* Depuis le début de l’été, je présente à un auditoire de croisiéristes, un texte écrit depuis plusieurs années. Poème grivois pour les uns, texte à la limite de la provocation pour d’autres, une création pour faire rire les uns alors que pour d’autres, il s’agit d’un portrait d’une grande sensibilité porté par un humour qui peut s’avérer triste, surtout pour ceux et celles qui ont cette capacité de l’écouter ou le lire à un niveau autre que la grivoiserie.
Les putes d’Amsterdam, très bien portées en chanson par l’incomparable Jacques Brel, ont souvent été une énigme. Comment peut-on faire de ce plus vieux métier du monde une attraction touristique universelle? Ne trouvant pas de réponse à cette question, j’ai inventé en peu de mots, une histoire prenant sa source dans ce milieu, ce milieu ou vraiment personne ne vit. J’en ai fait un poème dont l’histoire va au-delà de l’image traditionnelle de ces femmes en vitrines.
Afin de bien faire avaler la pilule, je me suis fait auprès de mes auditoires, professeur en vocabulaire marin. Ainsi, pour bien comprendre le texte, mon public devait assimiler les quelques mots communs au gréement d’un navire autrefois appelé « une Caravelle. »
Un vieux voilier porteur d’espoir
Ses pas glissaient lentement sur le macadam
Dans ce quartier d’Amsterdam,
Là où le vent de sa jeunesse,
Lui avait fait connaître autrefois,
Plusieurs paires de fesses,
Au grand plaisir de son cacatois.
Mais c’était une autre époque,
Un temps loufoque,
Un temps ou les Amerloques,
Chasseurs de phoques,
Passaient les vitrines des putes,
Prêtes à toutes les culbutes,
Pourvu que le client ne les rebute.
Maintenant vieux capitaine,
Sa bedaine,
Cachait son mât de misaine,
Même que ce mât,
Digne d’une châtelaine,
Aujourd’hui avait plutôt l’air d’un appât
Pour une sœur Franciscaine
Trente ans plus tard
Elle était toujours là, dans sa vitrine
Le visage bourré de fard
Et encore, cette généreuse poitrine.
C’était celle qu’il aurait pu aimer,
Il était celui qui l’avait désarmée
Pourtant, les putes d’Amsterdam
Ne s’amourachent pas du premier quidam
Elles les laissent mouiller leurs ancres
Mais s’assurent qu’elles chassent.
Pas question d’aimer un cancre
Avant qu’il ne l’enfourchasse
Mais lui, elle ne l’avait pas oublié
Devant sa prestance
Elle avait même tenté de l’humilier,
Et lui, d’une bienveillance
Avait rétorqué sans ambivalence
Madame, vous ressemblez à mon voilier
Et quand il lui montra son beaupré
Elle lui dit, il a plutôt l’air d’un mât d’artimon
C’est le plus petit sur un bateau, à ce que je sache
Non désarçonné et en toute beauté
Il glissa son ancre dans le limon
Tout en riant dans sa moustache.
Madame, l’artimon est essentiel
Dur au travail, il est à la poupe
Et avant de vous expédier au ciel
Il peut vous ramoner la croupe
Dans toutes tempêtes démentielles
Croyez-moi, vous n’y perdrez pas votre étoupe.
Permettez donc, madame
Que de votre voile de dentelle
Je sauve ce qu’il reste de mon âme
Avant que cet artimon ne dételle
Ceci serait infâme
Et indigne d’une caravelle
Elle avait rît, elle avait rît, elle avait rît
Tellement qu’elle n’avait jamais oublié
Ce marin dont elle s’était éprit
Premier homme qu’elle avait supplié
Jusqu’à ce qu’elle le surprit
En partance sur son voilier
Eh oui! trente ans plus tard, elle était toujours là
En vitrine, comme du chocolat
Maintenant plus charnue, elle lui sourit
Et de joie, son cœur éclata
Alors que l’autre s’emballa
Sur cette rue, où vraiment personne ne vit.
Il entra, elle ferma les rideaux
Leur bastingage était fripé
Leurs yeux, pleins d’eau
Ensemble, ils burent un café
Et cette fois de dés non pipés
S’offrirent le plus beau des cadeaux
Il pleut sur Amsterdam
Un bateau glisse sur l’eau
L’artimon bien planté en poupe
À bord, il y a une dame
Qui dans ses mains, tient un roseau
Et lui, capitaine
Lui pose un baiser sur la croupe.
Georges Gaudet
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