mardi 5 février 2013

Permettez que je vous confie un peu de moi-même.

L’ordinaire des matins de janvier aux Îles de la Madeleine       

P1260142 Presque le dernier voyage de janvier, juste avant d’être remplacé par l’autre navire de CTMA, le VACANCIER.

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Et quand on dit un «frette» de canard, c’était la température en ce matin particulier… et lui, il n’avait pas l’air d’avoir froid. brrrrrrrrr! Voyez la glace juste en haut de la photo. 

 

Partage d’émotions et de réflexions… vécues.

Voici ce que j’ai publié dans le journal local Le Radar la semaine dernière.  Cela n’a rien à voir avec mes écrits habituels pas plus que notre cheminement, ma compagne et moi, dans la rédaction de notre roman en devenir.

 

Il y a des matins comme ça

C’est dimanche. Il fait froid, le mercure descend toujours et franchement, je n’ai pas envie de mettre le nez dehors. Pardonnez-moi ce petit moment de partage intime, mais vous comprendrez par la suite de quoi je veux vous entretenir.

Je me considère croyant et sans faire de prêchi-prêcha, je m’étais couché le soir avec l’intention bien arrêtée d’aller à la messe le lendemain matin, précisément à 09h30. Pourtant, au lever, à regarder la neige qui tombait et le « poudrain » qui suivait, je réussis à écraser ce petit sentiment de culpabilité et choisis de m’assoir devant mon ordinateur, un bon café à la main, la robe de chambre sur les épaules et pantoufles bien chaudes aux pieds. Je ne suis pas de ceux qui croient aux messages téléphoniques de l’au-delà où a toutes ces théories sur la capacité qu’auraient les esprits d’influencer nos vies, surtout au quotidien, quoique ce matin-là, le doute m’a envahi et je vais vous dire pourquoi.

Aussitôt l’écran de mon ordi allumé, je vis qu’une amie m’avait expédié un message portant le titre AMOUR. Curieux comme d’habitude, je l’ouvris et en voici le contenu. AH là, vous avez probablement cru à autre chose. Mais non, cette histoire n’avait rien de coquin comme vous allez le constater. Il s’agissait d’une de ces petites histoires qui circulent souvent sur internet, mais dont le contenu, exceptionnellement intéressant, force à la réflexion pour qui s’y arrête quelque peu.

L'AMOUR
Nous sommes en clinique médicale. C'était un matin, vers les 8:30, quand un homme d'un certain âge est arrivé pour faire enlever les points de suture de son pouce. Il dit qu'il était pressé, car il avait un rendez-vous à 9 h. En l'examinant, j'ai vu que ça cicatrisait bien, alors j'ai parlé à un des docteurs, j'ai pris les choses nécessaires pour enlever ses points et soulager sa blessure. Pendant que je m'occupais de sa blessure, je lui ai demandé s'il avait un autre rendez-vous avec un médecin ce matin, puisqu'il semblait bien pressé. L'homme me dit non, qu'il devait aller dans une maison de santé pour déjeuner avec sa femme. Je me suis informé de la santé de sa femme. Il m'a dit qu'elle était là depuis quelque temps et qu'elle était victime de la maladie d'Alzheimer. J'ai demandé si elle serait contrariée s'il était en retard. Il a répondu qu'elle ne savait plus qui il était, qu'elle ne le reconnaissait plus depuis 5 ans. J'étais surprise et je lui ai demandé : « Et vous y allez encore tous les matins, même si elle ne sait pas qui vous êtes?» Il souriait en me tapotant la main et dit : «Elle ne me reconnaît pas, mais moi, je sais encore qui elle est». J'ai dû retenir mes larmes quand il est parti, j'avais la chair de poule, et je pensais que c'était le genre d'amour que je voulais dans ma vie. Un amour, ni physique ni romantique, un amour fait de l'acceptation de tout ce qui est, a été, sera et ne sera pas. Les gens les plus heureux n'ont pas nécessairement le meilleur de tout, ils s'organisent du mieux qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Donner ne vaut-il pas plus que recevoir?

