dimanche 27 octobre 2013

Diversions sur un autre thème que les bateaux et les pinceaux.

Souvenirs sur quatre roues

Ce soir je me rappelle de ces belles d’autrefois, de celles que j’ai caressé du regard, celles que j’ai eues, celles qui m’ont fait rêver, celles qui furent témoins de mes premières aventures, celles que j’ai secrètement désirées, celles avec qui j’ai parcouru les routes du pays. Bien sûr, je vous parle des voitures, ces belles anciennes et pas si anciennes que ça, qui ont meublé à la fois une partie de mon existence et plus souvent qu’autrement, les limites de mon crédit.  Puis comme disent les Anglais; « enjoy ». 

21 22   Mon premier amour. Elle m’avait été infidèle avant, puisqu’elle était de « seconde main », payée 800. $, financée sur 3o mois à raison de 35. $/mois. Son « riche » tableau de bord m’avait séduit et mon esprit voyageur y voyait un beau

potentiel coccinelle campeur             qui heureusement n’a jamais abouti. Il faut dire que mes premiers amours du volant furent auprès d’une belle Américaine, mais aussi auprès d’une Volkswagen bien différente entre toutes, la VW Notchback de mon père.

13 Et puis un jour, après une déception amoureuse, un amour « aérien » trahi, je me suis amouraché de la plus belle qui n’ait jamais existé depuis; la Porshe du pauvre,… la KARMAN GHIA.10a

Bien sûr, d’autres ont meublé mes désirs d’enfance, bien avant d’avoir la permission de conduire. Comme j’aurais aimé que papa achète cette belle Chevrolet 1959 aux ailes de mouettes, IMG_9400IMG_9399IMG_9398  mais l’argent manquant, il s’est contenté d’une 4 cylindres anglaise flambante neuve, un dérivé de la Vauxhall Londonienne, appelée la ENVOY au Canada, payée 1960. $ directement du « showroom ». Vauxhall 1Assis sur les genoux de mon père, ce fut mon premier volant dès l’âge de 12 ans et les années furent éternellement longues avant d’éprouver la griserie de la conduite autonome. Pendant toutes ces 4 longues années d’attente, j’ai rêvé de belles Anglaises, toutes sportives, différentes des Américaines, sexy, aux belles rondeurs délicates. Une seule exception cependant : la Volvo sport de Simon Templar, « Le Saint».

Ma Volvo idéale Les autres s’appelaient                                                          P7170004 P7170007MG - MidgetP7170011P7170014P7170015      Triumph, MG. TR et autres acronymes. Les années passant, un peu comme tous les jeunes, j’ai commis quelques erreurs. Ainsi, parmi les plus que 25 voitures achetées à ce jour, j’ai un jour acquis une Ford PINTO,Pinto 1abelle, luxueuse et dangereuse. En cas de frappe arrière, elle prenait facilement feu et emprisonnait ses occupants, les portes ne pouvant ouvrir. Je ne me suis quand même pas rendu à l’horrible VEGA de Chevrolet à cette même époque.Vega - Degas  Toutefois, je me suis même procuré ce petit monstre campeur «genre», payé 500. $ et peint au rouleau. 66 van Plus tard, je suis tombé amoureux des Françaises qui elles,  ne m’ont pas déçu. Elles s’appelaient R-10 et R5. Pas trop «winner» auprès des filles, mais quel charme de les conduire.

 renault_10 R5 

Pour une raison que j’ignore, les grosses Américaines n’obtenaient pas facilement ma faveur. Était-ce parce que plus jeune, ce rêve me semblait inaccessible? Peut-être! Je me souviens de désirs inassouvis comme ces belles Chevrolet 56 et 57 IMG_9133IMG_9418                   Ces Pontiac Parisienne IMG_9371IMG_9379       

Ford Mustang IMG_9153 

et surtout cette Ford Galaxie 68 IMG_9129

que j’ai régulièrement louée chaque weekend lors d’un séjour en Saskatchewan, sur la route entre Regina et Moosejaw. Un fidèle et puissant V8, 350 pouces cubes, capable de donner des frissons au jeune conducteur de 18 ans que j’étais. Sa puissance d’accélération et l’élégance de ses lignes me feraient peut-être encore craquer aujourd’hui, si le budget y était, évidemment. Toutefois, après plus d’un million de kilomètres sur les routes de toute l’Amérique et un peu en Europe, je préfère quand même encore rêver à celle-ci:

Karman Ghia

Bonne semaine à toutes et à tous.

