Je suis outré
Il
est des jours où j’ai l’impression que notre société n’a pas progressée d’un
iota quant à la sauvagerie avec laquelle elle traite ses sujets, même sur le
plan collectif. Tout au plus, elle est devenue plus hypocrite et a appris à
dorer son image en utilisant la torture psychologique plutôt que la torture
physique. Vous allez certainement vous demander où je veux en venir, alors j’y
arrive.
Publication des noms
des « mauvais » payeurs de taxes
Il
y a quelques jours, la municipalité de Blanc-Sablon a publié sur Facebook les
noms des mauvais payeurs de taxes de cette communauté. Si ce n’est déjà fait, bientôt
les « mauvais » payeurs de taxes Madelinots verront leur nom affiché
dans le journal local Le Radar. Voilà donc qui nous ramène à une vieille
méthode ancestrale qu’on appelait alors, la punition au pilori. Voici ce qu’une
recherche bien anodine nous enseigne sur le sujet.
En France par la loi du 28 avril 1832.
L'article 22 du Code pénal prévoyait
qu'en peine accessoire d'une
condamnation aux travaux forcés ou
à la réclusion, le condamné soit
exposé au regard du peuple pendant
une heure sur une place publique, un écriteau informant les passants sur son
nom et le crime commis.
Est-il utile ici de souligner qu’il
s’agit d’une vieille loi française datant du 28 avril 1832. À cette époque, le
condamné était attaché au gibet sur la place publique et les passants avaient
tous les droits de l’invectiver de bêtises, rire de lui ou l’insulter (sans
toutefois le toucher ou le frapper) tout en le laissant à ses besoins naturels
alors qu’il avait la tête et les mains immobilisées.
Aujourd’hui, nous nous flattons d’être
plus civilisés. Nous publions les noms des gens supposément fautifs dans les
journaux locaux et même maintenant sur le plus grand réseau social de la
planète entière. Quel progrès messieurs des municipalités. Pourtant, voici ce
que disent les articles 53 et 54 de la loi sur la protection des
renseignements personnels.
SECTION I
CARACTÈRE CONFIDENTIEL DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
CARACTÈRE CONFIDENTIEL DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
1° la personne
concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne
est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de
l'autorité parentale;
2° ils portent sur un
renseignement obtenu par un organisme public dans l'exercice d'une fonction
juridictionnelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus
alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de
non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.
54. Dans un document, sont personnels les renseignements qui
concernent une personne physique et permettent de l'identifier.
La décence à un nom
Bien sûr,
une armée d’avocats pourrait bien s’amuser et s’enrichir en de tels articles de
loi, mais ce qu’on oublie dans toute cette affaire, c’est le droit à la dignité
du citoyen. Quant à ceux qui clament qu’ils ont toujours été bons payeurs de
taxes et qu’il faut punir les mauvais payeurs parce que cela va leur coûter
plus cher, je leur suggère gentiment de se calmer le pompon. D’abord, ils ne
savent jamais pourquoi un individu n’a pas payé son dû à sa municipalité.
Mauvaise gestion personnelle, séparation, oubli, perte d’emploi et surtout en
de nombreuses fois, maladie et pauvreté. Alors, messieurs des gorges chaudes, dites-moi
si vous êtes immunisés de toutes ces calamités, valables ou non?
La loi
La loi c’est
la loi! – pour ce que j’en sais, les lois sont rédigées par des humains et je vous
souligne que du temps d’Hitler, tous citoyens qui dénonçaient la présence de
Juifs dans son entourage, même si ceux-ci étaient envoyés aux camps de
concentration et aux fours crématoires, passaient pour de bons citoyens
respectueux de « la loi ». Le grand Mandela n’a-t-il pas dit à peu
près ceci : dans un pays où les lois sont injustes, la place des justes
est en prison.
La responsabilité des journaux
J’ai lu
sur Facebook la semaine dernière le commentaire suivant. Nous n’avons qu’à ne
pas acheter le journal. Voilà un excellent signe de notre aveuglement
collectif. Bien qu’il ait sa part de responsabilité, le journal est le
messager, le véhicule qui porte la honteuse nouvelle et dans le contexte des
Îles, il n’est pas riche, n’en déplaise à quiconque, d’autant plus qu’il
appartient aujourd’hui à une dizaine de jeunes qui essaient tant bien que
mal…eux aussi de payer leurs taxes. Ne pas acheter le journal, c’est tuer le
messager. C’est comme celui qui souhaite tuer le docteur qui l’a informé qu’il avait
un cancer. Pendant 16 années, j’ai travaillé pour le journal local et je n’ai
jamais caché mon malaise lors de la publication de la fameuse liste des mauvais
payeurs de taxes. J’aurais pu être de ceux-là et heureusement, la vie m’en a
épargné, mais j’avoue n’avoir jamais été d’accord avec ce procédé, même si on
me disait que la loi l’y obligeait. Alors, je suis coupable moi aussi, comme
vous tous qui gardez le silence ou qui approuvez ce procédé ignoble, digne
d’une autre époque.
Aujourd’hui,
cela prend un juge pour que la police fouille vos dossiers personnels,
bancaires ou autres. Un criminel perd la plupart de ses droits, mais la loi
donne l’ordre de protéger sa dignité, même aussi loin qu’en temps de guerre,
par le biais de la convention de Genève. Il est alors inconcevable qu’au niveau
municipal, une autorité politique et administrative ait le droit d’afficher
publiquement le nom des gens qui sont en défaut de paiements envers elle. À mon
avis, cette entité politico-juridique viole de façon indécente la vie privée de
gens qui ne sont pas tous volontairement des mauvais payeurs. N’oublions pas
que même les endettés de cartes de crédit sont mieux protégés à ce chapitre que
les payeurs de taxes municipales.
Une solution
Pourtant,
la solution serait simple. Les municipalités n’auraient qu’à publier uniquement
les numéros de lots, non pas ceux en infraction, mais ceux saisis légalement
une fois toutes les autres solutions épuisées. Les intéressés pourraient alors
se renseigner aux bureaux mêmes de ladite municipalité afin de se convaincre ou
non d’un intérêt d’achat sur lesdits lots en vente. Hélas, cela priverait tous
ces voyeurs qui dévorent Facebook ou les journaux locaux afin de savoir qui est
dans la merde ou pas. Quelle belle société nous avons !
GG
Comme je suis d'accord avec toi Georges. J'ai eu la très déplaisante expérience de voir mon nom dans le radar pour environ 50.$ il y'a de cela plusieurs années (je vivais déjà au N.B.,à ce moment là
RépondreSupprimer). Je suis heureuse de voir que tu dénonces publiquement cette pratique extrêmement humiliante et injustifiée.