lundi 16 juin 2014

Trésors des Îles de la Madeleine

 

Sa maison est un véritable musée.

C’est bien connu, les Îles regorgent de trésors. Il y a bien sûr des trésors naturels qui nous entourent, des trésors culturels, des trésors touristiques, des trésors artistiques. Tous ces trésors sont pour la plupart accessibles et facilement appréciables. Il y a aussi des trésors cachés. Des tonnes de trésors cachés, souvent dans les greniers, sous des piles de livres, dans de vieux coffres en bois, des sacoches au cuir usé, des piles de journaux personnels, écrits à la main, avec une touche calligraphique à faire pâlir les polices modernes de nos ordinateurs. Il y a dans beaucoup de nos foyers madelinots, des trésors qui dorment entre des appuis-livres, parfois involontairement oubliés dans la tranquillité de bibliothèques personnelles, ou tout simplement perdus avec la mémoire de ceux et celles qui sont partis vers d’autres vies, vers un autre univers.

Bienvenue dans le monde de Jean-Marc Cormier.

Par Georges Gaudet georgesgaudet49@hotmail.com

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Il voulait me faire connaître un personnage oublié, un de ces nombreux naufragés sur les côtes des Îles qui ont décidé de demeurer sur place. Avaient-ils le choix? – nous n’en savons que trop peu, mais ils font aussi partie de ces gens qui ont bâti autrefois, à force de talent, de labeur et souvent d’abnégation, notre présent actuel, notre monde bien à nous. Un monde qu’ils nous ont légué dans des carnets manuscrits, des notes toutes simples, des comptes rendus notariés, des procès verbaux, des actes de naissances, des dons testamentaires, des photos d’époque, enfin, des trésors historiques qui risquent de disparaître avec les personnages qui les ont patiemment ramassés au cours de toute une vie. Bien connu des gens des Îles pour ses talents musicaux et pour ce qu’il a fait du célèbre «Café de la Grave» avec d’autres partenaires, monsieur Cormier est aussi une véritable bibliothèque vivante et sans vraiment le vouloir, probablement le meilleur gardien de toute l’histoire du site de La Grave, du moins depuis le siècle dernier et une partie de celui d’avant. Passionné de son histoire familiale et des personnages qui ont habité ce lieu hautement touristique aujourd’hui, monsieur Cormier habite une maison dont la question suivante  semble totalement justifiée.: «Y a-t-il de gentils fantômes dans votre maison?»

OLYMPUS DIGITAL CAMERADes carnets de notes comme celui-là, monsieur Cormier en a des dizaines, sinon plus. Son père prenait des notes, son oncle prenait des notes et presque tout du quotidien des gens de cette époque semble consigné quelque part, en des calepins bien ordinaires. Fêtes, baptêmes, mariages, dates et années, tout comme ces livres comptables tenus par les administrateurs du temps. Tout se comptait en 25¢, 10¢, 5¢ et de rares fois en «piastres».

Un drôle de naufragé

Petit Étang  

Petit-Étang vers les années 1900. Véritable photo du Petit-Étang à Havre-Aubert doublé d’un montage photo pouvant illustrer le naufrage de la goélette CHARLOTTE E.C.

C’était le 5 juin 1914. Cela fait cent ans cette année. La goélette CHARLOTTE E.C. s’échouait en bas du Petit-étang à Havre-Aubert. Selon les registres de l’époque, il ne semble pas y avoir eu des pertes de vie. Toutefois, comme dans bien des cas auparavant, les naufragés ne retournaient pas tous chez-eux et c’est ainsi qu’un St-Pierrais du nom de Joseph François Bidel, né le 28 avril 1871, arrivait aux Îles de la Madeleine pour y demeurer  pendant tout le reste de sa vie.

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Joseph Bidel. À l’arrière de la photo, l’auteur y avait inscrit la note suivante : «Quelques mois avant mon mariage le 23 juin 1897.»