Il y a des textes qui dérangent

C’était tout le contenu du texte, rien de plus, rien de moins. Perplexe et comme téléguidé par une poussée invisible, douce, mais ferme, je fis le tour de mes avoirs musicaux, j’en mis quelques-uns dans un sac, m’habillai et me rendis sans plus tarder, non pas à l’église, mais bien au pavillon Eudore Labrie, ici aux Îles, à Cap-aux-Meules. Depuis des années, j’y ai un ami bénéficiaire qui est loin de la situation décrite dans l’histoire précédente, mais hélas, comme beaucoup des pensionnaires de cet établissement, la solitude fait souvent partie de son quotidien. Aussi, comme beaucoup d’entre nous, je me fais des promesses d’aller le voir plus souvent, puis comme tout le monde, les obligations de la vie courante me font oublier. Mais ce matin-là était spécial et c’est avec surprise qu’en plein devant l’entrée de l’édifice, juste après le portique, je me suis retrouvé devant la petite chapelle qui heureusement, malgré toutes ces volontés laïques qui circulent, résiste encore à l’épreuve politique du temps. Alors, j’y suis entré et un peu à la blague, j’y fis une courte prière. « Eh ben bonhomme, c’est plutôt raté ce matin pour ma présence à la messe d’aujourd’hui. On dirait que pour moi, c’est ici que ça se passe et pas ailleurs ». Puis, avec un sourire intérieur, je me signai de la croix et montai voir mon ami.

Il était là dans le corridor, dans sa chaise à mobilité restreinte, ceci pour ne pas dire dans sa chaise roulante. Les bras tendus, il me reçut avec une joie non retenue, me donnant du salut mon ami à tour de bras et de paroles. Émus, nous avons « roulé » jusqu’à sa chambre et pour un court moment, nous avons échangé quelques nouvelles banales et quelques opinions sur les choses sérieuses de ce monde, ceci sans oublier quelques remarques sur nos chanteurs préférés. Puis ce court moment prit fin alors que je le saluai avant de partir, tout en promettant de revenir… plus souvent. J’avoue ne pas pouvoir demeurer longtemps en ces lieux semblables et je l’avoue, c’est probablement lâche de ma part. Je supporte mal la vision de la douleur des autres qu’elle soit intérieure comme extérieure. Elle me dérange, me bouscule et souvent me révolte, surtout quand je ne sais pas à qui l’adresser. Il y a en ces lieux, partout dans la province, partout au pays, des gens merveilleux qui travaillent sans relâche à prodiguer des soins de qualité à ces plus démunis d’entre nous. Il y a aussi ce silence qui crie fort de solitude, parfois de détresse, souvent d’oubli et comme une mémoire qui s’efface et qui nous appelle pour qu’on se souvienne, nous, les biens portants, nous les cerveaux qui n’ont pas encore trop de trous dans le cortex.

Passant à nouveau devant la petite chapelle, j’y entrai de nouveau, un très court instant. Non sans émotions, je regardai le crucifix et dit intérieurement : « Pourquoi? — pourquoi toute cette souffrance? — comment peux-tu tolérer tout ça? — où es-tu? Bien sûr, je n’ai point entendu de réponse. Je ne suis tout de même pas rendu au stade d’entendre des voix. Je retournai à ma voiture et repris le chemin de la maison. En route, je laissais ma mémoire flotter et je me rappelai avoir posé la même question, il y a plusieurs années de cela, à un ami de longue date, alors qu’une épreuve sérieuse venait de m’assaillir sans crier gare. Comme il était un homme de Foi, il m’avait répondu : «Dieu nous a donné le plus beau cadeau qui soit et cela s’appelle la liberté de choix. C’est à travers l’homme qu’il accomplit ses miracles. C’est nous qui avons le choix du bien et son contraire. C’est la plus grande liberté qui nous fut donnée.” Tout en continuant de rouler, je me demandais quelle pouvait être la plus grande souffrance des gens dont la vie se résumait à une existence entre les murs d’un CHSLD, si bien construit fût-il. — et invariablement, la réponse qui me venait à l’esprit était la solitude. Et c’est là que j’en ai déduit que si quelqu’un avait répondu à ma question dans la chapelle, la réponse aurait pu être la suivante : “Si je suis ici, c’est peut-être parce que toi, tu n’y viens pas souvent. Alors, je te remplace”.

C’est drôle, mais j’avais l’impression que c’était un dimanche que je n’étais pas près d’oublier.

GG

À la semaine prochaine, amies et amis lecteurs et lectrices.

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