lundi 30 juin 2014

Quand dame nature nous aime

georgesgaudet49@hotmail.com

Enfin l’été

* Le temps des bateaux, le temps des voyages, le temps des rêves. Depuis la postadolescence, je me suis toujours demandé pourquoi nous devions travailler pendant l’été. Question bien naïve, je sais, mais imaginez comment les Îles seraient si ce temps merveilleux qui ne dure que dix semaines par année aux Îles (douze si nous sommes chanceux), se prolongeait pendant au moins les deux tiers de l’année. Eh oui, probablement que nous ne l’apprécierions bien moins. Voilà pourquoi en ce blogue hebdomadaire, je vous convie en mots, en photos et en bateau, à ce premier voyage sur la mer des Îles de la Madeleine, le plus beau coin du monde pendant si peu de temps.

Nixe 1

Eh non! Cette photo n’est pas des Bahamas, mais bien prise de la terrasse d’un resto sur La Grave aux Îles en ce 29 juin 2014. J’ai enfin mis à l’eau mon petit bateau que je souhaite vendre. Bien que j’aime cette merveilleuse petite embarcation, cet été sera monopolisé par le boulot et plutôt que souffrir de voir « La Nixe » (c’est son nom) au bout de son ancre presque tout le temps, je préfère l’offrir à quelqu’un qui saura en apprécier toute la valeur et en prendre soin comme je l’ai fait depuis 2007. L’hiver prochain apportera ses surprises et ses défis. Il se pourrait bien qu’un autre bateau entre au sein de ma petite armada aux grandeurs variant souvent entre 10 et 15 pieds de longueur. Donc, dimanche dernier, j’ai comme on dit aux Îles, « lancé » mon petit bateau et comme il est bien marin, ce petit navire, Dominique et moi avons décidé de partir à l’aventure dans la Baie de Plaisance.

Cpt Dominique GPS

Capitaine Dominique prit la barre et à une vitesse moyenne de 5 nœuds, nous avons quitté Cap-aux-Meules, direction Havre-Aubert. Magie du modernisme, un petit GPS portatif indique bien notre position en plein milieu de cette belle baie.

Chenal

Une heure et trente minutes plus tard, un merveilleux panorama pouvant rendre jaloux n’importe quel résidant des mers du Sud s’offrait à nous. Capitaine Dominique connait maintenant ses entrées de chenaux. Verte à bâbord, rouge à tribord en entrant ou en amont si vous voulez. Et sur cette petite note humoristique, la fameuse plage du « Bout du bain » comme on l’appelait chez nous et que la toponymie appelle maintenant le « Sandy Hook » nous présentait ses merveilleuses dunes de sable tout en cachant de l’autre côté, une des plus belles plages des Îles.

platier HA

Signe des temps, les cormorans disputent maintenant le platier de l’entrée du Havre aux goélands. Mystère et boule de gomme, nous nous demandons si ces deux espèces s’entraident, se tolèrent ou se combattent. Quelques décennies auparavant, cet endroit était bel et bien le sanctuaire unique des goélands et des hirondelles de mer. La question demeure donc sans réponse, mais gageons que d’ici peu, les cormorans auront pris toute la place.

Chalet Les campagnes publicitaires à propos des mers du Sud font presque toujours état de paradis inconnus aux hôtels cossus le long de plages dorées. Pour ma part, en passant devant pareils décors, je préfère penser que le paradis peut ressembler à ce petit chalet posé simplement sur le bord de la rive, insolent de simplicité et de beauté.

Petite Baie 

Et puis comme tout est bien qui finit bien, c’est à marée basse que nous avons ramené « La Nixe » en son lieu de repos avant la tombée de la nuit. Un 29 juin 2014 à ne pas oublier. Mon petit bateau est enfin à « son mouillage » bien à l’abri dans une crique de La Petite Baie à Havre-aux-Maisons, là où il y a maintenant deux ans, nous avions, ma compagne et moi, passé l’été en camping, à l’abri dans sa petite cabine et admirant chaque matin, un autre des plus beaux panoramas des Îles de la Madeleine.

Bon vent à toutes et à tous.

GG

lundi 23 juin 2014

Des voiliers et l’amitié

Par Georges Gaudet  georgesgaudet49@hotmail.com

Le plaisir n’est pas toujours proportionnel à la grosseur du bateau

Doris à mon père

Le doris de mon père.

Deriveur 1 

Mon petit dériveur de 11 pieds.

