lundi 28 septembre 2015

Dernière croisière

L’âme joyeuse et le cœur triste

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Vendredi dernier le 25 septembre, ma compagne et moi vidions pour une quatrième fois notre minuscule chambre à bord du CTMA VACANCIER. Le cœur gros et à la fois contents que la saison se termine, il nous fut difficile de concilier ces deux émotions à priori opposées.

Travailler tout un été sur un bateau de croisières à ses avantages et aussi ses compromis. Loin de moi l’idée qu’il s’agit d’un travail pénible, mais produire des ateliers et conférences devant un public captif avec autant de différences culturelles qu’une société bien plus grande, demande rigueur, bonne préparation et constance. Voilà ce qui explique peut-être cet effet contradictoire entre le regret que ce soit déjà terminé et la fin d’une belle saison.

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Entre l’amusement et le sérieux, la frontière demeure toujours mince et en être conscient, c’est tenter de demeurer au diapason d’un public qui avec raison, demande à être diverti.

Vivre sur un navire de croisière pendant 12 à 16 semaines, c’est se couper du monde, de ses misères, de sa politique et de l’ensemble de ses préoccupations. Les gens qui travaillent à bord doivent y mettre les bouchées doubles pour satisfaire une clientèle qui en redemande alors que nous, les amuseurs, devons faire preuve d’originalité, de débrouillardise et de passion pour notre travail. Côtoyer les membres d’équipage est une réelle leçon d’humilité envers ces travailleuses et travailleurs de la mer. Il faut être là pour apprécier tout le travail qu’ils accomplissent et la sagesse de reconnaître que ce ne sont pas n’importe quels premiers venus qui pourraient accomplir un tel travail.

Atelier d’écriture

* Mercredi le 23, lors d’un atelier d’écriture, j’en ai profité pour tracer sur papier le fond de ma pensée. Titrée, « Dit-on assez souvent merci? — ce petit mot qui ne coûte rien! » Je vous invite donc à lire le reste.

Il en est ainsi à bord de ce navire de croisière. Après-demain, dernier retour au port après 15 semaines de navigation. Capitaine, officiers, mécaniciens et matelots termineront leur travail essentiel à la bonne conduite sécuritaire de ce bateau. Heureux, les passagers souhaiteront les féliciter et les remercier de les avoir conduits à bon port. Il est cependant d’autres personnes qu’il ne faudrait pas oublier et ici, je pense particulièrement à ces travailleuses et travailleurs de l’ombre. Cuisiniers et cuisinières, assistantes, serveurs et serveuses de table, femmes de ménage, bagagistes, animateurs et animatrices, femmes de chambre. D’ailleurs, je me suis toujours demandé pourquoi l’expression « hommes de chambre » n’existait pas ou si peu.

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Alors, après-demain, nous accosterons à quai. Pour la plupart, les voyageurs quitteront le pont des passagers le cœur joyeux et la tête pleine de beaux souvenirs. Et puis les autres, les membres de l’équipage, oublieront vite les petits conflits, les grandes fatigues, le manque de sommeil, les absences du foyer familial, les quelques passagers peu nombreux, mais éternellement insatisfaits, les jours de grande houle avec le cœur au bout des lèvres et ces journées trop courtes pour tout faire à bord. Ces gens, ils sont tous de l’équipage. La plupart d’entre eux rentreront à la maison après une vingtaine de semaines en mer. Fatigués, mais heureux et avec la tête tout autant pleine de souvenirs que les passagers eux-mêmes. Ils emporteront dans leurs bagages ces rencontres charmantes, ces accolades chaleureuses, ces quelques mots gentils en des moments où le corps accomplissait le travail exigé, mais la tête et le cœur souvent loin de là, quelque part entre le conjoint, la conjointe et les enfants restés à la maison.

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Quand l’équipage quittera le bateau, des larmes couleront sur des joues. Ils se demanderont tous s’ils reviendront sur le même navire l’an prochain. Combien seront encore là, combien auront trouvé un ailleurs meilleur et combien seront tout simplement disparus. Aussi, ils se souviendront peut-être combien de « mercis » ils auront récoltés tout au long de cet été pendant que leur navire chevauchait les vagues du fleuve et du golfe Saint-Laurent alors qu’eux, symboliquement, ramaient au meilleur de leur capacité pour le faire avancer avec grâce et efficacité, le long de ce fleuve géant, pas toujours tranquille.

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 Capt mémoires GG

lundi 21 septembre 2015

De Cap-aux-Meules à Havre-Saint-Pierre.

