L’été est maintenant là, même si parfois dame nature nous fait douter que ce soit vrai. Quoi qu'il en soit, j’ai décidé cette semaine de partager avec vous quelques histoires de bateaux, le tout agrémenté de photos.
Photo: Georges Gaudet
Les promeneurs sur le quai de Cap-aux-Meules l’auront certainement remarqué. Ce beau trois-mâts était amarré au quai des pétroliers au cours de la semaine passée. Il s’agissait du Rara Avis, un dériveur, oui, oui, un dériveur avec quilles amovibles, entièrement construit en acier, maintenant propriété en France de l’AJD (l’Aumônerie de la Jeunesse Délinquante), un organisme dont le fondateur est le Père Jésuite, Michel Jaouen.
Le Rara Avis est un voilier trois mâts en acier, d’une longueur de 38 m (125 pieds) construit en 1957 comme yacht personnel et donné à l’AJD en 1974. Il fut entièrement rénové entre 1999 et 2002. Manœuvré par un équipage permanent de 9 personnes, il peut prendre à son bord en plus de l’équipage régulier, 28 personnes qu’on appelle stagiaires et non passagers, car ces derniers font partie de la bonne marche du navire. Le Rara est le dernier ajout majeur de la flotte de l’AJD, cet organisme qui compte huit autres bateaux, tous donnés à cette institution. Il faut cependant noter que ces dons sont habituellement des unités plus petites et nécessitant des réparations majeures, mais toutefois réalisables. Dans les faits, toute la flottille de l’AJD va de la baleinière jusqu’aux deux porte-étendards, soit le Bel Espoir et le Rara Avis.
Photo: Georges Gaudet
Le drapeau breton flotte fièrement au-dessus du drapeau français, signe évident de la fierté bretonne qui se manifeste jusqu’en haut des mâts de ce beau navire.
Photo: Georges Gaudet
La garde-robe de voiles est plutôt impressionnante. Ici, uniquement à l’avant, un foc bômé, un génois et une trinquette.
Photo: Georges Gaudet
Malgré sa coque métallique, le Rara Avis est tout de boiseries à partir de son pont supérieur et tout l’intérieur des cabines. J’ai eu le privilège de visiter ce bateau et pour qui aime plonger dans l’histoire de la navigation à voile, l’atmosphère y est comme dans un film, mais en mieux. L’odeur du bois, du vernis, des cordages, de la cantine, même celle de la présence humaine y sont toutes omniprésentes. Cela sent la vie maritime à plein nez et non pas le grand luxe de ces hôtels flottants avec balcons et vue sur la mer à quelque 10 étages de haut et plus encore. Ici, le luxe est la camaraderie et son ingrédient majeur s’appelle aventure et défi.
Le Rara Avis (Photo: Site internet: www.belespoir.com)
Le Bel Espoir (Photo: Site internet: www.belespoir.com)
Le Bel Espoir tout comme le Rara Avis est aussi un trois-mâts qui a passé plusieurs séjours aux Îles au cours des dernières années. Il est d’ailleurs le premier navire majeur de la flotte du Père Jaouen. Entièrement construit en bois, il prit naissance dans un chantier du Danemark en 1944 dans le but d’en faire un transporteur de bétail. Donné à l’AJD en 1968, il fit l’objet d’une complète restauration en 1993. Sensiblement de la même grandeur que le Rara Avis, soit 38,5 m, il s’agit toutefois d’un voilier à quille profonde qui tout comme son confrère des mers, navigue avec un équipage permanent de 9 membres et 27 stagiaires.
Mais qui est le Père Michel Jaouen
Il est né à Ouessant en 1920 et a grandi à Kerlouan dans le Finistère. Fils de médecin, il entre chez les Jésuites à 19 ans et pendant la guerre, il tente de fuir en Angleterre par la mer, mais n’y parvient pas à cause d’une panne de moteur. Ordonné prêtre en 1951, il devient aumônier à Fresnes et plus tard, construit le Foyer des Épinettes à Paris, pour accueillir ceux qui sortent de prison. Convaincu que c’est avec le mélange des gens que l’intégration sociale devient possible, son cheminement l’amène à créer l’AJD, l’Aumônerie de la jeunesse délinquante. Cela l’amène à naviguer sur le Bel Espoir avec ceux qui sortent de prison et des délinquants enrôlés en équipage. Là bas, sur l’océan, tous doivent être solidaires, car autrement, c’est la possibilité de finir sa vie dans la flotte. Détestant les ghettos et les vases clos, ce jésuite ouvre les horizons à une quantité de gens qui ont formé des couples, des familles et appris un métier qui les fait vivre.
