Rendre l’impossible;
possible.
Voilà
qui est vrai dans le cas de nos trois sculpteurs madelinots, Adrien
Gaudet, Edmond Cyr et André Vigneault, qui année après année, ont toujours porté les
couleurs des Îles de la Madeleine et celles de l’Acadie au festival
international des sculptures sur glace du Carnaval de Québec. Encore une fois
cette année, ils ont fait preuve d’une imagination sans borne en créant de
façon éphémère une pièce illustrant ce mollusque bien connu des Îles, le dollar
de sable. Ces trois créateurs méritent totalement tous les honneurs et la
reconnaissance que les Madlinots leur réserveront.
Porter à la connaissance du
grand public l’existence de cette pièce vivante au fond des mers n’a fait
qu’ajouter à l’audace de ces bâtisseurs d’œuvres de glace. Aussi, il serait
dommage d’oublier que ces artistes ne sont pas que des tailleurs d’œuvres
éphémères. Chacun a dans ses bagages un secret de création, soit inconnu ou pas
encore connu à sa juste valeur. Il en va ainsi pour le conteur André Vigneault
qui trouve toujours dans sa besace de quoi entretenir un auditoire avec ses
contes et légendes. Adrien Gaudet construit presque dans le secret de superbes
maquettes de navires en plus d’être un artiste peintre qui aime s’ignorer
lui-même. Quant à Edmond Cyr, il est aussi tailleur et sculpteur de mots comme
en fait foi cet écriteau planté dans la neige sur le site des sculptures
carnavalesques. Peut-être trop ignoré par les passants, le texte qui suit n’en
valait pas moins la valeur d’une description poétique qui avait tout l’air,
elle aussi, d’une sculpture.
Dollar de sable –
Dollar de rêve
Tombé
de la poche de Neptune
Blanchi
par soleil et vent
Sa
valeur de bouts de chandelles
Est
l’ennemi des bourses et des fortunes.
Chasser
ce huard irrationnel
Le
long des plages au mois d’août
Fascine
petits et grands
Soulève
leurs rêves les plus fous
Plus
loin que l’horizon
Au-delà
de la raison
Au-delà
de l’invisible
Rendant
l’impossible; possible.
Sirre
De la fierté à la
tristesse
Adieu
Dorélas
Il
fut mon élève pendant les deux années où j’ai enseigné la langue seconde à la
polyvalente des Îles. Dorélas était de ceux qu’on n’oublie pas. Impossible en
effet de ne pas s’attacher à ce jeune un tantinet hyperactif, toujours joyeux,
prompt à la répartie, jamais grossier et comme noyé dans une éternelle rigolade
face aux aléas d’une classe d’ados en mal d’action. Il est parfois des gens qui
passent comme un éclair dans nos vies et qui laissent une trace indélébile de bonheur,
et ce, sans que l’on sache vraiment pourquoi.
Je
ne connais rien de sa vraie vie en dehors de ce contact scolaire, mis à part sa
présence incontournable dans les cuisines du traversier MADELEINE. Les
nombreuses fois où j’ai pris la mer à bord de ce navire de plusieurs centaines
de passagers, il ne fut jamais une traversée où nous nous sommes ratés. En
bref, j’ai toujours été gratifié soit par une blague, soit une offre spéciale
de plat préparé par lui, soit un souvenir partagé du temps ou gamin, il aimait
faire rigoler ma classe alors que péniblement, j’essayais de lui tenir la bride
un tant soit peu serrée. En peu de mots, son ancien prof d’anglais était fier
de sa réussite, même s’il n’a jamais su s’il avait finalement appris quelques
rudiments de cette langue seconde. Sur le plan professionnel, il était devenu
le cuisinier en second sur le navire et souvent le Chef lors de remplacements. Alors,
quand cette semaine j’ai appris sa mort dramatique, je ne sais trop pourquoi,
mais il y a des larmes qui ont fait leur chemin sur mes joues. Soudainement, je
me suis senti comme un vieux professeur qui venait de perdre tragiquement un
des meilleurs élèves de sa classe. J’imagine difficilement la douleur
qu’éprouvent présentement toute sa famille et ses proches. Je me permets ici en
tout respect de leur offrir mes plus sincères condoléances.
Mon
frère décédé disait souvent : nous ne sommes pas des corps habités par des
esprits, mais des esprits habillés d’un corps. Vue comme ça, la mort, si
cruelle soit-elle, prend le visage d’une délivrance. Dans tous les cas, elle
nous console et nous protège d’une certaine absurdité de la vie. Ainsi, je te
dis Adieu Dorélas, Adieu mon ami. Puisse ton esprit trouver la paix et le
bonheur au sein des étoiles et que Dieu soit ton hôte à la grande table des
élus. Amen.
GG
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