Malgré cela, il faut demeurer fixé sur l’objectif, terminer un roman qui nous tient à coeur à Dominique et à moi. Une première révision est enclenchée et je vous avoue que même si j’aime écrire, Dieu que je trouve cette langue complexe, difficile et parfois capricieuse. Pas étonnant que la très grande majorité des francophones, immergés dans une mer anglophone, perdent graduellement leur langue maternelle au profit de la langue anglaise. Je salue le courage de ceux et celles qui, dans un tel contexte, contre vents et marées, maintiennent le flambeau de leur langue maternelle. Je ne crois pas que j’aurais eu ce courage si j’avais vécu dans un autre milieu que celui qui m’habite depuis la naissance.
Là où je demeure, la vue est fantastique, jamais la même, toujours changeante et ma foi, chaque matin, c’est une nouvelle découverte que je partage avec vous.
Ce matin là, dans un brouillard glacé, le traversier MADELEINE nous apparaissait comme un bateau surgissant d’une autre dimension.
Une fiction «de mon cru» qui m’a tout l’air de porter des bouts de réalités. Lisez jusqu’au bout s.v.p. Bonne semaine à vous toutes et tous. GG
* Toutes ressemblances avec des personnages réels ne seraient que pure coïncidence.
Il s’appelait Steeve Harpon.
Steeve Harpon était premier ministre du Canada et voici donc quelques problèmes auxquels il devait faire face. Un jour, il fit l’actif et le passif de sa dernière élection et réalisa qu’il n’avait que 53,5 % des gens en sa faveur et qu’ils étaient majoritairement de l’Ouest du pays. Les finances étaient plutôt saines, toutes économies comparées avec d’autres pays, mais cela n’avait pas beaucoup d’importance, puisqu’il était bien conscient de ne pas être le véritable patron du Canada. Alors, chaque matin, il appelait le gouverneur de la Banque Fédérale afin de lui demander quoi faire. Et chaque matin, le gouverneur de la banque lui servait le même refrain : « Steeve, mon ami Steeve. Rappelle-toi notre première rencontre le lendemain de ton élection. Réécoute le CD qu’on t’a donné et celui que tu as reçu hier puis tout va bien aller. Il n’y a rien de changé depuis ton élection. Continue ainsi, tu fais du bon travail, on est fier de toi. Bonne journée Steeve »… clic!
Alors, Steeve écouta les deux documents sur une clef USB et non plus sur disque compact comme le mentionnait chaque fois le gouverneur de la Banque Fédérale. Un peu radin et dépassé par les évènements, ce cher gouverneur n’en avait rien à foutre de toute façon. Alors, voici le dernier contenu de la clef USB.
« Cher Steeve : Lors de notre dernière réunion hier soir, nous les dirigeants des pétrolières universelles, les directeurs des différentes banques mondiales, les dignes membres d’un groupe secret dont tu comprendras que nous ne pouvons divulguer le nom ici, de même que les propriétaires des différentes maisons d’armements de par le monde, t’informons de la situation présente tout en te proposant quelques actions qu’il te faudra exécuter par le biais de ton gouvernement. D’abord, en premier lieu, n’oublie pas que même si 46,5 % des électeurs au Canada n’ont pas voté pour tes politiques, il faut absolument que tu te comportes comme si 100 % d’entre eux étaient d’accord avec toi. Présentement, c’est la guerre au Mali, en Afghanistan, au Yémen, dans tout le Moyen-Orient, en Algérie, en République du Congo, un peu partout dans le monde, et pour dire la vérité, c’est très bien ainsi. Il nous faut maintenir le juste ratio entre une très forte demande d’énergie, la vente d’armements et le nombre d’habitants sur la terre. Plus la pression sera forte, plus les prix augmenteront et plus les pauvres seront à nos pieds et prêts à tout pour survivre. Tu sais que depuis la nuit des temps, nous avons toujours dirigé le monde en opposant les nations pour que les plus forts survivent et redemandent encore plus de biens et d’armements pour se protéger. C’est ce qui se passe actuellement dans toute la corne d’Afrique et là, les plus grands demandeurs d’énergie, c'est-à-dire du pétrole, sont les É.-U., la Russie, tout le continent asiatique et surtout la Chine et l’Inde. Comme 20 % de toutes les exportations vers les É.-U. passent par la corne Nord de l’Océan Indien, il faut absolument que ce pays trouve d’autres sources d’approvisionnements. T’en fais pas cher Harpon, tout ça est planifié depuis longtemps. Et c’est là que tu interviens avec tes sables bitumineux. Comme tu le sais, du pétrole, c'est-à-dire de l’énergie, il y en a partout sous nos pieds. L’unique question qui demeure est la suivante. Comment aller le chercher avec un maximum de profit? Et il semble bien que toute la partie Est du Canada, sauf Terre-Neuve, ait de la difficulté à comprendre. Il va donc falloir que tu deviennes plus sévère mon cher Harpon, sans quoi, les budgets pour tes prochaines élections risquent de fondre comme beurre au soleil. Voici donc ce que tu devras faire et prendre exemple sur ce qui fut fait aux É.-U. dès 2008 et même bien avant.
