mardi 25 avril 2017

Bouteilles vides et Expo-67

L’école polyvalente des Îles de la Madeleine (EPIM) – 1966/1967 (2/3)
Les années de tous les espoirs où


Comment 22 gars et leur prof se sont payé un voyage à l’EXPO-67

C’est au cours d’une de ces pauses en cours d’algèbre que Frère Guy nous proposa un projet bien modeste. Depuis quelques années, les compagnies de bière ne consignaient plus les bouteilles pour les Îles de la Madeleine à cause des coûts du transport. Résultat : les fossés regorgeaient de bouteilles vides et lors des journées ensoleillées, les routes avaient l’air recouvertes de diamants alors qu’il ne s’agissait que de verre écrasé, soit un véritable désastre pour l’environnement. De là, surgit l’idée de ramasser des bouteilles vides pendant les jours de congé dans le but de faire pression sur les compagnies de bière afin de se payer en fin d’année, chacun un veston marine avec plastron de l’ÉPIM, cravate bourgogne, chemise blanche et pantalons gris pour toute la classe. Ainsi, le projet fut mis en œuvre avec l’aide du camion de la polyvalente et la bienveillante collaboration du conducteur, « les moulins à coudre Singer », M. Gérard Cormier. D’ailleurs, cet homme jovial et toujours de bonne volonté fut une grande perte pour tout le personnel et les élèves de la polyvalente. Et c’est ainsi que cela ne prit que deux week-ends pour nous rendre compte que le produit n’était pas récupérable le long des routes. Nous nous sommes donc mis à frapper aux portes des maisons et à notre grande surprise, bien des gens ramassaient leurs bouteilles dans leurs caisses initiales, souvent bien rangées dans le sous-sol, la remise ou le garage. En peu de temps, notre cueillette dépassa toutes nos espérances, mais les gens voulaient au moins un petit pécule pour leur avoir. Nous avons alors expliqué notre projet et promis 10 ¢/caisse si nous trouvions acheteur. Frère Guy ouvrit alors un livre comptable. Cela ne nous coûterait rien si nous ne trouvions pas d’acheteurs. En même temps, une lettre de sollicitation fut envoyée avec explications de notre projet à O’Keefe, Molson et Labatt. Bien que les réponses tardèrent à venir, la quantité de caisses de bière vides qu’on nous offrait nous subjugua. Bien des gens ne nous croient pas encore, mais entre mars et début juin 1966, notre classe de 22 gars en plus de notre professeur avons amassé 42,000 caisses de bouteilles de bière vides.

De la logistique    

Toutes les fins de semaine, nous avons ratissé toutes les paroisses des Îles en nous divisant le territoire par secteurs proches ne nos maisons respectives. C’était l’année où j’avais obtenu mon permis de conduire et j’ai ruiné la suspension du vieux Chevrolet Biscayne 6 cylindres 4 portes de mon père et heureusement sans qu’il m’en coûte un sou. À cela s’ajoutait les sorties en soirées des vendredis et samedis, tant et si bien que le dimanche avant la messe, mon père mettait la main sur le capot de sa voiture et disait souvent : « c’est comme un diesel, le moteur est encore chaud ». Afin de prendre le volant le plus souvent possible, je m’étais fait assigner tout le secteur de Grande-Entrée en plus de Havre-aux-Maisons. Chacun faisait sa part comme il le pouvait et avec l’aide des parents dans la plupart des cas. Dans la grange chez moi, j’ai amassé 1400 caisses de bière en peu de temps et d’autres en ont fait autant. Même que je me souviens combien on peut mettre de caisses de bière vides dans une Chevrolet de cette époque. En retirant le cric, le pneu de secours et en chargeant le siège avant tout en laissant juste assez d’espace pour tenir le volant, j’ai fait 4 voyages à Grande-Entrée en emportant 105 caisses chaque fois. À cette époque, l’asphalte n’existait plus juste après la Pointe-aux-Loups et toujours maniaque de l’aviation comme je l’étais, je me faisais plaisir en accélérant jusque 60 mph (100 km/h) sur l’asphalte pour m’imaginer atterrir dans un fracas de gravier à cette vitesse sans jamais perdre le contrôle. C’est là que les « ball joints » de la voiture de mon père ont pris l’bord. Et puis, la compagnie Molson a répondu à notre appel. On nous offrait 35 ¢ la caisse en plus du transport payé via CTMA, mais ils ne savaient pas encore que nous avions amassé 42,000 caisses, dont une pleine que nous avons partagée entre les 22 débardeurs que nous sommes devenus pendant deux fins de semaine.