Pour des raisons inconnues, les descendants Bidel n’habitent plus les Îles de la Madeleine. Toutefois, on dit de ce monsieur Bidel qu’il fut un vaillant travailleur, fiable et compétent auprès des entreprises du début du siècle sur le site de La Grave. N’oublions pas qu’à cette époque, c’était l’endroit commercial par excellence de tout l’archipel madelinot. Première banque, première caisse populaire, premier poste de douanes, magasins généraux, acheteurs de poisson, hôtels…etc, y avaient pignon sur rue. Havre naturel par excellence tout comme Grande-Entrée, les bateaux de pêche et de commerce y trouvaient assez facilement abris et quais de débarquements. Ce qui est particulier dans toute cette histoire, c’est que Joseph Bidel a habité pendant plus d’une vingtaine d’années chez Onézime Cormier, le père de Jean-Marc Cormier, notre gardien de trésors historiques. Des trésors qui bénéficieraient bien d’un petit «ménage» muséal avant que tout cela se perde dans une histoire qui s’éteint parfois trop rapidement. Joseph Bidel notait tout d’une écriture à la main digne des écrivains de l’époque. Appelant madame Onésime Cormier (Marie-Louise) «sa petite maman», monsieur Bidel prit seul racines sur les Îles alors qu’il entretint une chaleureuse correspondance avec ses jeunes enfants qui étaient demeurés à Saint-Pierre et Miquelon.

Voilà un petit volet d’une histoire unique mais sans aucun doute similaire à bien d’autres histoires enfouies dans les greniers ou attiques des Îles. Il faut noter aussi que le père de Jean-Marc Cormier fut pêcheur, propriétaire d’une goélette et plus tard, garde-pêche. Doté lui aussi d’un besoin peut-être viscéral de tout noter le quotidien de son époque sur de multiples carnets, l’ensemble de ces notes et les documents officiels qui les accompagnent pourraient constituer un autre pan d’histoire de l’archipel madelinot à ne pas oublier. À une époque où les jeunes sont littéralement assoiffé de découvertes modernes, particulièrement en matière technologique, il serait dommage que tous ces outils hyper performants d’aujourd’hui ne puissent pas  servir à répertorier, classer et surtout montrer les tableaux d’un monde qui n’existe plus, mais qui dans une mosaïque temporelle, pourrait présenter aux générations actuelles et futures, une référence historique d’une valeur inestimable.

Petit clin d’œil au passé

Monsieur Cormier ne s’est pas contenté de ramasser des carnets de notes et quelques vieilles photos. Dans cette maison, les œuvres d’art se chamaillent l’espace avec toutes sortes de créations originales, une collection personnelle de copies de photos des Archives nationales et des souvenirs familiaux qui racontent non seulement une histoire familiale, mais bien un portrait de la vie aux Îles comme elle n’existe plus aujourd’hui.

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Pas de casques protecteurs, pas beaucoup de protection en fibre de carbone en ce temps là, mais une même passion et probablement encore plus de cœur au jeu que la «Sainte flanelle» des dernières séries.

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L’ancienne église de la paroisse Notre-Dame de la Visitation de Havre-Aubert.

Véritable petit bijou architectural, cette photo des Archives nationales prise en 1951 par E.A. Désilet et partie de la collection personnelle de monsieur J.M. Cormier, illustre bien tout le soin et le talent que nos prédécesseurs mettaient lorsqu’il s’agissait de bâtir quelque chose de beau. On ne peut que regretter que cette superbe petite église ne fut jamais rénovée et sacrifiée au modernisme naissant d’une nouvelle époque. À noter : La qualité du clocher, une œuvre dont les travaux de démolition en 1962 ont demandé toute la mécanique disponible du temps pour en arriver à le jeter en bas de ses assises.

Il serait dommage que l’on continue de perdre nos trésors au prix d’une vision d’avenir qui refuserait de s’appuyer sur un passé bien plus solide qu’on ne pourrait le croire.

Bonne semaine à toutes et à tous.

GG

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