Aujourd’hui, point besoin de sortir de prison pour naviguer sur les bateaux du Père Jaouen. Une lettre de motivation est ce qu’il y a de plus important et un déboursé pour le genre de croisière souhaité suffisent quand il reste de la place à bord. L’œuvre de Jaouen demeure, mais elle est ouverte à tous, comme l’a toujours souhaité son fondateur. «Le mélange, le mélange, j’te dirais qu’il n’y a que ça qui marche » dit ce jésuite qui a fêté ses 60 ans de prêtrise et aimerait compter les couples qui se sont formés à son bord, mais n’y parvient toujours pas. On le dit de stature d’athlète et d’apparence de prince ou de clochard, dépendamment du moment. Et qui paraît qu’il n’a aucun besoin de micro pour se faire entendre, même en pleine tempête.
Au-delà de l’image d’un personnage plus grand que nature, l’école du Père Jaouen forme des jeunes à différentes disciplines qui n’ont rien de cours faciles. En voici quelques exemples. Mécanique marine, matériaux composites, menuiserie et agencement, charpente, soudure, chaudronnerie, électricité, voilerie de même que formation maritime OCQM, mécanicien 750 Kwa, brevet capitaine 200 voile, certificat d’initiation nautique et certificat d’initiation pêche. Décidément, si toutes les communautés maritimes avaient un Père Jaouen dans leur «bord de côtes», les quais seraient probablement trop petits pour accueillir toute la flotte maritime madelinienne et probablement la québécoise incluse.
Une autre mise en chantier
Photo: Dominique Damien
Tout comme une véritable mise en chantier. Le carénage commence.
Celle-là, elle tient plus de la passion pour le modélisme maritime que de la formation en mer. Les Îles de la Madeleine sont pour qui y habite depuis la naissance, un peu comme un navire ancré au large de la grande terre. Est-ce pour cela que les bateaux font partie de l’univers de la plupart d’entre nous? Probablement! Toujours est-il qu’une grande opération de carénage fut entreprise dans mon domicile afin de remettre en beauté deux jolies goélettes de 6 pieds de long chacune et qui, je le souhaite, feront les délices des amateurs de voile et d’histoire de la navigation autour des Îles au cours des derniers siècles. Ces deux maquettes, bâties par mon père à l’âge de 79 et 82 ans, seront désormais pour une période indéterminée, exposées dans le grand hall du terminal croisières situé dans l’ancien hangar sur le quai de Cap-aux-Meules. Il s’agit d’une réplique de mémoire de la « Sarah Pauline » construite en 1924 à Tancook, NE et enregistrée à Canso dans la même province. Cette goélette mesurait 60 pieds et déplaçait 37 tonneaux. Propriété de Percy Atkinson, elle coula entre les Îles et Souris en 1934 sans qu’il y ait perte de vie, alors qu’elle venait des Îles avec une livraison de marchandises destinées à Souris.
L’autre maquette est la « Grace L MacKinnon » construite à Ingonish Ferry, toujours en NE, enregistrée à Sydney, dans la même province. Elle fut la propriété de mon père de 1948 à 1952 alors qu’avec ses frères, il fit la pêche, mais surtout du cabotage entre les Îles et les maritimes, transportant du bois, du vieux fer, des pommes de terre et tout ce qui était nécessaire au commerce sur les Îles à cette époque. Cette goélette mesurait 56 pieds et déplaçait 29 tonneaux.
Témoins d’une autre époque comme bien d’autres goélettes qui furent plus célèbres dans le transport des marchandises entre les Îles et les maritimes, ce fut pour l’auteur de cette chronique, comme un plongeon dans le passé alors qu’il entreprit de refaire la mise à niveau de ces deux rappels d’un passé pas si lointain que les générations actuelles devraient connaître.
GG
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