D’abord, n’oublie jamais la première leçon de contrôle sur un peuple. Il te faut créer une crise puis te présenter comme la seule solution à cette même crise. Exemple : les deux tours du World Trade Center. Ensuite, n’hésite pas à placer ton peuple dans une obligation de s’endetter à un point tel qu’il ne puisse plus jamais payer ses dettes, tant sur le plan personnel que sur le plan social. Regarde ce que nous avons fait aux É.-U. depuis 2008. Même les plus pauvres des plus pauvres pouvaient s’acheter une maison. Ensuite, il aura suffi d’augmenter les intérêts d’un point pour que le tout s’écroule. Quant aux banques prêteuses, pas de problème. Ce sont ces mêmes emprunteurs en faillite qui ont forcé leur gouvernement à imprimer de nouveaux billets pour relever ces banques, justement pour ne pas perdre plus qu’ils n’avaient déjà perdu. Comme tu vois, c’est facile. Il faut admettre cependant que tu as un problème sur les bras qui est un peu différent. Quelques régimes sociaux en place au Canada sont un peu gênants. L’assurance maladie et l’éducation moins onéreuse risquent de faire prendre conscience aux gens ordinaires à quel point ils sont exploités. Ce serait moins bon pour nos affaires, tu en conviendras. De plus, il faut absolument que les sables bitumineux profitent aux É.-U.. Ils sont les gardiens de cet équilibre de guerre à maintenir avec l’autre moitié du monde. S’il fallait que tous les peuples soient d’accord, nous ne pourrions exister. Pas d’armes ou certainement beaucoup moins et puis des peuples de plus en plus instruits. Tu vois le massacre pour nos affaires. Tous les gens seraient des gérants d’estrades compétents. Je pense que tu vois les conséquences aisément, mais ne te décourages pas, tu as quelques atouts sur ton échiquier. De plus en plus de Canadiens et aussi autant sinon plus de Québécois sont endettés jusqu’au cou. Il suffit d’augmenter encore leur pouvoir d’achat, leur faire croire que c’est en consommant encore plus que leur économie va s’améliorer, les épeurer avec leur déficit collectif et une fois qu’ils seront bien enterrés sous un amas de dettes qui de toute façon n’est que virtuel pour nous, tu leur présenteras la solution miracle venant de ton gouvernement. Présentement, Terre-Neuve bénéficie du pétrole marin au large de ses côtes. La Nouvelle-Écosse bénéficie du gaz venant de l’Île de sable et comme tu le sais si bien, le golfe Saint-Laurent regorge de pétrole et de gaz comme il n’y en a pas au large des côtes atlantique. Tu n’as donc qu’à favoriser par des lois spéciales l’électricité de Terre-Neuve en opposition à celle du Québec, favoriser l’exploitation pétrolière en ne reconnaissant que les frontières de Terre-Neuve dans le golfe, dresser les gens contre les écologistes en les accusant des propres défauts de ton gouvernement, cela marche à tout coup, particulièrement dans les périodes électorales, et pour terminer, laisser le gouvernement du Québec s’enfoncer encore plus dans les dettes en minimisant les sommes dues en péréquation. Quant au reste des provinces maritimes, tout comme les régions fragilisées du Québec, tu n’auras qu’à leur couper les prestations d’assurance-emploi sous les prétextes que les bénéficiaires sont des gens paresseux, ignorants ou incapables de développer leurs propres ressources et, comme le dit une certaine publicité : “VOILÀ”! Bien sûr il faudra que tu évites d’utiliser des mots qui risquent de tourner une masse critique de gens contre toi et faire valoir à quel point ces gens dorment sur une immense richesse pétrolière qui ne demande qu’à être exploitée, dire que tu compatis avec leur misère même si tu sais pertinemment que tu en es la cause et puis, quand ils seront au bord du gouffre, offre-leur sur un plat à apparence d’argent, la possibilité de faire revivre leur économie par l’exploitation du gaz et du pétrole dans le golfe, le gaz de schiste sur les terres du Québec et au Nouveau-Brunswick, de même qu’une multitude de stations de pompage le long de leurs côtes, surtout aux Îles de la Madeleine.
En d’autres mots, après les avoir affamés, ils viendront manger dans ta main. C’est une bonne vieille recette, même biblique. Jacob en connaissait les secrets et les Romains ont conquis le monde avec.
Bonne chance, mon cher Steeve».
*N’oubliez pas qu’il s’agit ici d’une pure fiction.