lundi 22 septembre 2014

Le voilier d’un amour impossible

 

* Depuis le début de l’été, je présente à un auditoire de croisiéristes, un texte écrit depuis plusieurs années. Poème grivois pour les uns, texte à la limite de la provocation pour d’autres, une création pour faire rire les uns alors que pour d’autres, il s’agit d’un portrait d’une grande sensibilité porté par un humour qui peut s’avérer triste, surtout pour ceux et celles qui ont cette capacité de l’écouter ou le lire à un niveau autre que la grivoiserie.

Les putes d’Amsterdam, très bien portées en chanson par l’incomparable Jacques Brel, ont souvent été une énigme. Comment peut-on faire de ce plus vieux métier du monde une attraction touristique universelle? Ne trouvant pas de réponse à cette question, j’ai inventé en peu de mots, une histoire prenant sa source dans ce milieu, ce milieu ou vraiment personne ne vit. J’en ai fait un poème dont l’histoire va au-delà de l’image traditionnelle de ces femmes en vitrines.

Afin de bien faire avaler la pilule, je me suis fait auprès de mes auditoires, professeur en vocabulaire marin. Ainsi, pour bien comprendre le texte, mon public devait assimiler les quelques mots communs au gréement d’un navire autrefois appelé « une Caravelle. »

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Un vieux voilier porteur d’espoir

Ses pas glissaient lentement sur le macadam

Dans ce quartier d’Amsterdam,

Là où le vent de sa jeunesse,

Lui avait fait connaître autrefois,

Plusieurs paires de fesses,

Au grand plaisir de son cacatois.

 

Mais c’était une autre époque,

Un temps loufoque,

Un temps ou les Amerloques,

Chasseurs de phoques,

Passaient les vitrines des putes,

Prêtes à toutes les culbutes,

Pourvu que le client ne les rebute.

 

Maintenant vieux capitaine,

Sa bedaine,

Cachait son mât de misaine,

Même que ce mât,

Digne d’une châtelaine,

Aujourd’hui avait plutôt l’air d’un appât

Pour une sœur Franciscaine

 

Trente ans plus tard

Elle était toujours là, dans sa vitrine

Le visage bourré de fard

Et encore, cette généreuse poitrine.

C’était celle qu’il aurait pu aimer,

Il était celui qui l’avait désarmée

 

Pourtant, les putes d’Amsterdam

Ne s’amourachent pas du premier quidam

Elles les laissent mouiller leurs ancres

Mais s’assurent qu’elles chassent.

Pas question d’aimer un cancre

Avant qu’il ne l’enfourchasse

 

Mais lui, elle ne l’avait pas oublié

Devant sa prestance

Elle avait même tenté de l’humilier,

Et lui, d’une bienveillance

Avait rétorqué sans ambivalence

Madame, vous ressemblez à mon voilier

 

Et quand il lui montra son beaupré

Elle lui dit, il a plutôt l’air d’un mât d’artimon

C’est le plus petit sur un bateau, à ce que je sache

Non désarçonné et en toute beauté

Il glissa son ancre dans le limon

Tout en riant dans sa moustache.

 

Madame, l’artimon est essentiel

Dur au travail, il est à la poupe

Et avant de vous expédier au ciel

Il peut vous ramoner la croupe

Dans toutes tempêtes démentielles

Croyez-moi, vous n’y perdrez pas votre étoupe.

 

Permettez donc, madame

Que de votre voile de dentelle

Je sauve ce qu’il reste de mon âme

Avant que cet artimon ne dételle

Ceci serait infâme

Et indigne d’une caravelle

 

Elle avait rît, elle avait rît, elle avait rît

Tellement qu’elle n’avait jamais oublié

Ce marin dont elle s’était éprit

Premier homme qu’elle avait supplié

Jusqu’à ce qu’elle le surprit

En partance sur son voilier

 

Eh oui! trente ans plus tard, elle était toujours là

En vitrine, comme du chocolat

Maintenant plus charnue, elle lui sourit

Et de joie, son cœur éclata

Alors que l’autre s’emballa

Sur cette rue, où vraiment personne ne vit.

