nommer de peur d’en oublier quelques-unes. Directrice et représentantes publicitaires, secrétaires, amis et amies journalistes, stagiaires, graphiste et correctrices, je garderai de vous toutes et tous le plus beau des souvenirs. D’ailleurs, tellement de belles choses me sont arrivées avec vous que cela va prendre la prochaine et dernière chronique pour les rappeler à tous nos lecteurs. C’est donc un rendez-vous.
À la semaine prochaine.

GG

lundi 1 juin 2015

Des mots qui parlent fort

Par Georges Gaudet
georgesgaudet49@hotmail.com
Des textes et citations qui en disent plus que les livres.

Le travail de chroniqueur amène constamment celui qui rédige ces chroniques à puiser partout où il peut trouver l’inspiration pouvant guider sa plume. Une des sources inépuisables de cette quête se trouve dans les citations et courts textes rédigés par de grands hommes et femmes qui ont souvent écrit l’histoire de l’humanité. D’autres se cachent dans des textes anonymes, fruit de la réflexion d’une femme ou d’un homme, des êtres inconnus, qui par la joie et trop souvent la souffrance, ont exprimé en de simples mots, tout un pan de l’âme humaine. Voici donc quelques-uns de ces mots qui en diront toujours plus long que toutes les chroniques du monde réunies en un seul livre.

Le texte qui vient est venu me chercher profondément. Son rédacteur «inconnu» a traduit en peu de mots toute la profondeur de cette terrible maladie et surtout la souffrance certes intérieure de la personne qui en souffre. Aussi, permettez que j’ajoute que ce poème aurait pu être celui de ma mère.
Ma mère, du temps où elle était jeune et heureuse












Le poème d’un Alzheimer
Ne me demande pas de me souvenir,
N’essaie pas de me faire comprendre,
Laisse-moi me reposer et sentir que tu es avec moi,
Embrasse ma joue et tiens ma main
Je suis confus au-delà de tous tes concepts,
Je suis triste, malade et perdu,
Tout ce que je ressens,
C’est le besoin que tu sois à mes côtés à tout prix.
Ne perds pas patience avec moi,
Ne me gronde pas, ne blasphème pas, ne pleure pas
Je ne suis pas responsable de ma façon d’agir,
Je n’y peux rien, même si j’essaie,
Souviens-toi seulement que j’ai besoin de toi,
Que le meilleur de moi n’existe plus,
S’il te plaît, n’oublie pas de te tenir à mes côtés,
Aime-moi jusqu’à ce que ma vie s’éteigne.

Tombé par hasard sur ce poème écrit en anglais et que je viens tout juste de traduire, je n’ai pu retenir un flot d’émotions enfouies au fond de mon être et qui jamais ne me quitteront. Nos hôpitaux sont remplis de gens qui souffrent de cette maladie. On y mêle plusieurs pathologies sous des noms bizarres et qui donnent le même résultat apparent. Cheminant tous vers ce destin possible à mesure que l’addition des jours s’accumule en les vies de chacun et chacune de nous, les mots ne suffisent pas toujours pour exprimer toute la profondeur de cette détresse humaine. Le jour où je suis entré dans la chambre de ma mère en CHSLD et qu’elle m’a dit : « Kis ke té? » (Qui es-tu?) ne s’effacera probablement jamais de ma mémoire, tant le sillon est profond. C’est là qu’on m’a parlé de déficit cognitif, d’Alzheimer, de démence possible. Vous savez quoi? — j’aurais préféré l’expression « retour en enfance », un peu comme la boucle d’un cercle qui se referme sur une vie simple, mais bien remplie. Du temps des couches, de la cuillère portée à la bouche, du sommeil perturbé, de l’incapacité d’identifier ses peurs et souffrances, de la motricité encore à l’état embryonnaire jusqu’à la vie bien vécue, se pourrait - il que l’être humain retourne à son point de départ? — le corps encore en déficit, mais l’âme secrètement remplie de trésors et enfouie dans l’immensité d’un univers qui ne lui est accessible que par le passage de l’autre côté du miroir de la vie. OUI! – définitivement, je préfère l’expression « Retour à l’enfance ».

Injustices, quand tu nous tiens
D’autres textes et citations viennent de grands hommes. Des politiciens ou des personnalités du monde médiatique qui n’ont pas peur des mots et qui défendent becs et ongles leurs principes, indépendamment de leur couleur politique. En quelques phrases, ils placardent au visage des inconscients ou des complices, des vérités que la plupart d’entre nous refusent de voir ou d’admettre. En voici deux qui portent à réfléchir. Cela se passe aux É.-U., mais ne nous flattons pas de notre différence, nous nous dirigeons tout droit dans ce même chemin tordu.
Senateur Bernie Sanders
Le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders déclarait   ceci :
Présentement les É.-U. déboursent en dépenses militaires plus que les neuf autres pays réunis qui les suivent. Ceci malgré que 45 millions d’Américains vivent dans la pauvreté, 35 millions sans aucune couverture médicale en plus de nos vétérans de guerre qui dorment dans les rues un peu partout au pays. Pourtant, le seul budget que les républicains veulent augmenter, c’est le budget militaire. Pourquoi?

Il a aussi dit :
Une nation décente n’est pas celle dans laquelle la « survie du plus fort » règne. Elle est celle dans laquelle nous nous soucions des personnes les plus vulnérables d'entre nous. Nous ne pouvons pas donner des allégements fiscaux aux milliardaires et grandes entreprises tout en ayant le plus haut taux de pauvreté des enfants dans le monde industrialisé et de plus en plus de personnes âgées vivant dans une misère économique. Cela n’est pas une société morale. Cela doit changer.

Et pour finir
… Je voudrais bien que celle-ci soit une farce, mais malheureusement, ce n’en est pas une.  Pensez en ce que vous voudrez.














Bonne semaine à toutes et à tous.

PS: * La semaine prochaine, je commencerai la rédaction d’un texte d’adieux au journal local LE RADAR. Le 19 juin sera la dernière publication de cette chronique hebdomadaire qui débuta un certain 15 janvier 1999. Toutefois, ce blogue du lundi va demeurer et ne sera pas nécessairement dans la même optique que la philosophie du journal. Donc, des changements à venir que je souhaite toujours intéressants pour vous lectrices et lecteurs. Peut-être moins de texte et plus de photos. Des sujets qui continueront de graviter encore et toujours autour de ces trois thèmes:  Des mots, des bateaux et des pinceaux.
GG