C’est l’été, enfin si celui-ci veut bien arriver avant que les jours ne commencent à rétrécir un peu trop vite. Voilà qui justifie les sujets à venir, puisque j’ai l’intention de vous entretenir de bateaux, petits et grands. J’ai même l’intention de dialoguer avec les bateaux et non, je ne suis pas fou. Mon père disait souvent que les navires, tous les navires, avaient une âme et que c’était pour cela que les bateaux ne savaient pas mourir. Ceux en fer finissent à la ferraille, dépouillés de tout et rouillés. Ceux en plastique terminent souvent leur vie dans un parc à déchets, cuits par le soleil et polluant l’environnement. Ceux en bois craquent et s’affaissent sur leurs structures, s’allongent le long d’une plage ou se fracassent sur des rochers pour disparaître au fond d’un havre, d’une crique ou même de l’océan. Les Vikings avaient une façon particulière de terminer la vie de leurs drakkars. Guerriers autant que pêcheurs et conquérants des mers, leurs bateaux mouraient avec leurs propriétaires. On étendait la dépouille du défunt sur le fond de son voilier, on y montait la voile et tout en orientant l’étrave vers le large, on y mettait le feu pour que celui-ci brûle avec la dépouille de son capitaine et rejoigne ses ancêtres au fond des mers inconnues de l’au-delà. Pas pratique pour les règles d’aujourd’hui, mais drôlement symbolique et respectueux du lien parfois indéfectible qui peut exister entre un marin, la mer et son bateau.

Petite histoire banale

La pluie avait saveur de sel et la température des allures d’automne, même si nous étions au début de l’été. Tirant derrière ma voiture mon petit dériveur, je décidai d’arrêter au bistro, question de siroter un vrai bon café de marin tout en espérant que dame nature veuille bien se calmer un peu. C’est là que je reconnus un vieil ami depuis longtemps disparu des quais que je fréquente habituellement. Il s’appelait Maurice et enfants, nous avions partagé notre passion pour les petits voiliers tout en rêvant d’en avoir de bien plus gros le jour où nous allions devenir riches. Ensemble, nous avons bâti un « Optimist » et puis un « Mirror » pour ensuite accepter que la vie nous éloigne l’un de l’autre. Maurice souffrait d’une maladie que l’on aurait pu appeler « ignorance du danger » et « ambition sans limites ». Cette particularité pouvait expliquer le nombre de fois qu’il avait dessalé « chaviré » avec ses dériveurs. D’une part, il s’était souvent trouvé dans la flotte et d’autre part, il était devenu un spécialiste du redressement d’un petit voilier. Personnellement, je n’étais pas peu fier de mon dossier vierge en renversement alors que lui, comptait avec fierté le nombre de fois qu’il était revenu sain et sauf sur la rive après quelques dessalages spectaculaires.

Optimist Mirror 

Un OPTIMIST                                                                    un MIRROR.

Quelque 30 années étaient passées depuis ce temps-là. Nos cheveux sont maintenant la couleur d’un nuage d’automne, nos tailles respectives un peu plus rondes et nos articulations passablement plus douloureuses. Toutefois, le feu de la passion de la voile ne s’est jamais éteint. Après quelques bières bien calées, Maurice m’apprit qu’il n’avait plus de voilier. Tu sais, à une certaine époque, je me suis payé le grand luxe. Quand j’ai quitté le pays pour faire carrière dans l’immobilier, je me suis vu d’abord avec un voilier de 22 pieds. Puis a suivi un 30 pieds et finalement, j’ai un jour possédé un beau « Swan » de 48 pieds. Et tu sais ce qui me chagrine le plus aujourd'hui? – pendant toutes ces années, j’ai eu l’impression d’être un chien qui courait après sa queue. L’argent rentrait bien, mes bateaux étaient ce que j’avais toujours désiré, je me suis marié, j’ai eu deux enfants et puis nous avons fait de merveilleux et trop courts voyages un peu partout dans le monde… en avion. Cela me coûtait une fortune pour les assurances, les places à quai, l’entretien et l’hivernement de ces beaux voiliers. Le pire dans tout cela, mes enfants n’ont jamais partagé ma passion pour la voile et quant à mon « ex », inutile de te dire que chaque fois que je voulais partir vers la mer en sa compagnie, il me fallait inviter toute sa communauté d’amis, de confrères et consoeurs de travail, mais uniquement pour un barbecue sur le pont, bien attaché à la marina. Je te le dis à toi, mon vieil ami des beaux jours, j’avais le sourire accroché jusqu’aux oreilles, mais j’étais malheureux comme un « plogueil » hors de l’eau.