 

Il entra, elle ferma les rideaux

Leur bastingage était fripé

Leurs yeux, pleins d’eau

Ensemble, ils burent un café

Et cette fois de dés non pipés

S’offrirent le plus beau des cadeaux

 

Il pleut sur Amsterdam

Un bateau glisse sur l’eau

L’artimon bien planté en poupe

À bord, il y a une dame

Qui dans ses mains, tient un roseau

Et lui, capitaine

Lui pose un baiser sur la croupe.

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Georges Gaudet

dimanche 14 septembre 2014

Le Madelinot artiste–Jean à Fred et Madeleine Gaudet

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* Bien que ce blogue s’appelle « Des mots, des bateaux et des pinceaux, » j’admets qu’il est rare que je vous présente des oeuvres d’artistes qui me touchent vraiment. Alors, cette fois-ci, je fais amende honorable et vous présente, sans prétention, un des artistes dont les pinceaux traduisent non pas des paysages, mais des émotions à la limite de l’odeur et du toucher.
Dans l’incroyable galaxie de la pensée humaine
Jean Gaudet, fils de Fred et Madeleine Gaudet est né aux Îles de la Madeleine et y a vécu une grande partie de son enfance. Obligé de quitter les Îles à cause du travail de son père, alors enseignant à l’Institut maritime de Rimouski, Jean Gaudet n’en a pas moins gardé toute la qualité des racines madeliniennes profondément ancrées en lui. Artiste dans l’âme autant que dans la réalité, soudeur de métier et « écrivain » de tableaux, ses créations sortent du domaine figuratif autant que du domaine de l’art contemporain. L’artiste amène avec lui l’observateur de ses oeuvres dans des mondes intemporels, des mondes faits de lambeaux de chair mêlés à des tissus de pensées, des morceaux d’âmes qui rient, prient et parfois souffrent, le tout en suspension dans des paradis ou des enfers de couleurs, de teintes diffuses et d’infimes personnes flottant dans l’immensité de l’infini. Et comme si ce n’était pas assez, l’artiste accompagne ses créations de textes non pas explicatifs, mais un peu comme ce personnage qui vous promène dans sa maison afin de vous en faire apprécier les plus curieuses structures.
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Jean Gaudet est de ces rares artistes qui écrivent au bout des poils de leurs pinceaux, autant la valeur de leur âme que la réalité de leur vie. Les tableaux de Jean Gaudet sont des voyages en dehors du temps, en dedans de soi-même, dans l’incroyable galaxie de la pensée humaine.
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Si vous ne me croyez pas, allez voir une partie de son art au CAFÉ D’CHEZ-NOUS, au 97 Chemin principal à Cap-aux-Meules, Îles de la Madeleine. Intitulée LES ÎLES DE MON EDEN, vous pourrez plonger dans cet univers fantastique jusqu’au 11 octobre prochain.
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Et seul devant lui-même, l’homme continue sa quête vers la lumière.
GG





lundi 8 septembre 2014

Récit à vol d’oiseau

 

Fou de Bassan gg

L’enfant et le fou de Bassan

C’est bien connu des enfants, mais les adultes ne le savent pas, ou ils l’ont oublié. Les oiseaux parlent et les enfants leur répondent.

— Salut le fou

— Le fou de Bassan, je te précise.

— Ah oui! Et pourquoi un pareil nom?

— Mais ce sont les hommes qui me l’ont donné ce nom, et d’ailleurs, cela me fait rire.

— Mais c’est fou ce que tu fais, non?

— Pas tant que ça cher petit. Vous les hommes, vous devez vous inventer des filets, des lignes à pêche, des bateaux pour pêcher. Vous devez vous construire des avions pour voler.

Et l’enfant de dire

… mais c’est là le génie de l’homme.