GG

dimanche 20 octobre 2013

Comme une lampe qui s’éteint, vont-ils disparaître?

Les phares nous appellentPA180015

 

Entry Island light housePhare Anse-à-la-Cabane

Phare de l’Île d’Entrée                                      Anse-à-la-cabane

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L’Étang-du-Nord

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Ancien phare du «borgo» à l’Étang-du-Nord.

Ils ont été pendant longtemps les sentinelles du Golfe, les compagnons de nos brumes, le «borgo» de nos ennuis quand nous étions loin des Îles et surtout, les guides des marins à l’approche de nos côtes. Inutiles aujourd’hui, ils nous rappellent leur rôle et crient sans corne de brume, leur histoire. Une histoire que le gouvernement fédéral tente de nous faire abandonner, une histoire à oublier dans le grenier de l’entreprise privée, dans le grenier des biens nantis qui nous la revendront peut-être, à grand prix. Dommage! Une vieille dame m’a appelé la semaine dernière. «Je ne me sens plus chez-nous» m’a-t-elle dit. «Les maisons sont à vendre partout et on ne sait plus ce qu’on va faire avec le phare qui a meublé le paysage de mon enfance». Il faut dire qu’elle a grandit dans ce qu’était ce phare auparavant. Toute sa vie, même si elle ne l’a pas toujours habité, il a habité ses souvenirs. Le voir chaque jour, non loin de sa maison, fut un constant rappel de son histoire, l’histoire de sa famille, l’histoire du village, du port de mer, l’histoire de la vie qui était et qui n’est plus. «Est-ce qu’on a le droit de se défaire de ça?» m’a-t-elle demandé. Je ne sais pas madame. Le mot «droit» est utilisé à toutes les sauces aujourd’hui. J’aimerais mieux poser la question suivante à nos élus de tous les niveaux politiques. Avons-nous l’obligation en tant que société, de les conserver, de les préserver, de les ranger dans l’immobilier du patrimoine historique collectif? Il est probablement trop tard pour poser la question. La vente de débarras est déjà bien amorcée et c’est malheureux.

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Des amoureux des phares alimentent leurs souvenirs par de jolies miniatures qui ne laissent aucun doute sur la valeur qu’ils accordent à ces sentinelles de la mer.

Devant tant d’argent gaspillé en foutaises et vols de tous genres, devant les yeux de cette vieille dame qui cachent une larme furtive, je ne peux que lui promettre une chose. Je vais en parler à autant de gens que cela m’est possible. Voilà, c’est fait. Cela ne règle absolument rien, tout comme toutes ces maisons qui sont à vendre, tous ces châteaux que l’on a bâti un peu partout à coup de centaines de milliers de dollars. Je suis pour la liberté presque totale, mais dans la mesure ou elle n’écrase pas la liberté de l’autre et comme cette vieille dame, je me pose des questions. On a le droit OUI et je n’aimerais pas qu’on vienne m’interdire de vendre ma maison si j’en avais une, ou de vendre quoi que ce soit que j’ai peiné à bâtir. Cependant, entre le droit et l’obligation, je crois qu’il y a une bonne dose d’obligations ou de décence qui sont rejetées du revers de la main au nom d’un capitalisme effréné, au nom d’une spéculation qui en bout de ligne risque de vider les Îles de leur essence vitale. Et par là, je ne parle pas de la richesse des gens. Pas de leur richesse monétaire, mais de leur richesse culturelle, historique et surtout humaine. Le phénomène n’est pas d’hier. Dès le début de la colonisation des Îles, il y avait le seigneur de la place et le curé. Plus tard, ce fut quelques médecins et surtout les grands acheteurs de poisson. Leurs habitations aux 5 à 7 poêles à charbon dominaient sur les cabanes des autres. Cela donnait un petit côté Roi avec domination sur les vassaux. Regardons le phénomène aujourd’hui. La même chose se passe sur tout le territoire des Îles et avec en prime, une influence plus que négative sur la valeur du parc immobilier des moins nantis. Je sais, je ne vais pas me faire que des amis avec ce constat, mais il est là, qu’on le souhaite ou non, et puis il y a cette dame qui pleure en silence ses souvenirs. 

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Le personnage dans la fenêtre de cette miniature de l’ancien phare de L'Étang-du-Nord se demande peut-être si… son souvenir va survivre.