Après de telles confidences, je me sentis obligé de partager une partie de mon existence avec ce vieil ami retrouvé. Comme la plupart d’entre nous, j’avais connu des hauts et des bas et à la différence de Maurice, la richesse n’était jamais passée sur mon chemin. J’étais demeuré collé à mon petit coin de mer après les études et je m’étais contenté de quelques petites chaloupes à voile tout en fabriquant mon petit bonheur, à la journée, en compagnie d’une formidable compagne qui avait toujours partagé ma passion pour la mer. Par courtoisie, devant cet ami plutôt malheureux, je me retins d’exposer mon petit bonheur sans grande histoire. Avalant une dernière gorgée de bière, je remarquai que les nuages s’étaient dissipés et un bon vent frais du nord d’environ 15 nœuds semblait s’être bien établi. Je donnai une bonne tape dans le dos à Maurice et lui dis : « Vient-en, on s’en va faire de la voile » — ce à quoi il répondit : « Je me demandais quand tu allais te décider à m’inviter. » Alors, nous sommes partis pour le club de voile non loin du bistro. Après quelques manœuvres dans la descente, mon petit voilier de 12 pieds était à l’eau et par esprit de compétition, Maurice se loua un « Laser » et me lança le défi de le battre autour des bouées du chenal du havre. Bien que je n’étais pas de taille avec mon petit esquif, j’acceptai pour le plaisir et je reconnaissais là, l’esprit compétitif de Maurice. Une fois sur le fil de départ imaginaire que nous nous étions fixé, nous sommes pour ainsi dire tous les deux décollés sur les chapeaux de roues… sur les écoutes de grande voile en quelque sorte.

Laser 

Un LASER

La course

Bien que plus lent à cause de la configuration de mon dériveur, je tins tête à Maurice pour un bon bout de temps. Les vieux réflexes de ce fier compétiteur tardèrent à venir, mais avec les embruns en plein visage, le sourire lui est revenu avec les gestes oubliés depuis trop d’années. Presque coque contre coque, nous avons filé bon plein jusqu’à la première bouée du chenal. Devant nous, quelques jeunes filaient largue dans leurs OPTIMISTS et se demandaient sans doute qui étaient ces deux vieux rabots qui semblaient tant s’amuser avec leurs embarcations si différentes. Certains d’entre eux tentèrent de s’intégrer à notre parcours et même de compétitionner avec nous, mais pour une fois, devant la vieillesse, ils durent s’incliner dignement alors qu’au vent arrière, une fois la troisième bouée contournée, Maurice prit la tête avec la fierté d’un paon et une expression presque piratesque digne de ses jeunes années. Les étraves de nos voiliers labouraient l’eau devant nous et la barre à la main, le corps tendu sur l’arrière de nos voiliers, jeunes et vieux filèrent vers la rive à la vitesse que le vent voulait bien nous pousser. Dérive relevée, safran débarré, les uns après les autres, nos voiliers s’échouèrent doucement sur la rive légèrement vaseuse du camp de vacances alors que plusieurs jeunes vinrent nous trouver pour nous applaudir. Les voiles s’abaissèrent, Maurice souriait et personnellement, je retirai mon mat de son emplanture, remisai ma voile et ramai jusqu’à la descente et embarquai mon voilier sur sa remorque. Après avoir remisé le LASER, Maurice vint me rejoindre. Tout en m’aidant à sécuriser le tout sur la remorque, il me regarda droit dans les yeux et je ne pu que constater qu’il pleurait. Quelques larmes bien discrètes qui avaient l’air de larmes de vent étaient en fait ce qu’un jeune enfant avait déjà appelé devant mon désarroi, « de l’eau de peine ».

La main sur mon épaule, un peu gêné, il murmura : « Merci! J’avais oublié qu’on pouvait avoir autant de plaisir avec quelque chose d’aussi simple. Merci mon ami et promets-moi une chose… » Et c’est quoi cette promesse que je lui dis? – que nous recommencerons à la prochaine occasion fut sa réponse. Quelques dizaines de minutes plus tard, nous partagions une bonne pizza et quelques bons souvenirs au resto du coin. Un dicton anglais dit tout : « The smaller the boat, the greater the fun. »

Bonne semaine à toutes et à tous.

…et Bonne St-Jean.

GG

lundi 16 juin 2014

Trésors des Îles de la Madeleine

 

Sa maison est un véritable musée.