— Ah tu trouves! Regarde-moi comme il faut. Je flotte comme un bouchon et puis tu as vu ce profil? Tu as vu l’envergure de mes ailes? Je vole à une vitesse fantastique et je peux monter, monter bien haut et faire un plongeon de plus de cent pieds de hauteur et entrer dans l’eau à 160 km/h puis ne ressentir qu’un petit frisson sur mes plumes. Mieux encore, je peux voir un poisson à plus de 30 pieds sous l’eau et lui foncer dessus comme une flèche.

— Hum! Je n’avais pas pensé à ça… dit l’enfant. Et comment on fait pour devenir oiseau?

— Écoute! Je vais te confier un secret. 

Tout est beau dans l’univers. Tu devrais voir ce que je vois juste avant un grand plongeon. Une mer émeraude, des rivages d’or, des îles ocre et vertes, la blancheur des embruns se mêlant au grès des falaises.

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Et ces paresseux de goélands qui ne bougent même pas les ailes et qui volent en flânant autour des bancs de poissons que nous découvrons pour eux.

— Mais tu n’as pas de mains, pas de pieds.

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— C’est vrai, mais j’ai des palmes et des plumes, des ailes et un sacré profil. Même mon maquillage est naturel et il faut l’avouer, assez beau… pas vrai?

— Sacré vantard de dire l’enfant, mais je l’avoue, tu viens de me donner une idée. Un jour, je serai pilote d’avion, parce que je veux voir le monde comme tu le vois.

— Pas comme je le vois petit, mais comme les anges le voient.

Et sur ce, le petit regarda le fou de Bassan s’éloigner du rivage avec toute la grâce qu’on lui connait. La rencontre avait été courte, mais elle avait fait naître dans l’esprit de l’enfant, le rêve de ce qu’il allait devenir.

GG

lundi 1 septembre 2014

Portraits de croisières

 

Les sacs à dos invisibles

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Vingt et une croisières et je cherche encore celle qui sera la copie d’une autre. Pas une n’est semblable, pas un passager qui en ressemble un autre. Tous ces gens, tous ces groupes sont différents, chargés de leurs hommes ou femmes aux sacs à dos invisibles, aux sacs à dos remplis de leur vie individuelle.

Une ici qui se cherche un nouveau compagnon, l’autre là-bas qui noie sa récente peine d’amour autour du bar. L’un ici qui rit en dehors, mais pleure en dedans la perte d’un être cher. Et cet autre qui répète à qui veut l’entendre que son mari, décédé depuis 5 ans, lui manque toujours.

Ici, un couple rigole, jouant avec son bonheur alors que quelques enfants courent dans les coursives comme à la fête chez le Père Noël.

Tous ces gens, ils ont tous un sac à dos invisible, rempli de petits et grands bonheurs, de petits et grands malheurs, mais ils sont ensemble sur ce grand bateau. Un bateau qui les rapproche les uns les autres. Sur un bateau de 425 pieds ou 125 mètres, ils n’ont pas le choix. Les sacs à dos invisibles se touchent souvent. Ils font rire, ils font pleurer parfois. Ils révèlent surtout qu’au fond, les humains sont tous pareils. Ils cherchent le bonheur sur un pont de navire, un sourire après un pas de danse, une vie de sérénité, de contemplation devant la mer. Une mer d’oublis, une mer les arrachant à ces souvenirs douloureux pour les consoler, loin de leur quotidien, loin de leurs petites misères.

Sur le navire, ils sont quelqu’un d’autre, c’est-à-dire qu’ils sont eux-mêmes, libérés de leurs contraintes journalières et s’ils le veulent bien, ouverts à tout ce que la mer et les Îles peuvent leur offrir.

Basilique OLYMPUS DIGITAL CAMERAVille LongueuilFleuve

La beauté d’un paysage, l’immensité de l’océan, l’accès au plaisir, mais aussi à la contemplation, la méditation, la conscience d’exister. Ils et elles sont… les vrais croisiéristes.

GG