dimanche 28 juillet 2013

LA MER ME BOULEVERSE

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Elle est là, omniprésente, partout, surtout depuis que je travaille sur un navire depuis les Îles de la Madeleine jusque Montréal. Il faut vivre sur un bateau pour constater à quel point elle fait partie de notre vie. Dans les faits, elle est… la vie. Comment alors ne pas la remarquer?

Belle ou furieuse, indomptable maîtresse comme on l’a souvent appelée, charmeuse parfois, souvent imprévisible, Ulysse avait raison de se méfier de ses sirènes, mais ô combien elles pouvaient être attirantes.

IMG_8684Au bastingage du navire, je n’ai de cesse que de la regarder, toujours charmé, toujours inquiet, toujours ébloui par tant de vie, tant de beauté, tant de surprises. Comment peut-on vouloir explorer la Lune et toutes les planètes qui nous entourent et toujours méconnaître tout ce monde marin, ce monde sous-marin qui occupe plus des deux tiers de notre vaisseau spatial, ce monde dont notre vie dépend directement. Il coule en nos veines, sucré ou salé, les deux à la fois. Il fait partie de nous, il est en nous, dans chacune de nos cellules. Il les nourrit, les soigne ou les rend malades quand on l’empoisonne.

Accoudé au bastingage, une chanson de Jean Gabin me revient sans cesse en tête. Nous ne savons rien de notre univers, nous ne savons rien et prétendons tout savoir. En réalité, je réalise que je ne sais rien… et pourtant, c’est si beau!

Paroles de la chanson « Je sais » de Jean Gabin, lues devant un auditoire en vacances sur mon navire, euh pardon!... Sur le navire à bord duquel je bourlingue avec grand bonheur.

Quand j´étais gosse, haut comme trois pommes
J´parlais bien fort pour être un homme
J´disais : je sais, je sais, je sais, je sais
C´était l´début, c´était l´printemps
Mais quand j´ai eu mes dix-huit ans
J´ai dit : je sais, ça y est, cette fois, je sais
Et aujourd´hui, les jours où je m´retourne
J´regarde la Terre où j´ai quand même fait les cent pas
Et je n´sais toujours pas comment elle tourne!
Vers vingt-cinq ans, j´savais tout : l´amour, les roses, la vie, les sous
Tiens oui l´amour! J´en avais fait tout l´tour!
Mais heureusement, comme les copains, je n’avais pas mangé tout mon pain :
Au milieu de ma vie, j´ai encore appris.
C´que j´ai appris, ça tient en trois, quatre mots :
Le jour où quelqu´un vous aime, il fait très beau
J´peux pas mieux dire : il fait très beau!
C´est encore ce qui m´étonne dans la vie
Moi qui suis à l´automne de ma vie
On oublie tant de soirs de tristesse
Mais jamais un matin de tendresse!
Toute ma jeunesse, j´ai voulu dire "je sais"
Seulement, plus je cherchais, et puis moins j´savais
Il y a soixante coups qui ont sonné à l´horloge
J´suis encore à ma fenêtre, je regarde, et j´m´interroge :
Maintenant je sais, je sais qu´on n´sait jamais!
La vie, l´amour, l´argent, les amis et les roses
On n´sait jamais le bruit ni la couleur des choses
C´est tout c´que j´sais! Mais ça, j´le sais!

IMG_8404*Bonne semaine à vous toutes et tous.

GG

* Les photos sont de Dominique Damien et de moi-même.

dimanche 21 juillet 2013

Pas le bonheur total, mais presque

Pas le bonheur total, mais presque

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Voyager sur le CTMA VACANCIER entre les Îles de la Madeleine et Montréal pendant trois semaines et avoir comme travail l’obligation de prononcer des conférences sur l’histoire des Îles, l’histoire des navires dans le golfe saint - Laurent et présenter un documentaire sur un naufrage « oublié », il y a comme quelqu’un dirait : « Pire que ça dans la vie. » Voilà donc ce que je souhaite partager avec vous, lectrices et lecteurs de ce blogue, le tout assaisonné de quelques photos agrémentant ce court récit. Et puis, mille excuses pour ne pas avoir publié depuis deux semaines. Il y a des choses dans la vie qui s’arrangent toujours pour vous faire oublier vos propres promesses. Je vous en demande pardon.