C’est bien connu, les Îles regorgent de trésors. Il y a bien sûr des trésors naturels qui nous entourent, des trésors culturels, des trésors touristiques, des trésors artistiques. Tous ces trésors sont pour la plupart accessibles et facilement appréciables. Il y a aussi des trésors cachés. Des tonnes de trésors cachés, souvent dans les greniers, sous des piles de livres, dans de vieux coffres en bois, des sacoches au cuir usé, des piles de journaux personnels, écrits à la main, avec une touche calligraphique à faire pâlir les polices modernes de nos ordinateurs. Il y a dans beaucoup de nos foyers madelinots, des trésors qui dorment entre des appuis-livres, parfois involontairement oubliés dans la tranquillité de bibliothèques personnelles, ou tout simplement perdus avec la mémoire de ceux et celles qui sont partis vers d’autres vies, vers un autre univers.

Bienvenue dans le monde de Jean-Marc Cormier.

Par Georges Gaudet georgesgaudet49@hotmail.com

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Il voulait me faire connaître un personnage oublié, un de ces nombreux naufragés sur les côtes des Îles qui ont décidé de demeurer sur place. Avaient-ils le choix? – nous n’en savons que trop peu, mais ils font aussi partie de ces gens qui ont bâti autrefois, à force de talent, de labeur et souvent d’abnégation, notre présent actuel, notre monde bien à nous. Un monde qu’ils nous ont légué dans des carnets manuscrits, des notes toutes simples, des comptes rendus notariés, des procès verbaux, des actes de naissances, des dons testamentaires, des photos d’époque, enfin, des trésors historiques qui risquent de disparaître avec les personnages qui les ont patiemment ramassés au cours de toute une vie. Bien connu des gens des Îles pour ses talents musicaux et pour ce qu’il a fait du célèbre «Café de la Grave» avec d’autres partenaires, monsieur Cormier est aussi une véritable bibliothèque vivante et sans vraiment le vouloir, probablement le meilleur gardien de toute l’histoire du site de La Grave, du moins depuis le siècle dernier et une partie de celui d’avant. Passionné de son histoire familiale et des personnages qui ont habité ce lieu hautement touristique aujourd’hui, monsieur Cormier habite une maison dont la question suivante  semble totalement justifiée.: «Y a-t-il de gentils fantômes dans votre maison?»

OLYMPUS DIGITAL CAMERADes carnets de notes comme celui-là, monsieur Cormier en a des dizaines, sinon plus. Son père prenait des notes, son oncle prenait des notes et presque tout du quotidien des gens de cette époque semble consigné quelque part, en des calepins bien ordinaires. Fêtes, baptêmes, mariages, dates et années, tout comme ces livres comptables tenus par les administrateurs du temps. Tout se comptait en 25¢, 10¢, 5¢ et de rares fois en «piastres».

Un drôle de naufragé

Petit Étang  

Petit-Étang vers les années 1900. Véritable photo du Petit-Étang à Havre-Aubert doublé d’un montage photo pouvant illustrer le naufrage de la goélette CHARLOTTE E.C.

C’était le 5 juin 1914. Cela fait cent ans cette année. La goélette CHARLOTTE E.C. s’échouait en bas du Petit-étang à Havre-Aubert. Selon les registres de l’époque, il ne semble pas y avoir eu des pertes de vie. Toutefois, comme dans bien des cas auparavant, les naufragés ne retournaient pas tous chez-eux et c’est ainsi qu’un St-Pierrais du nom de Joseph François Bidel, né le 28 avril 1871, arrivait aux Îles de la Madeleine pour y demeurer  pendant tout le reste de sa vie.

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Joseph Bidel. À l’arrière de la photo, l’auteur y avait inscrit la note suivante : «Quelques mois avant mon mariage le 23 juin 1897.»

Pour des raisons inconnues, les descendants Bidel n’habitent plus les Îles de la Madeleine. Toutefois, on dit de ce monsieur Bidel qu’il fut un vaillant travailleur, fiable et compétent auprès des entreprises du début du siècle sur le site de La Grave. N’oublions pas qu’à cette époque, c’était l’endroit commercial par excellence de tout l’archipel madelinot. Première banque, première caisse populaire, premier poste de douanes, magasins généraux, acheteurs de poisson, hôtels…etc, y avaient pignon sur rue. Havre naturel par excellence tout comme Grande-Entrée, les bateaux de pêche et de commerce y trouvaient assez facilement abris et quais de débarquements. Ce qui est particulier dans toute cette histoire, c’est que Joseph Bidel a habité pendant plus d’une vingtaine d’années chez Onézime Cormier, le père de Jean-Marc Cormier, notre gardien de trésors historiques. Des trésors qui bénéficieraient bien d’un petit «ménage» muséal avant que tout cela se perde dans une histoire qui s’éteint parfois trop rapidement. Joseph Bidel notait tout d’une écriture à la main digne des écrivains de l’époque. Appelant madame Onésime Cormier (Marie-Louise) «sa petite maman», monsieur Bidel prit seul racines sur les Îles alors qu’il entretint une chaleureuse correspondance avec ses jeunes enfants qui étaient demeurés à Saint-Pierre et Miquelon.