* Quand je suis parti des Îles de la Madeleine, mardi le 15 septembre dernier à bord du navire de croisière CTMA Vacancier, je ne croyais pas vivre un si beau et émouvant voyage. Havre-Saint-Pierre sur la Basse-Côte-Nord du Québec était une première pour moi… et j’y reviendrai.

Ému jusqu’aux larmes.

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Ils agitent un drapeau, mon drapeau et me voilà avec les larmes aux yeux. Je ne sais pourquoi je pleure, mais je laisse les larmes couler comme si la mémoire de quelque chose oublié m’était soudainement revenu. Pourtant, je n’en sais rien. Je me sens comme une partie de tous ces gens qui agitent le drapeau acadien, là en bas, sur le quai. Ce drapeau de l’Acadie, ce drapeau d’un pays qui n’existe que dans la tête des uns, dans le langage des autres. Un pays sans frontière, où nous nous reconnaissons entre nous sans avoir nécessairement la même histoire.

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 On m’a dit que mes ancêtres, du moins une partie d’entre eux, avaient quitté les Îles de la Madeleine pour venir s’établir ici à Havre-Saint-Pierre. Ils y ont pris racines et plus d’un siècle plus tard, nous voilà tous émus de nous rencontrer sur ce quai, comme si nous n’étions qu’une seule famille séparée depuis longtemps par l’histoire et les épreuves du temps. J’ai l’impression de rencontrer de vieux amis, des frères et sœurs, des gens de mon village, même si nous ne nous sommes jamais rencontrés vraiment. Je leur dis : « Je reviendrai » et je le souhaite vraiment. Je me sens comme quelqu’un qui arrive au paradis et qui revois de vieux amis, des parents, des frères et sœurs, des oncles et tantes, cousins et cousines, disparus depuis longtemps. Peut-être est-ce pour cela que je pleure sur ce drapeau qu’ils agitent tous.

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Peut-être est-ce aussi pour cette autre raison. Il y a des années de cela, mon frère habitait ces lieux. Il volait souvent avec son avion le long de cette longue terre qu’il appelait un pays semblable au nôtre. Un horizon sans fin, des pêcheurs, des chasseurs, des gens sans artifices, fiers et accueillants. Mon frère est décédé en janvier dernier. Hier, en voyant tous ces gens agitant sur le quai en guise d’un au revoir ce drapeau Acadien, j’ai eu l’impression de revoir mon frère amerrir dans le havre, entre l’île d’en face et en amont de la petite Île au marteau. J’ai eu l’impression soudaine qu’il était à mes côtés et qu’il me disait : « Regarde!- La Basse-Côte-Nord, c’est les Îles 40 ans passées dans ce qu’elles avaient de plus beau. Regarde, ce sont eux nos frères. Ils nous ressemblent tellement.» Et dans un regard tourné vers la mer, je l’ai revu s’envoler vers un horizon dont seule mon imagination en créait l’immensité.

Arrivée Donald à Havre St-Pierre

Voilà pourquoi sans doute, je pleurais. Je n’avais pas trouvé uniquement des frères, mais mon frère. Et ce, grâce à la magie de cette rencontre avec ces Saint-Pierrais, ces “Cayens”, ce peuple Acadien en chair et en os, qui désormais existent encore plus que mon drapeau, à la fois dans mon langage, dans ma tête et surtout dans mon cœur.

Georges Gaudet

mardi 15 septembre 2015

Un naufrage qui finit bien

OLYMPUS DIGITAL CAMERA  Les 27 membres d’équipage eurent tous la vie sauve tel qu’en témoigne cette déclaration en douanes.

* Aujourd’hui le 14 septembre 2015. En ce lundi soir, j’ai eu le privilège d’assister à la fête-anniversaire d’un vieil ami, Frixos Sekkides. Marin opérateur radio à bord du « Corfu Island » lors de son naufrage sur les côtes des Îles le 20 décembre 1963, cet homme n’a jamais oublié les Madelinots qui lui ont sauvé la vie. En 2007, soit quarante-quatre années plus tard il est revenu vers ces Îles dont il n’avait perçu que quelques silhouettes et paysages flous lors de cette catastrophe maritime. Depuis 2007, Frixos est venu aux Îles chaque année, sauf une fois, afin de maintenir ce lien affectif avec les Îles de la Madeleine et les gens avec lesquels il s’est lié d’amitié. Cette année, la semaine précédant son arrivée aux Îles, il nous a fait parvenir le petit message suivant à ma compagne et à moi-même. J’ai traduit en français afin de partager avec vous, chers lectrices et lecteurs.

Mille fois merci de me lire et partager. Je vous souhaite une agréable semaine.