P7110112Ce n’est pas tous les jours que nous, les passionnés de navigation, pouvons observer de si près un tel mastodonte si proche de nous, sans nous sentir terriblement en danger. En effet, allant plus vite que ce porte-conteneurs, le OOCL BELGIUM, notre bateau ne faisait que passer sur l’avant de ce dernier un peu comme une voiture se ramène sur la droite après un dépassement… wow!!!

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Une fois à Québec, petit bonheur jamais vécu. Picolo m’invite à tourner la manivelle de sa boîte à musique. Plus intéressant encore, il l’ouvre pour moi afin de me montrer comment le mécanisme fonctionne. Véritable petit ancêtre du système binaire en informatique, il s’agit de feuilles perforées juste au bon endroit afin de laisser passer l’air au moyen d’un soufflet pour que ce dernier produise la bonne note. Simple, génial et complexe tout en même temps.

IMG_8614 BPas loin d’une trombe d’eau, l’équivalent d’une tornade sur terre. Après être passés tout un après-midi sous un soleil de plomb, roulé plus de 30 km à bicyclette sur la piste cyclable du canal Lachine, voilà que soudainement, lors de notre départ, une minitornade s’abat sur le VACANCIER et tout ce qui se trouve sur le fleuve aux alentours. Les chaises volent de partout et les passagers sur les ponts en sont quittes pour une bonne frousse tout en s’engouffrant à l’intérieur des corridors et des divers salons du navire.

IMG_8619 BIl pleut tellement que malgré un vent d’enfer, la pluie aplatit les vagues comme une immense main brassant l’eau dans une baignoire. Il fait sombre et des torrents d’eau coulent sur les ponts.

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À peine quelques minutes plus tard, le ciel tourmenté se dégage, la lumière revient, la chaleur aussi, mais en mieux. Les ponts sèchent, les passagers retournent à leurs occupations, leurs lectures, leurs palabres. Ils auront bien quelque chose à raconter et ce n’est que le début de la croisière.

IMAG0450 BMoment bien émouvant lors de notre arrivée aux Îles. Au large de l’Île d’Entrée, le VACANCIER rencontre le MADELEINE. Cela fait cent fois que j’arrive aux Îles par bateau et je ne m’habitue toujours pas. Chaque fois, l’émotion m’envahit, un bonheur intense que je n’arrive pas à expliquer amène quelques larmes aux yeux. Je trouve ça débile, mais je ne cherche pas d’explications. Je laisse le bonheur s’installer, c’est tout.

IMAG0453-1 BIl est beau ce bâtiment. Comme deux frères, le VACANCIER et le MADELEINE se saluent à coup de cornes sonores qui traduisent bien la fierté des gens qui habitent ces deux vaisseaux.

Bonne semaine à toutes et à tous.

*Les photos sont toutes de Dominique Damien et moi-même.

dimanche 7 juillet 2013

Entre l’eau et le feu

Québec brûleLe Québec brûle, explose et se fait voler de toutes parts. Je me demande si, par laxisme, incompétence, esprit mercantile ou terrorisme, quelqu’un, quelque part, ne souhaite pas voir ce pays s’effondrer.

Mon coeur pleure avec les victimes et surtout avec les familles de ces malheureux. Puissent-elles trouver réconfort dans l’amitié que leurs prochains leur portent et dans une justice qui leur fournira au moins, un sens et qui sait peut-être, une explication à tout ça.

 

Une bouteille à la mer

Ni naufragé ni désespéré sur une Île déserte, quoiqu’il y aurait matière à lancer un message encapsulé en plein centre de l’univers galactique si l’on considère l’état de notre pauvre planète actuelle; mes pensées errent au fil de l’eau, probablement juste à la hauteur des ailes de ce fou de bassan qui suit le bateau depuis plus d’un quart d’heure.