Voilà un petit volet d’une histoire unique mais sans aucun doute similaire à bien d’autres histoires enfouies dans les greniers ou attiques des Îles. Il faut noter aussi que le père de Jean-Marc Cormier fut pêcheur, propriétaire d’une goélette et plus tard, garde-pêche. Doté lui aussi d’un besoin peut-être viscéral de tout noter le quotidien de son époque sur de multiples carnets, l’ensemble de ces notes et les documents officiels qui les accompagnent pourraient constituer un autre pan d’histoire de l’archipel madelinot à ne pas oublier. À une époque où les jeunes sont littéralement assoiffé de découvertes modernes, particulièrement en matière technologique, il serait dommage que tous ces outils hyper performants d’aujourd’hui ne puissent pas  servir à répertorier, classer et surtout montrer les tableaux d’un monde qui n’existe plus, mais qui dans une mosaïque temporelle, pourrait présenter aux générations actuelles et futures, une référence historique d’une valeur inestimable.

Petit clin d’œil au passé

Monsieur Cormier ne s’est pas contenté de ramasser des carnets de notes et quelques vieilles photos. Dans cette maison, les œuvres d’art se chamaillent l’espace avec toutes sortes de créations originales, une collection personnelle de copies de photos des Archives nationales et des souvenirs familiaux qui racontent non seulement une histoire familiale, mais bien un portrait de la vie aux Îles comme elle n’existe plus aujourd’hui.

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Pas de casques protecteurs, pas beaucoup de protection en fibre de carbone en ce temps là, mais une même passion et probablement encore plus de cœur au jeu que la «Sainte flanelle» des dernières séries.

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L’ancienne église de la paroisse Notre-Dame de la Visitation de Havre-Aubert.

Véritable petit bijou architectural, cette photo des Archives nationales prise en 1951 par E.A. Désilet et partie de la collection personnelle de monsieur J.M. Cormier, illustre bien tout le soin et le talent que nos prédécesseurs mettaient lorsqu’il s’agissait de bâtir quelque chose de beau. On ne peut que regretter que cette superbe petite église ne fut jamais rénovée et sacrifiée au modernisme naissant d’une nouvelle époque. À noter : La qualité du clocher, une œuvre dont les travaux de démolition en 1962 ont demandé toute la mécanique disponible du temps pour en arriver à le jeter en bas de ses assises.

Il serait dommage que l’on continue de perdre nos trésors au prix d’une vision d’avenir qui refuserait de s’appuyer sur un passé bien plus solide qu’on ne pourrait le croire.

Bonne semaine à toutes et à tous.

GG

dimanche 8 juin 2014

Pour que l’on se souvienne

Un patrimoine bâti qui disparait

Église GE - Jonathan Turbide 

Photo: Jonathan Turbide (FB)

* Récemment, la petite église de Grande-Entrée disparaissait dans les flammes. Un peu comme si à mesure que notre Foi chrétienne se refroidit, nos symboles religieux s’enflamment.

Par Georges Gaudet  ( georgesgaudet49@hotmail.com )

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(Crédit photo : Josette Thibault)

La presse locale et mes amis des médias ont abondamment parlé de la perte que représente pour le patrimoine bâti des Îles, l’incendie de l’église Sacré-Cœur de Grande-Entrée. Avec raison, ils ont souligné à quel point une mémoire s’efface vite devant les flammes, surtout à mesure que les vieilles générations meurent. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ne vont plus aux offices du dimanche et cela pour des tas de raisons dont il serait trop long d’élaborer ici. Cela ne veut toutefois pas dire que nous ne tenons pas à nos églises, car même parfois vides, elles témoignent admirablement bien et avec une acuité sans pareille de l’histoire de nos prédécesseurs sur cette terre, de leur courage et leurs croyances, leur labeur et leurs ambitions. En résumé, elles portent en leurs vieilles planches et dans le plâtre de toutes leurs statues, notre propre histoire en plus de la flamme parfois vacillante, faut-il le dire, de notre Foi. Voilà un dur fardeau sur le vernis patiné de leurs colonnes et sur la poussière des années sur les 14 stations de leur chemin de croix.