Un projet plus grand que nature
Les autorités gouvernementales venaient d’offrir aux élèves de la polyvalente, un voyage tous frais payé par avion pour une durée de deux jours sur le site de l’Expo67. L’idée était alléchante, mais notre classe a décliné l’invitation. Nous avions trop travaillé et nous voulions vivre une expérience différente. Entre-temps, la compagnie Molson nous a fait parvenir un chèque de 14,700 $ et c’est ainsi que nous avons décidé d’un commun accord de faire différemment. D’abord, 4,200 $ furent distribués aux gens qui nous avaient fourni tant de caisses et il nous restait alors 10,500. $ pour planifier le reste du voyage. Pour nous, il n’était pas question de faire un aller-retour en si peu de temps, mais de visiter en chemin et comme disait le Frère Guy, enrichir notre culture, même avant d’arriver sur le site de l’Expo67. 
Nous avons donc nolisé le DC-3 d’Air-Gaspé, un avion de 23 passagers qui devait nous amener des Îles jusque Moncton au Nouveau-Brunswick, puis un autocar de SMT (Service Maritime Transport) de Moncton jusque Rimouski et ensuite, l’autocar Voyageur jusque Montréal avec un arrêt de deux jours à Québec. Pour le retour, il fut convenu que chacun s’en revenait quand il le voulait et selon ses propres moyens puisqu’il nous restait à chacun la jolie somme de 320 $.

Il restait les examens du ministère
Tout était planifié sauf que nous avions tous un peu triché sur le temps consacré à l’algèbre, une matière dont j’étais trop heureux de m’en passer personnellement. Frère Guy eut alors l’idée de nous donner trois fins de semaine entières, exclusivement consacrées à l’étude de l’algèbre, soit de 9 h à 16 h, tant le samedi que le dimanche. Aussi, avons-nous dû charger à bout de bras sur des palettes de bois, 21,000 caisses de bière vides à deux reprises à bord du CTMA MADELEINE (aujourd’hui, appelé le petit madeleine par les anciens employés de CTMA). Inutile de dire que voyant les examens du ministère approcher, l’examen d’algèbre nous faisait un peu peur, mais malgré un bourrage de crâne évident en tout dernier recours, toute la classe a réussi l’examen. Une fois le party de fin d’année consumé, il nous restait à convaincre nos parents de notre planification de voyage et notre intention de retour selon ce qui était convenu avec eux. Et c’est ainsi qu’un jour de fin juin 1967, un avion atterrissait sur la piste de Havre-aux-Maisons pour prendre à son bord de façon exclusive, 22 gars et leur professeur, direction Moncton, NB. Pour un temps, c’était notre avion, notre voyage et surtout, notre projet que se réalisait. Les adieux étaient faits à cette polyvalente qui nous avait tant apporté en cette année exceptionnelle et il s’ouvrait devant nous, tout un monde… où tous les rêves étaient permis.

*Dans la prochaine et dernière chronique (3/3), un beau voyage et l’Expo67.


Georges Gaudet


lundi 17 avril 2017

Pâques, une fête religieuse quand même!