Bien sûr je ne l’ai pas jetée à la mer cette bouteille, puisque cela est interdit par les normes antipollution sur les navires. Certains me trouveront un peu trop respectueux de l’environnement, mais imaginez quelle pollution additionnelle cela causerait sur les rives et au fond de notre pauvre fleuve Saint-Laurent s’il fallait que 300 à 800 croisiéristes jettent, chaque voyage, une bouteille à la mer.

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Eh bien non! Je suis sur le pont arrière du CTMA VACANCIER et dans son sillage rapetisse bien lentement la silhouette du Rocher Percé. Rocher mythique dont la seule qualité fut d’avoir un trou. Loin de ridiculiser cet aspect de la nature, j’avoue trouver cela plutôt génial. La nature nous donne de ces leçons parfois. Quel humain aurait pu imaginer, voir bâtir une falaise aussi escarpée qui à l’air d’un navire s’avançant vers l’océan et avec de surcroit, un trou dans sa coque. Personne bien sûr et pourtant, ce trou, ce rocher avec son trou, de par sa particularité et sa beauté, aura fait vivre des centaines de personnes qui en ont tiré profit depuis plus d’un siècle. Voilà, je vous ai averti. Alors que mes pensées tombaient lentement dans le sillage des hélices du bateau, je me suis pris à imaginer le texte que j’aurais inséré dans une bouteille à la mer. Une bouteille en verre, pas une bouteille de plastique qui aurait encore ajouté à la saleté de la planète, mais une bouteille véritable dont le manuscrit à l’intérieur aurait pu dire à peu près ceci :

Cher ami humain.

J’ose espérer que plus de cent années sont passées depuis le jour où j’ai glissé ce message dans une bouteille. Peut-être ne pourras-tu pas le lire parce que mon langage aura disparu. Peut-être es-tu un robot doté d’une mémoire de traduction, alors là, je te salue et te prie de porter ce message à ton maître. En toute franchise, j’ose croire que c’est toujours un être humain qui est ton maître.

Alors, voici! Nous sommes le 6 juillet en l’an 2013. Je navigue en plein milieu d’un endroit qu’on appelle le golfe St-Laurent. L’avenir m’inspire et m’inquiète en même temps. Je l’aime ce fleuve majestueux qui se transforme en une mer à perte de vue. Une mer bleue, presque vierge malgré tous les polluants qu’on y a jetés sur ses profondeurs, une mer comme le ciel ou j’espère m’y rendre un jour, une mer qui enveloppe de bonheur ceux et celles qui y croient.

Ton univers doit être certainement différent du mien. Tu as peut-être des poumons en acier, des jambes en alliage, des bras puissants en kevlar ou autre produit encore plus moderne. Ton habitat est probablement fait d’immenses tours de plusieurs centaines d’étages et tu voyages entre la terre et les planètes aussi facilement que moi, en ce moment, je voyage entre mes Îles et la terre ferme la plus proche. Et si c’est le contraire de tout ça et que tu habites une caverne et tente de défricher ce langage, je prie pour qu’il te soit resté une valeur qui existe toujours ici en ce siècle, même si elle se fait parfois de plus en plus rare. Cette valeur, nous l’appelons amour et c’est bien difficile à expliquer. Malheureusement, nos robots actuels ne sont jamais arrivés à la définir, mais j’ose espérer que malgré ton corps qui est sans aucun doute différent du mien, il te reste un cœur. Un cœur peut-être fait de pixels et de mégabites, mais un cœur tout de même, un cœur toujours capable d’aimer.

Voilà, c’est le message que je souhaite te transmettre dans cette bouteille à la mer. Un message éternel, un cadeau éternel que je te souhaite de déchiffrer. Tu y trouveras sans doute un effet secondaire, mais je te rassure tout de suite, ce n’est absolument pas désagréable ni dangereux. Ici, en 2013, sur cette terre, nous appelons ça… le bonheur.

GG