«Toutes les vignettes sous les photos sont des extraits de (Quand les églises racontent les Îles,) du Magazine (Les Îles, volume 8, numéro 3, automne 2013) sous la plume de l’auteur de cette même chronique.» GG

« Véritables empreintes dans le paysage madelinot, elles ont toutes un récit différent à raconter. Les unes modernes, les autres de style plus classique, leurs clochers, leurs toitures, leurs autels, comportent en leur structure un peu de vent, d’air salin, d’histoire et faut-il ajouter, de prières. Témoins religieux de drames humains autant que de grandes joies familiales, elles sont à elles seules, les traces bien visibles d’un peuple chrétien qui fit de sa Foi, une partie incontournable des assises de son histoire.

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Crédit photo GG

Créée en 1925, la paroisse Sacré-Cœur de Jésus de Grande-Entrée fut la cinquième paroisse des Îles avec ses 622 fidèles. L’histoire de cette communauté ne s’arrête cependant pas là. Village très commercial à l’autre bout de l’archipel jusqu’au milieu du siècle dernier, Grande-Entrée est devenue la capitale des pêcheurs de homard des Îles. Peut-être est-ce pour cela que l’intérieur de leur église reflète brillamment tous les aspects des métiers de la mer. D’ailleurs, bien que fondée en 1925, une première petite chapelle fut érigée sur La Pointe du même village dès 1887, témoignant ainsi de la Foi des premières familles acadiennes s’étant installées non loin de l’entrée de cette belle baie naturelle.

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Crédit photo GG

Dernière petite église rurale traditionnelle de confession catholique conservée aux Îles, elle fut construite encore une fois avec du bois de bateau naufragé en plus des restes de la première petite chapelle de La Pointe en 1899.

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Crédit photo GG

Avec les années, on a rebâti son clocher, la façade principale et ajouté un jubé qui du coup, a presque doublé la capacité de l’assistance religieuse.

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Credit photo GG

Construite de matériaux simples et sans grandes fioritures, Claude Cyr, un artiste local y a créé de superbes sculptures qui engendrent un lien indéfectible entre la croyance religieuse des gens de la place et tous les métiers de la mer qui sont le quotidien des fidèles.

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Credit photo GG

Tout dans cette église rappelle la mer. Même les chandeliers posés sur l’autel ont la forme d’un bateau et on dit qu’avant 1903, on utilisait une petite cloche de navire pour les appels de l’angélus. Par la suite, celle-ci fut remplacée par une cloche coulée à la fonderie Le Royer à Paris en 1885.

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Credit photo GG

Depuis nombre d’années, on célèbre l’ouverture de la pêche au homard par une messe solennelle en cette église et cet évènement est maintenant considéré comme une partie essentielle du patrimoine collectif de tous les fidèles des Îles de la Madeleine.

Un silence

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Crédit photo GG

Toutes les églises du monde ont une personnalité et celle de Grande-Entrée était loin de faire exception. Que l’on soit croyant ou non, entrer dans une église, c’est entrer dans un «silence qui s’entend». Un silence qui vient de l’intérieur, un silence qui vient de l’âme et qui s’harmonise avec le craquement de la charpente, avec le vent qui caresse le coiffage et s’enfuit vers la mer, avec la lumière d’une lampe du sanctuaire qui danse aux vibrations des voûtes, parfois au son des prières silencieuses, souvent aux soubresauts d’un nord-est qui semble vouloir prier avec les fidèles. L’église de Grande-Entrée, c’était tout ça et si je dis… tout ça, c’est bien parce qu’elle n’est plus. En cet avant-midi du 20 mai 2014, le silence fut brisé par le craquement de ses planches parfois vieilles de 116 ans, brûlant dans un feu dévastateur, alimenté par un vent d’Est impardonnable. Devant l’impossible, nul n’est tenu et c’est avec des larmes plein les yeux que bien des paroissiens et paroissiennes de cette localité ont dû se résigner à voir brûler leur église.

Comme l’a souligné certaines personnes, on ne peut refaire le passé pas plus que de recréer ce qui fut perdu. Il ne faut cependant pas baisser les bras et il serait surprenant que les gens de Grande-Entrée ne rebâtissent pas avec le même courage que leurs ancêtres, ce lieu qui fut témoin de leur histoire. Tout comme le feu peut brûler le bois, le feu de la Foi, du courage et de l’espoir peut rebâtir tout, autant de l’intérieur de l’âme qu’à partir d’une structure de bois. Malheureusement, une page d’histoire a brûlé en ce mardi de mai 2014 dans la paroisse Sacré-Cœur de Grande-Entrée, mais n’oublions pas qu’il ne s’agit que d’une page. Lui, le grand livre de la vie, de la Foi et de l’engagement, s’écrit tous les jours et il se pourrait bien, connaissant les gens de cette paroisse, qu’ils en écrivent un nouveau chapitre, ajoutant d’autres pages à la belle histoire de cette communauté.