* Pour des raisons de chronologie avec d'autres participants au 50e de l'école polyvalente des Îles, la seconde chronique d'une trilogie sur le sujet sera publiée un peu plus tard au cours des semaines à venir. Voici donc pour cette semaine une réflexion sur la fête de Pâques. Bonne lecture à toutes et à tous. GG


Pâques, l’espoir face à la désolation

Je ne suis pas ce qu’on peut appeler « un bon chrétien », même que selon les cannons de l’Église catholique, je serais probablement qualifié de délinquant, sinon pire. Je suis loin d’aller à la messe tous les dimanches, je suis divorcé et le genre de confession que je respecte le plus tient en un dialogue personnel avec celui que j’appelle Dieu. Et puis quand j’en suis gêné, je dialogue alors avec celui que j’appelle mon chum… Jésus. Pourtant, cela ne m’a pas empêché d’assister volontairement à la messe de Pâques hier. J’avais besoin de faire une pause, de réfléchir et comme toujours, poser des questions. Je n’y peux rien, c’est ma nature et puis tant pis si Dieu n’aime pas ça. Il n’a qu’à s’en prendre à lui-même, c’est lui qui m’a créé m’a-t-on enseigné.

C’est que des fois, je me demande s’il dort au gaz, ce Dieu. Autant je tiens à le remercier de vivre dans un lieu terrestre bien acceptable malgré les tordus qui nous gouvernent, autant je me demande pourquoi tant de gens souffrent, apparemment sans raison valable, sinon qu’ils sont nés au mauvais moment, à la mauvaise place. On dit que le grand Jacques Brel répondait à ceux qui lui demandaient comment il allait, la réponse suivante : « Bah! J’ai mal aux autres! » Au cours de la semaine, je suis vraiment tombé par hasard sur une vidéo d’une véritable exécution humaine en plein territoire de guerre. J’ai déjà vu la mort de près et j’ai vu mourir. Dans les deux cas, malgré la tristesse ou la peur, j’ai éprouvé une certaine paix intérieure difficile à expliquer. Mais là, devant mon écran, ce fut tout à fait le contraire. On dit que le mal existe et je le crois, mais comme je suis plutôt visuel qu’auditif, là je l’ai vraiment vu de mes yeux et oui, le mal existe vraiment. J’ai vraiment eu « mal aux autres. » Voilà ce qui m’a amené à l’église hier matin plutôt que la répétition annuelle de la messe de Pâques. Le monde dans lequel nous vivons est bien beau sous certains angles. La nature, les couleurs, la vie qui l’anime, ces animaux, ces forêts, ces mers, ces cieux ensoleillés ou grandioses de nuages, ces montagnes majestueuses, enfin, tous ces tableaux sont d’une beauté forçant l’admiration, la méditation, la contemplation. Toutefois, personne ne peut nier que pour que cette vie existe, il y a la mort. Cette mort qu’on dit que Jésus a vaincue. Le gros poisson mange le petit, la vache mange l’herbe, les insectes se nourrissent des forêts et se mangent entre eux, le lion bouffe la gazelle et ainsi de suite. L’homme, quant à lui, a développé les systèmes les plus sophistiqués et efficaces pour détruire ses semblables, tant par les instruments de torture et de destruction qu’il a créés, que par la justification de quelconques croyances qui proclament la mort comme solution à tout ce qui ne lui ressemble pas dans sa culture ou ses croyances. Il se croit maître de l’univers, alors qu’à 12,000 pieds (3650m) d’altitude, il est déjà en milieu si hostile que sans une réserve d’oxygène à sa portée, il meurt en moins de deux minutes. Dans les faits, il vit sous une couche si mince de vie que par comparaison, la fourmi vivant sous une planche pourrie doit voir son univers à elle bien plus vaste que celui de l’homme. En somme, l’homme n’est rien malgré toute sa prétention. Et si c’était justement cela que Jésus est venu nous dire. « Vous n’êtes rien ici-bas, mais suivez mes conseils, la vraie vie qui commence ici, elle peut se continuer ailleurs. Mais pour cela, il faut croire en la pérennité de mon message : “Aimez-vous les uns les autres”… ce qui selon ma compréhension revient à dire, cessez donc de vous entretuer.