GG

Mes chers amis Dominique et Georges

La première fois que j’ai vu les Îles, c’était lors d’une journée très sombre en décembre 1963, alors que le CORFU ISLAND, un vieux navire « liberty ship » qui était passé dû fit naufrage pendant une tempête de neige dans le golfe Saint-Laurent alors que la visibilité était nulle. J’avais cru voir la silhouette des Îles de la Madeleine ou tout simplement un mirage!

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Nous nous sommes échoués et posés sur une roche submergée.

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Quarante-quatre années plus tard, j’ai revu les Îles en différentes conditions et circonstances alors que j’avais décidé de rencontrer et remercier les gens qui avaient risqué leur vie pour sauver les nôtres.

Dunes et lagons 

À mesure que nous approchions de l’aéroport et que le petit avion faisait un cercle lors de son approche, je fus fasciné par cette vue panoramique de ces îles jointes par ces dunes modifiant sans cesse ce décor parsemé de beaux lagons.

Je suis tombé en amour avec tout ce que ces Îles avaient à offrir. Pas étonnant que les touristes envahissent ces belles plages sans fin.

Je suis impatient de renouer avec cet endroit et ces gens magnifiques.

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Frixos Sekkides

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Avec un de ses sauveteur: Chester Turnbull, opérateur radio aux Îles de la Madeleine.

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Rencontre avec des élèves du primaire à Grande-Entrée.

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Sur l’épave de ce qui reste de son ancien navire.

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Le Corfu Island en de meilleurs jours.

lundi 7 septembre 2015

Transparence des âmes et richesses du coeur

*Cela fait trois ans que j’assiste sporadiquement aux ateliers d’écriture présentés par ma compagne Dominique Damien à bord du bateau de croisière CTMA VACANCIER. Chaque fois est unique, chaque fois est riche de découvertes, d’échanges et de révélations, toutes plus belles et plus surprenantes les unes que les autres. Brassée par la houle, l’imagination du plus petit nombre ne fait qu’augmenter la richesse des écrits comme autant de trésors enfouis au fond des mémoires et qui ne se seraient jamais révélés sans cette activité ludique ayant pour but essentiel de propager la bonne nouvelle : « Nous sommes tous et toutes des écrivains dans l’âme. »

 

par Georges Gaudet

Sur les vagues de la créativité.

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Ils sont timides et souvent ils se demandent ce qu’ils font là. — Ils sont des participants à un atelier d’écriture.

Parmi eux se cachent parfois quelques écrivains et écrivaines, mais la plupart sont de curieux intéressés à l’écriture, des passionnés des mots, trop souvent charmés par les mots des autres et malheureusement pas assez souvent fiers des leurs. Pourtant, dans l’anonymat d’un atelier où personne ne se connaît vraiment, les masques tombent. Ils, ou elles, ne sont plus des avocats, des ouvriers, des institutrices, des femmes au foyer, des ingénieures, des professionnelles. Elles et ils sont soudainement tous et uniquement des êtres humains avec leurs secrets, leurs peurs, leurs forces et leurs faiblesses, leur unicité dans un pluralisme qui ne fait de différence entre le statut social et la réussite ou l’échec d’une vie, quelle soit professionnelle ou privée. Ce qu’ils possèdent n’a plus d’importance. C’est ce qu’ils sont qui se révèle en ces ateliers.

Souvent, il ne s’agit plus d’écriture. Les mots tracés par le crayon ou la plume ne sont que des électrons transportant les messages de l’âme. Des âmes différentes les unes des autres, des âmes sans masque, des âmes parfois souffrantes, parfois gaies, heureuses ou malheureuses et puis quelques fois à la recherche d’une vérité perdue. Elles et ils sont vraies. Plus personne ne leur demande ce qu’ils ou elles font dans la vie. L’être passe devant l’avoir et le « qui es-tu » ne se pose plus, car le crayon l’a déjà écrit alors que le « que fais-tu » n’a plus d’importance. La plume a posé sur papier le langage de l’esprit. Le reste se perd dans le néant.

au loin

Dans ce navire naviguant sur le fleuve Saint-Laurent, il est des mots, il est des joies, il est des larmes qui ont transcrit au fil des vagues, un cri du cœur, le partage d’une angoisse ou l’histoire d’un grand bonheur. Ces ateliers ne sont plus des ateliers d’écriture. Ils sont devenus des révélations de la profondeur des Êtres, de tous les Êtres.

Sans mensonge, les mots s’envolent au-dessus du paraître pour flotter sur les nuages de l’être, alors que bien des cœurs s’en trouvent chaque fois plus légers et plus sereins.

Ces ateliers des mots sont devenus des ateliers de la transparence des âmes.

Capt mémoires GG

*Si votre curiosité fut chatouillée, je vous invite à visiter le blogue de Dominique Damien (www.sousuneloupe.blogspot.ca).