GG

dimanche 1 juin 2014

Coup de gueule

Je n’aime pas souvent illustrer mes «montées de lait» sur ce blogue, mais il arrive parfois que la chose est incontournable. La semaine prochaine, disons que ça pourrait peut-être aller mieux.

Le temps nouveau?

*« C’est le début d’un temps nouveau, la terre est à l’année zéro, la moitié des gens n’ont pas trente ans, les femmes font l’amour librement, les hommes ne travaillent presque plus, le bonheur est la seule vertu »… chanson de Renée Claude.

Nid de poule volcanique

Nous sommes en 2014, juste en ce milieu de mai. Je roule sur la rue Sherbrooke dans le cœur de ce que l’on pourrait appeler « Montrous-al ». Bien que cela date des années soixante-dix, ce sont les paroles de cette vieille chanson interprétée par Renée Claude qui sortent de la radio alors que je « slalome » entre les nombreux nids de poules qui jalonnent cette importante rue de la « première ville francophone » d’Amérique. Entre les « Second Cup » « Canadian Tire » « Walmart » « Target » et autres « Sunlife » de ce merveilleux monde francophone, je trouve finalement une niche « Chez Cora » tout juste après avoir rebondi dans un trou qui avait plutôt l’air d’un cratère que le nid de la dernière poulette passée.

Une fois bien installé et surtout bien rassasié, voilà que je me mets à réfléchir. Ce n’est pas de ma faute, je suis comme ça, surtout quand il n’y a pas de journaux disponibles aux alentours. Oui, je sais, je suis un dinosaure. Pas de cellulaire, pas de téléphone « intelligent », pas de « i-machins » de n’importe quel genre. Un bon vieux journal papier me suffit… quand il en reste. Après dix minutes d’attente, voilà que le type non loin de ma table se lève et abandonne son quotidien. Je lui demande s’il est en train de l’oublier, mais non, il me le laisse gentiment en me disant : « Ce n’est pas à moi, c’est au restaurant. » — merci mon brave monsieur. Il en reste encore quelques-uns dirait-on, des gens qui s’excusent quand ils prennent toute la place sans faire exprès, qui vous saluent avec le sourire ou qui se tassent gentiment le long du trottoir quand ils voient un vieillard avec mobilité réduite tenter de garder une ligne droite en marchant. Cette pensée me ramène à la chanson de Renée Claude de tout à l’heure. Je fredonne dans ma tête les mots de cette chanson : « C’est le début d’un temps nouveau » bon! – que j’me suis dit. Se pourrait-il qu’on ait manqué le bateau ici? D'abord, on est loin d’un « temps nouveau ». Oui nous sommes dans un temps nouveau en matière d’ordinateurs, de technologies de plus en plus pointues et de voitures plus performantes qu’en les années 70. Mais pour ce qui est du reste, nous sommes plutôt à la fin d’un vieux temps si vous voulez mon avis et un temps qui risque de ne pas renaître, pas plus en « l’année zéro » que d’ici quelques siècles. D’abord, « la moitié des gens n’ont pas trente ans » demeure encore vrai, mais une majorité exponentielle s’approche dangereusement du double, ce qui est peu dire. On disait que dans ce monde imaginaire, ce futur possible des années 70, que « les femmes allaient faire l’amour librement ». Croyez-moi, je n’aurais pas voulu aller dire ça à la très grande quantité de femmes voilées qui arpentaient les boutiques des Galeries Versailles et à juste titre, pas plus qu’à ces nombreuses personnes qui chaque jour, se découvrent porteurs du SIDA et autres maladies graves ou mortelles. On nous avait aussi promis que « les hommes ne travailleraient plus ». Wow! – j’étais drôlement partant à cette époque. J’étais même prêt à travailler comme un damné le nombre d’années qu’il fallait pourvu que j’atteigne la fameuse « liberté 55 » promise. Souffrir un peu pour mieux en profiter après comme me disait mon père. Quand je lui posais la question : « Et si l’après n’arrivait pas, est-ce que cela en vaudrait la peine? » Je n’avais pour toute réponse qu’un hochement de tête suivi d’un détournement de sa personne. Quant au « bonheur qui devait devenir la seule vertu », pensez-vous qu’on y est arrivé aujourd’hui? Il est vrai qu’on n’a jamais eu tant de bouquins qui tentent de nous enseigner la véritable recette du bonheur. Cela va du plongeon en dedans de soi jusqu’aux cimes de l’Himalaya en passant par Rome ou La Mecque et jusqu'à l’achat de ce dernier parfum pour cheveux qui peut vous faire jouir dans votre douche comme vingt petites pilules bleues toutes prises en même temps.