Une église en difficultés 
Cette Église universelle que j’ai aimée, qui m’a aussi fait souffrir, je la vois se désintégrer avec tristesse. Quand on remet en question quelque chose, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de tout remettre en question, mais non de tout détruire avant de l’avoir analysé. Malheureusement, deux courants diamétralement opposés semblent se dessiner au sein de la chrétienté actuelle et j’ai peur que cette chrétienté soit reléguée au rang d’une multitude de croyances ou de non-croyances, chapeautées par la toute-puissance d’une religion préconisant la mort de tout ce qui ne lui ressemble pas. D’ailleurs, l’Église chrétienne n’a-t-elle pas fait la même chose par le passé, il y a plus de 6 siècles de cela? Et elle en paye le prix encore aujourd’hui.

J’aime le Pape François et j’aime son approche. On dit qu’il est en grave danger. On dit qu’il serait la cible par excellence de Daesh, que le gouvernement des USA s’en laverait les mains parce qu’il est en porte-à-faux avec le nouveau président de ce pays. On dit que son discours sur la redistribution des richesses, sur l’écologie, sur les voleurs de Wall Street, sur la position des femmes dans l’Église, sur la vente d’armes, sur le célibat des prêtres, sur les homosexuels, sur les assassinats de milliers de gens, particulièrement des civils et des enfants dans les pays en guerre, en indisposerait plus d’un au sein même du Vatican. On dit qu’on craint même pour sa vie à l’intérieur des murs de Rome. On dit même qu’une rumeur circule à l’effet qu’en Argentine, il serait le père d’un enfant… et puis après? Comme le diraient d’autres; “So what?” Un peu d’humanité dans ce cercle d’hommes en soutanes serait comme une fraîcheur entrant par les fenêtres un jour de printemps il me semble.

Ce matin, devant les portes de l’église, je me suis arrêté. Je me suis demandé si j’avais le droit d’y entrer, surtout avec tous ces interdits qui existent encore au sein de cette institution. Et puis je me suis dit que Jésus acceptait tout le monde et que dans la culture de son époque, il est même allé jusqu’à défendre une femme qu’on voulait lapider. Essayez ça encore aujourd’hui en Iran, au Yémen, en Irak ou en Arabie Saoudite et vous m’en direz des nouvelles, si toutefois vous vivez assez longtemps pour en parler. Aussi, je suis allé communier, n’en déplaise à certaines âmes au jugement sévère et vous savez pourquoi? Parce que Jésus, je ne crois pas qu’il soit venu pour les ventres pleins, mais pour ceux et celles qui ont faim. Et au plus profond de ma croyance, je crois bien que c’est aussi ce que le Pape François pense, même s’il est entouré de trop de gens qui ont plus à cœur leur statut de dignitaires de l’Église que le sort de l’humanité. J‘espère seulement que lui au moins, on ne le crucifiera pas!

Voilà! C’est mon cadeau de Pâques à tous mes amis sur mon blogue et sur FB. Certains ne seront pas contents, mais que voulez-vous, on ne peut contenter tout le monde. Joyeuses Pâques à tous, tout au long de l’année quand même. Que l’espérance soit le moteur de votre pensée au sein d’une humanité qui cherche encore son véritable chemin.


À la prochaine chronique.   

mardi 11 avril 2017

Souvenirs d'une polyvalente âgée de 50 ans.

L’école polyvalente des Îles de la Madeleine (EPIM) – 1966/1967 (1 de 3)

Les années de tous les espoirs

Tant de pensées se bousculent en mon cerveau, un peu comme les pièces d’un casse-tête dont chaque petit morceau crée une myriade de moments demeurés présents au fond de la mémoire.

La «Révolution tranquille» était bien amorcée et les Îles avaient enfin leur unique et grande école polyvalente. Nous arrivions de partout, de la petite école de canton en passant par la grande école de paroisse, du collège St-Pierre et aussi de quelques horizons lointains. Issus de divers milieux, souvent ignorés les uns des autres alors qu’il ne suffisait de traverser une lagune pour s’y retrouver, nous n’avions qu’une réaction en entrant dans cette immense école pouvant accueillir plus de 1200 élèves et c’était; comment s’y retrouver? Personnellement, mon parcours était plutôt éclectique. Après une huitième année à l’école Notre-Dame de l’Assomption de Havre-Aubert, deux années et demie en cours classique au collège de Bathurst au Nouveau-Brunswick «non reconnues par le nouveau système du ministère québécois» et une dixième année «forcée» au Collège St-Pierre de La Vernière, j’étais sans doute un des plus vieux élèves de cette école. Ayant vu mon meilleur ami Hubert Arseneau devenir président des étudiants du collège St-Pierre une année auparavant, l’idée m’est venue d’en faire autant dans cette nouvelle polyvalente. Et c’est ainsi qu’à l’âge de 17 ans, je fus élu le premier président des étudiants de la polyvalente des Îles en cet automne 1966.