Tout en respectant le droit ou la liberté de conquérir plages, buttes, vallées et montagnes, n’y aurait-t-il pas lieu de légiférer au moins pour que cette richesse étalée parfois avec indécence sur l’environnement, soit encâdrée de certaines obligations? Des obligations qui auraient pour but de ne pas alourdir la taxe foncière des autres, des obligations qui établiraient certains paramètres permettant à la municipalité de préserver pour le bien de l’ensemble de la communauté, des accès aux loisirs de tous plutôt qu’à une minorité capable de pavaner ses avoirs? J’ai peur du jour où les Îles ne seront plus qu’un paradis fiscal pour riches vacanciers de juillet et août, à moins que ce ne soit pour spéculateurs sans scrupules, alors que les derniers et vieux résidants donneront au CHSLD, leurs derniers sous qu’ils auront reçu de ces gens, pour acheter leur vieillesse, pour acheter une mémoire pleine de trous avant de partir pour le cimetière. J’ai peur du jour où des individus sortiront des propriétaires madelinots de leur sommeil pour leur dire qu’ils ont acquis le sous-sol de leur demeure pour y creuser un puits et qu’ils ont acquis ce dessous de terre pour la modique somme de 10¢ l’acre.

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À ne pas souhaiter, mais viendra peut-être le jour où il faudra glisser des sous dans une borne de paiements afin d’avoir le privilège d’observer un des plus beaux couchers de soleil à l’horizon des Îles. À nous d’y voir alors!

Photos: Georges Gaudet (sauf pour le document N & B… auteur inconnu)

Bonne semaine à toutes et tous ceux qui aiment les Îles.

lundi 14 octobre 2013

Un bateau est une île

* Excusez mon absence, mais j’ai de bonnes raisons. La promotion de notre roman « UN CADAVRE DANS LE CHALUT », plus de 3000 km le long des routes du Québec et 15 jours de camping dans la « Dodge Caravan » en plus de la nécessaire décompression après ce voyage m’ont éloigné de vous, fidèles lectrices et lecteurs. Permettez-nous alors, à Dominique et moi, de vous raconter un peu notre histoire d’été. Un été unique, un été qui restera longtemps gravé en notre mémoire. Ce blogue en est un de mots, de bateaux et occasionnellement de pinceaux. Eh oui, j’adore illustrer ce que j’aime. Alors, bienvenue à nouveau dans mon monde; cette fois-ci, dans notre monde à Dominique et à moi… et puis bonne lecture.

Georges Gaudet

Doux souvenirs

North Gaspé

C’était l’été de mes 18 ans, nous étions en 1968, et j’avais bien des projets en tête. Au grand plaisir de mon père, afin de payer mes années d’études, j’avais travaillé pendant toute la saison estivale sur le « North Gaspé », un bateau faisant la navette entre les maritimes et les Îles. Depuis ce temps, jamais je n’avais eu l’occasion de revivre une expérience similaire, même si au plus profond de mes souvenirs, je rêvais de revivre ce temps en mer. Et puis l’an passé, le sort ou la chance, peut-être les deux, ont fait que j’ai vécu avec ma compagne, 12 semaines en mer avec passagers et équipages.

 PB230006Dimanche le 25 août, nous quittions le pont du CTMA VACANCIER pour une dernière fois cette année. C’était la fin d’un contrat, un contrat bien rempli par les deux parties. C’était une belle expérience qui se terminait bien, même si le cœur était gros, même si nous retenions nos larmes pour ne pas avoir l’air trop émotifs, trop idiots. Et pourtant, nous percevions les mêmes émotions chez tous ces membres d’équipage que nous avions côtoyés au cours de ces nombreuses semaines.

Patio 1Pour tout vous dire, quand le mardi suivant, le bateau a quitté le port, nous l’avons regardé partir de notre balcon, et tous les deux, nous nous sommes sentis… orphelins.

Quitter son bateau, c’est comme quitter son île. L’insularité demeure dans les veines. Un bateau, c’est plein de vie là dedans. Il y a un capitaine bien sûr, mais il y a aussi tant de gens. Des gens gentils, d’autres un peu moins, des gens heureux, d’autres un peu moins, des gens souriants, des gens qui aiment la mer, qui aiment leur île qui glisse sur l’océan. Le navire est leur maison tout comme ce fut la nôtre tout au long de ces voyages. Le grand navigateur français qu’était Éric Tabarly n’a-t-il pas dit qu’un navire, c’était une maison dont on pouvait changer le paysage à volonté? Difficile de prétendre le contraire quand pendant deux étés, comme un immense diaporama, vous avez vu sous toutes les couleurs, sous toutes les températures, sous toutes les heures du jour et de la nuit, les Îles de la Madeleine disparaître à l’horizon ou y renaître. Quand vous avez vécu le même émerveillement pour le Rocher Percé, les berges du fleuve St-Laurent jusqu’à l’Île au Coude et l’arrivée à Québec au pied du Cap Diamant et du château Frontenac.