Le bonheur

Vous l’avez trouvé vous, le bonheur?- je n’ai pas envie d’entrer dans le même schéma de tous ces livres qui prétendent en détenir la recette. Tout ce que j’en sais à ce jour, c’est qu’il existe, mais qu’il est parfois éphémère, rarement permanent et qu’il est comme un jardin qu’il faut entretenir et protéger. Certains le trouvent auprès d’une personne qui en partage les racines, d’autres auprès d’une nombreuse famille, quelques-uns dans le silence et l’isolement d’un monastère ou la contemplation d’un univers doté d’une richesse qui ne se laisse pas toujours découvrir facilement. Malheureusement, trop de gens croient le trouver dans un amas de billets verts qu’il faut faire fructifier à outrance, dans l’acquisition d’une belle voiture, une maison unique en son genre, une piscine plus grande que celle du voisin quand ce n’est pas tout simplement par la prise de ces petits sachets de poudre ou dans les vapeurs d’un spiritueux qui n’a rien de spirituel.

Retour chez Cora

Et là, je replonge avec un certain sourire dans le journal du matin, une fois mes œufs brouillés bien dégustés. Heureusement, je peux encore me payer cela et ça, c’est encore une petite parcelle de… bonheur. Et puis je lis à peu près ce qui suit : en juillet 2011, alors que le système de santé québécois manquait pourtant cruellement de ressources, le sénateur conservateur David Angus, qui présidait le conseil d'administration du CUSM, a approuvé un paiement initial de 59 000 $ et une allocation mensuelle de 1700 $ à même les fonds du centre médical pour permettre à Arthur Porter de s'acheter une voiture de luxe Bentley
(Vincent Larouche)

Bentley

Alors là, j’ai cherché une BENTLEY sur internet. J’en ai trouvé une toute neuve pour la modique somme de 360,000. $ - oui, oui, trois cent soixante mille dollars « canadiens ». Un vrai «barganne ».

Cette histoire, pour le Québec, est une vraie honte. Recruter à l'étranger des « spécialistes » pour mieux se faire plumer, ça fait vraiment république bananière de classe mondiale! On n'a pas seulement ouvert la porte du poulailler aux renards, on leur a déroulé le tapis rouge pour les y conduire!
(Vincent Marissal)

Et puis, un peu plus bas si c’est possible, car j’étais rendu au bas de la page et heureusement qu’il ne s’agissait que de papier, j’ai aussi lu :

Sont forts, tout de même, les anciens dirigeants du CUSM. S'ils ont été capables de faire passer un bloc de huit étages pour un ouvrage souterrain, pas étonnant qu'ils aient été aussi capables d'en passer une p'tite vite au gouvernement. Une p'tite vite qui aurait permis au consortium dirigé par SNC-Lavalin d'obtenir ce contrat en aspergeant quelque 22,5 millions de dollars de pots-de-vin. (Vincent Marissal)

Le temps nouveau

Alors, je me suis dit que si c’était vraiment ça « Le temps nouveau » promis, qu’il devait y avoir erreur quelque part, mais hélas, ce n’est pas le cas. Toute ma vie, tout comme la grande majorité de mes pairs, j’ai légalement payé mes impôts et assumé mes responsabilités de citoyen au meilleur de mes connaissances et capacités. Aujourd’hui, au seuil d’une retraite illusoire, je réalise tout comme une très grande majorité de gens, que quelqu’un, quelque part, caché derrière un rideau de brume judiciaire, nous a tous entubés proprement, en douce, sans que la plupart d’entre nous réalisions que plusieurs des nôtres, déguisés en bon p’tits gars du coin, en profitaient pour vider la maison, meubles, vaisselle et garde-manger inclus.

Dans son édition du 24 septembre 2010, le magazine Maclean’s titrait à la une «THE MOST CORRUPT PROVINCE IN CANADA» et en symbole, un bonhomme Carnaval semblant fuir tout joyeux avec une valise pleine de billets verts. La nouvelle eût un impact brutal sur notre égo de bons Québécois bien innocents.

Innocents? – pas tant que ça. Au constat de la réaction des gens devant tant de révélations si graves, il y a tout lieu de penser qu’on aime se faire baiser et ce, quelle qu’en soit la manière.

Bonne semaine à toutes et à tous.

GG

georgesgaudet49@hotmail.com