Les défis
À l’âge où les hormones sortent par les oreilles, mon premier objectif qui fut le combat de toute l’année fut de briser l’isolement entre l’aile B (les filles) et l’aile D (les gars), le tout bien séparé par une grille de prison et fermée avec une chaîne et un cadenas. Sœur Rose-Délima Gaudet veillait au grain. Malgré tout, grâce à la complicité de certains professeurs que je ne nommerai pas ici, nous avons réussi à briser occasionnellement cet isolement. L’organisation de compétitions sportives où les grands panneaux du gymnase séparant les gars des filles étaient ouverts, de même que l’organisation d’un grand carnaval d’hiver et quelques danses du vendredi soir dans le gymnase, prirent une bonne partie de mon temps en classe. Heureusement, j’ai eu des professeurs très conciliants à propos de mes absences et bien sûr, nous pouvions rattraper le «temps perdu» au cours de la fin de semaine.  Il ne faut pas oublier que c’était l’époque de la danse «Chez Yvon», de la danse à Fatima et de la danse «Chez Jérôme». C’était aussi l’époque des Beatles, des Rolling Stones, des Classels, des Sultans et pour les romantiques, les Claude Léveillé, Gilbert Bécaud, Christophe et le plaisir suprême, Adamo et sa chanson «Inch Allah» qui durait 4 minutes et 23 secondes. C’était le bonheur pour un «slow», mais ne vous en faites pas, Soeur Rose Délima Gaudet (très lointaine parente avec moi), veillait toujours au grain quand il y avait danse dans le gymnase de la polyvalente. Et au diable le massacre du plancher pour le volleyball.  D’ailleurs, ça bouillait d’initiatives dans cette école. Théâtre, musique, bibliothèque neuve, gymnastique, hockey et ballon-balais sur la patinoire extérieure, volleyball et basketball en salle en plus des études régulières et l’événement EXPO-67 qui arrivait à grands pas. Tout ça aura ainsi constitué le canevas de cette première année fantastique.

