dimanche 20 octobre 2013

Comme une lampe qui s’éteint, vont-ils disparaître?

Les phares nous appellentPA180015

 

Entry Island light housePhare Anse-à-la-Cabane

Phare de l’Île d’Entrée                                      Anse-à-la-cabane

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L’Étang-du-Nord

PH 2

Ancien phare du «borgo» à l’Étang-du-Nord.

Ils ont été pendant longtemps les sentinelles du Golfe, les compagnons de nos brumes, le «borgo» de nos ennuis quand nous étions loin des Îles et surtout, les guides des marins à l’approche de nos côtes. Inutiles aujourd’hui, ils nous rappellent leur rôle et crient sans corne de brume, leur histoire. Une histoire que le gouvernement fédéral tente de nous faire abandonner, une histoire à oublier dans le grenier de l’entreprise privée, dans le grenier des biens nantis qui nous la revendront peut-être, à grand prix. Dommage! Une vieille dame m’a appelé la semaine dernière. «Je ne me sens plus chez-nous» m’a-t-elle dit. «Les maisons sont à vendre partout et on ne sait plus ce qu’on va faire avec le phare qui a meublé le paysage de mon enfance». Il faut dire qu’elle a grandit dans ce qu’était ce phare auparavant. Toute sa vie, même si elle ne l’a pas toujours habité, il a habité ses souvenirs. Le voir chaque jour, non loin de sa maison, fut un constant rappel de son histoire, l’histoire de sa famille, l’histoire du village, du port de mer, l’histoire de la vie qui était et qui n’est plus. «Est-ce qu’on a le droit de se défaire de ça?» m’a-t-elle demandé. Je ne sais pas madame. Le mot «droit» est utilisé à toutes les sauces aujourd’hui. J’aimerais mieux poser la question suivante à nos élus de tous les niveaux politiques. Avons-nous l’obligation en tant que société, de les conserver, de les préserver, de les ranger dans l’immobilier du patrimoine historique collectif? Il est probablement trop tard pour poser la question. La vente de débarras est déjà bien amorcée et c’est malheureux.

PH 3

Des amoureux des phares alimentent leurs souvenirs par de jolies miniatures qui ne laissent aucun doute sur la valeur qu’ils accordent à ces sentinelles de la mer.

Devant tant d’argent gaspillé en foutaises et vols de tous genres, devant les yeux de cette vieille dame qui cachent une larme furtive, je ne peux que lui promettre une chose. Je vais en parler à autant de gens que cela m’est possible. Voilà, c’est fait. Cela ne règle absolument rien, tout comme toutes ces maisons qui sont à vendre, tous ces châteaux que l’on a bâti un peu partout à coup de centaines de milliers de dollars. Je suis pour la liberté presque totale, mais dans la mesure ou elle n’écrase pas la liberté de l’autre et comme cette vieille dame, je me pose des questions. On a le droit OUI et je n’aimerais pas qu’on vienne m’interdire de vendre ma maison si j’en avais une, ou de vendre quoi que ce soit que j’ai peiné à bâtir. Cependant, entre le droit et l’obligation, je crois qu’il y a une bonne dose d’obligations ou de décence qui sont rejetées du revers de la main au nom d’un capitalisme effréné, au nom d’une spéculation qui en bout de ligne risque de vider les Îles de leur essence vitale. Et par là, je ne parle pas de la richesse des gens. Pas de leur richesse monétaire, mais de leur richesse culturelle, historique et surtout humaine. Le phénomène n’est pas d’hier. Dès le début de la colonisation des Îles, il y avait le seigneur de la place et le curé. Plus tard, ce fut quelques médecins et surtout les grands acheteurs de poisson. Leurs habitations aux 5 à 7 poêles à charbon dominaient sur les cabanes des autres. Cela donnait un petit côté Roi avec domination sur les vassaux. Regardons le phénomène aujourd’hui. La même chose se passe sur tout le territoire des Îles et avec en prime, une influence plus que négative sur la valeur du parc immobilier des moins nantis. Je sais, je ne vais pas me faire que des amis avec ce constat, mais il est là, qu’on le souhaite ou non, et puis il y a cette dame qui pleure en silence ses souvenirs. 

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Le personnage dans la fenêtre de cette miniature de l’ancien phare de L'Étang-du-Nord se demande peut-être si… son souvenir va survivre.

Tout en respectant le droit ou la liberté de conquérir plages, buttes, vallées et montagnes, n’y aurait-t-il pas lieu de légiférer au moins pour que cette richesse étalée parfois avec indécence sur l’environnement, soit encâdrée de certaines obligations? Des obligations qui auraient pour but de ne pas alourdir la taxe foncière des autres, des obligations qui établiraient certains paramètres permettant à la municipalité de préserver pour le bien de l’ensemble de la communauté, des accès aux loisirs de tous plutôt qu’à une minorité capable de pavaner ses avoirs? J’ai peur du jour où les Îles ne seront plus qu’un paradis fiscal pour riches vacanciers de juillet et août, à moins que ce ne soit pour spéculateurs sans scrupules, alors que les derniers et vieux résidants donneront au CHSLD, leurs derniers sous qu’ils auront reçu de ces gens, pour acheter leur vieillesse, pour acheter une mémoire pleine de trous avant de partir pour le cimetière. J’ai peur du jour où des individus sortiront des propriétaires madelinots de leur sommeil pour leur dire qu’ils ont acquis le sous-sol de leur demeure pour y creuser un puits et qu’ils ont acquis ce dessous de terre pour la modique somme de 10¢ l’acre.

PH 5

À ne pas souhaiter, mais viendra peut-être le jour où il faudra glisser des sous dans une borne de paiements afin d’avoir le privilège d’observer un des plus beaux couchers de soleil à l’horizon des Îles. À nous d’y voir alors!

Photos: Georges Gaudet (sauf pour le document N & B… auteur inconnu)

Bonne semaine à toutes et tous ceux qui aiment les Îles.

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