IMG_8596Difficile de ne pas être ému ou de sourire quand chaque fois que le bateau glissait sous un des ponts enjambant ce majestueux fleuve que si peu connaissent, d’entendre quelqu’un crier à la blague : « baissez vos têtes ». Difficile d’oublier tous ces voyageurs que nous avons accompagnés chaque semaine. Différents de groupe en groupe, les uns très joyeux, d’autres un peu inquiets, certains soignant de graves blessures intérieures et partageant avec nous ce beau pansement qui s’appelle, une croisière. Difficile d’oublier tout ça.

Et si un bateau de croisière était plus que cela encore. Si c’était une île totalement indépendante, avec ses chefs, ses travailleurs, sa direction, ses objectifs et surtout sa population, si petite soit-elle. De la femme de chambre qui jour après jour fait les lits de chacun et chacune en passant par tout le personnel de la cuisine, il y a un monde dont le travail est essentiel au bon fonctionnement de l’île. Le personnel de la timonerie sait d’où il vient et où il va bien sûr. N’est-ce pas comme ça que devrait fonctionner une société normale? Quant au personnel des services, alors là, c’est le grand luxe pour les vacanciers. C’est là que prend tout son sens l’expression « soignée aux petits oignons ». Et puis il y a les travailleurs de l’ombre, tout aussi efficaces, qui voient à la bonne marche de l’île mouvante sur l’onde. Ils s’appellent ingénieurs, huileurs, mécaniciens, matelots de pont, électriciens, officiers de bord… etc., ceci sans oublier ces gens qui se chargent d’amuser ces passagers de quelques jours, pour qu’ils ne s’ennuient pas. Et qui pourrait s’ennuyer ainsi à moins d’être complètement mort? La salle de spectacle est toujours occupée à quelque chose. Un couple enseigne la danse ou fait danser son monde, des musiciens s’y produisent avec grand talent, des conférences et des ateliers y sont tenus alors que non loin de là, salle d’exercices, salon de coiffure et salon de massage en plus d’une salle d’amusements pour enfants se voisinent d’une porte à l’autre.

Pendant ce temps, le temps véritable s’oublie. Il disparaît dans un autre monde alors que les changements de pilotes et les baleines occupent la galerie. Gaston en profite pour enseigner comment on déguste un homard.

IMG_0058Dominique donne des ateliers d’écriture et moi,

 IMG_8313 je raconte bien humblement, comment étaient les Îles de la Madeleine, bien avant ce qu’elles sont aujourd’hui.

IMG_8432 (e)Dans le sillage laissé à la poupe, disparait parfois pour les uns, un monde de souffrances, un monde épuisant pour d’autres. Le rêve s’installe sous les étoiles et la luminescence du plancton au clair de lune. Dans chaque chambre, les vibrations du moteur, le cœur du navire, inquiètent parfois les uns, rassure et fait dormir les autres. Au fond du navire, des gens veillent aux machines et dehors, les hélices brassent la mer pour que notre île continue d’avancer. Elle avance vers d’autres îles ou vers la terre ferme, vers un continent qui réclamera bientôt son lot de gens qui l’ont quitté. Alors, d’autres s’embarqueront encore une fois, sur notre île mouvante, notre île voyageuse.

Quand les nouveaux arrivants embarquent à bord, l’officier responsable de la réception leur souhaite la bienvenue tout en les gratifiant de deux consignes bien claires. D’abord, à partir de maintenant, vous êtes en… vacances et ensuite, ici à bord, nous sommes déjà aux Îles de la Madeleine. Alors, c’est vous qui avez un accent, pas nous! Et ils éclatent tous de rire et pour la plupart, ils riront jusqu’au moment de quitter le bord, à la fin du voyage.

P1150033 BQuand ce mardi suivant, le CTMA VACANCIER est parti sans nous, c’était une île qui nous quittait. Heureusement que nous vivons toujours sur une autre île, mais celle-là, elle est plutôt difficile à faire bouger. Le quai est désert, les trois navires de CTMA sont partis, le gazon pousse trop vite à notre goût, et en notre tête, nous sommes toujours en voyage. Un beau voyage!

Georges Gaudet et Dominique Damien