Les professeurs 
J’ai toujours été convaincu qu’un élève qui a eu de bons parents et au moins un professeur qui lui a servi de modèle est somme toute bien équipé pour un premier départ dans sa vie d’adulte. À la polyvalente des Îles, nous fûmes gâtés. Des «flashs» me viennent occasionnellement en mémoire encore aujourd’hui et ils sont toujours en hommage à ces personnes professionnelles qui ont laissé sur le parcours de ma vie, des petits cailloux comme ceux du petit Poucet. En les suivant, je trouve invariablement ma route. Comment oublier le directeur, le frère Buist? Homme sage et tempéré qui me prodiguait régulièrement conseils et soutien dans mes responsabilités à la présidence des étudiants. Comment oublier le directeur adjoint, le Père Julien Bonneau? Chaque fois qu’il me voyait sortir du bureau de Buist les poings serrés, il me sifflait presque à l’oreille comment m’y prendre pour obtenir ce que je voulais pour les étudiants. Comment oublier mon prof de physique, le frère Asselin? Véritable génie de la physique et capable de l’expliquer avec patience et logique en plus d’être un redoutable joueur de hockey qui aurait pu faire les ligues majeures. Bel homme, toutes les filles de l’école l’auraient marié. Comment oublier mon prof d’éducation physique, Gilbert St-Laurent? Avec lui, nous avons appris nos limites physiques, mais surtout que nous en étions bien loin. En fin d’année, le tout s’est terminé par une superbe démonstration de gymnastique devant nos parents dans le gymnase de l’école. Je sais, je vais en oublier et pas des moins bons. Je m’en excuse. Je transcris ici des bribes de mémoire et après 50 ans, le ruban est parfois rayé en certains endroits. Comment oublier Augustin Leblanc, mon prof de géométrie? Sa rigueur, sa maîtrise de la matière et sa façon unique de l’expliquer savaient nous faire passer pour de brillants élèves alors que nous étions probablement «moyens». Et la palme de mes souvenirs revient au frère Hugues Arseneau, communément appelé «Frère Guy». Nous étions «son» groupe. Vingt-deux gars, pas toujours faciles à discipliner, trop souvent convaincus que nos bêtises avaient du sens et bien plus intéressés par les filles que «d’apprendre à vivre» comme il nous le disait souvent. Frère Guy fut pour nous, les 22, notre prof de français, d’histoire (lors d’un temps de remplacement temporaire), notre prof d’algèbre et notre prof de chimie. Frère Guy avait sa façon unique d’enseigner. Nous étions «son» équipe de gars et il s’était mis en tête de faire de nous les meilleurs de toute l’école, gars et filles confondus. Quand il se choquait après nous, parfois un livre volait au-dessus de nos têtes et je n’oublierai jamais cette citation qui était sienne : « Vous raisonnez… r… et… ré». Aujourd’hui, un prof comme ça serait bien contesté, mais nous on l’aimait et c’est ainsi qu’avec lui, nous avons réalisé quelque chose qui fera l’objet de ma prochaine chronique, car celle-ci serait trop longue. Frère Guy procédait par démonstration du tableau des éléments en chimie. Ainsi, nous avons appris que le potassium mêlé à l’eau pouvait faire une méchante explosion…etc. En français, il était intraitable et n’avait pas peur de jeter par la figure un texte à un élève en lui disant : «recommence-moi ça, je n’ai rien compris». Il était comme ça le frère Guy et nous l’adorions. «Bon! vous êtes tannés» qu’il disait. Alors, il mettait ses pieds sur son bureau, se calait dans sa chaise tout en disant :«Ok, pour les dix prochaines minutes, on va se parler des vraies affaires. Vous allez être moins niaiseux». C’était nos moments préférés. Des profs comme ça, il ne s’en fait plus aujourd’hui, du moins je n’en connais pas. D’ailleurs, auraient-ils le droit d’exister? Et c’est ainsi que j’ai eu l’idée d’un journal d’école (La Misaine). Jean-Louis Lapierre qui fut mon opposant lors de l’élection en début d’année, fut nommé le journaliste officiel et il a rempli son rôle à la perfection, même qu’il en prit le style de l’époque. Je le vois encore parcourir les corridors de l’aile D et aussi ce qui lui plaisait bien, l’aile B (les filles) alors muni d’une passe spéciale tout en portant un sac en cuir et le crayon sur l’oreille. Il ne lui manquait que le chapeau à la Clark Gable, la carte de presse dans le ruban du chapeau et la cigarette au bec. Ainsi, le portrait aurait été parfait. Sacré Jean-Louis, tu as toujours eu mon admiration.

Et puis, ce fut la fin de l’année. J’ai eu le privilège de prononcer le discours d’adieu et bien sûr ces mots essentiels : «Ce n’est pas une fin, mais un commencement». Certains d’entre nous ont pleuré cette journée-là. Les uns partaient pour l’université au Nouveau-Brunswick, bon nombre des filles partaient pour le collège Mérici à Québec, un de mes amis s’en allait à l’école de police de la Sureté du Québec, toute l’école était allée à l’EXPO-67 pendant 2 jours et nous, les 22 du frère Guy allions y aller, mais à notre façon. Quant à moi, je venais d’être accepté au C.P.E.S. (Cours préparatoire aux études supérieures) chez les frères des écoles chrétiennes à l’école Joseph-François Perreault de Québec. Le cours fut aboli et remplacé l’année suivante par les Cegeps, mais enfin, ça c’est une autre histoire.

La semaine prochaine : Comment 22 gars et leur prof se sont payé un voyage à l’EXPO-67.
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