Le ciel, la mer et l’oubli
Plus jeune, alors que j’ai eu le privilège de survoler ce que communément les romanciers ont appelé « le plancher des vaches », j’oubliais tout, enfin presque tout, sauf l’obligation de piloter mon appareil si minime fut-il. Quand j’écris que j’oubliais tout, je veux dire que j’oubliais tous mes soucis, tous mes tracas, toutes mes petites misères. Je me souviens d’une époque où la perte d’un emploi et la perspective de la perte de ma maison occupaient tout mon espace mental. Pourtant, chaque fois que j’étais dans les airs, la terre me semblait immense, le ciel impénétrable, l’horizon infini. Les maisons me paraissaient toutes petites et dans un relativisme forcé par la griserie du vol aérien, mes problèmes rapetissaient tout autant.
Quelques années plus tard, je découvris la voile et le même phénomène s’est produit et il dure encore aujourd’hui. Pas besoin d’un gros voilier, un immense chalet sur l’eau ou un voyage au bout du monde. Quand je barbote le long d’un rivage ou que je glisse sur l’eau, poussé par le vent dans ma petite coquille de noix, j’oublie encore tout. J’oublie que j’ai atteint l’âge supposé de la retraite, j’oublie les petits problèmes de santé, j’oublie nos gouvernants qui semblent si mal gouverner, j’oublie la politique, l’économie, le pétrole et je plonge en pleine liberté, en plein nirvana, libéré de tout sauf des lois naturelles de la mer, des fonds marins et de la profondeur de ma quille.
Et puis l’été dernier, je suis tombé en amour, en amour avec un fleuve, un fleuve que l’on risque de perdre sur l’autel du profit, le cœur transpercé par une étrave remplie de brut lourd et la robe presque océane souillée d’huile.
Dans un élan rempli d’émotions, j’ai écrit ce poème.
Je suis tombé en amour
Avec une rivière
Avec « la grande rivière »
Comme l’appelaient les Indiens d’Amérique.
Cette dame appelée fleuve
D’une beauté sans pareille
Aux Îles riches d’oiseaux et de gibiers
Aux Trois-Rivières nées d’une seule
Aux rives escarpées
Aux fjords majestueux
Le sillon de ses profondeurs
Sans doute créé par la main d’un Dieu
Nourrit poissons et cétacés
Baleines et bélugas
Alors que le bas de sa robe
Honore ses côtes
De milliers de maisons, maisonnettes et chalets
Belle dentelle cousue tout au long de ses rivages.
Je prie pour qu’elle ne soit pas souillée
Par les chemins du goudron et de l’or noir
Pour que ce prince richissime et orgueilleux
Sache respecter sa beauté, sa candeur
Sa force aussi.
Je prie pour que les enfants
Continuent de jouer sur ses rives
Pour que les rires et les cris
Soient ceux de la joie et du bonheur
Enfin, pour que le sang de ses eaux
Continue de nourrir ce merveilleux pays
Le Québec.
GG
À la semaine prochaine
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