samedi 19 janvier 2019




Dixième et dernière croisière

Le navire ne file qu’à neuf nœuds. C’est la zone réservée aux baleines noires. Cap Gaspé s’éloigne de nous par le travers arrière, côté bâbord. Dans la cafétéria, quelques voix habituelles se font entendre au rythme d’un doux roulis et moi, les yeux perdus sur mon clavier, je songe à ce que sera ma vie, une fois sur le quai.

C’est ma dixième croisière et pour moi la toute dernière de la saison. J’ai le cœur un peu triste tout en étant heureux de retrouver ma belle. Les départs et les arrivées sont aussi comme ça. Heureux de partir et heureux d’arriver.
Quand j’ai vu les Îles disparaître à l’horizon sous un soleil de feu, une larme a coulé. Cela m’arrive à chaque fois que je quitte les Îles pour un temps indéterminé. Je me demande si je les reverrai un jour. Je prie Dieu pour que ce ne soit pas la dernière fois. 

Hier, je suis allé poser de nouvelles fleurs sur la tombe de mon père, puis celle de ma mère et ensuite celle de mon frère unique. Je sais que je les transporte en mon cœur, en mon âme et qu’ils m’accompagnent partout, mais je sais aussi que leur trace indélébile est profondément ancrée aux Îles de la Madeleine. C’est là qu’y sont mes racines et c’est là qu’elles y seront pour l’éternité.

C’est calme maintenant dans la cafétéria. Les vibrations du navire chatouillent l’onde autour de sa coque alors que la nuit s’infiltre lentement par mon hublot. Nous naviguons loin de la politique, loin des nouvelles effrayantes, loin de la laideur. La beauté est simple, tranquille. 

La côte gaspésienne, d’un bleu profond et sombre se détache sur fond de ciel gris et de mer bleue argentée. Ce matin, j’ai prononcé ma dernière conférence ayant pour titre : « Le fleuve, le golfe et les Îles de la Madeleine, un même destin. » J’y ai laissé parler mon cœur à la place de ma tête. Plus de 300 personnes m’ont écouté. C’est drôle quand on réalise que les gens aiment encore plus le cœur qui parle que la tête qui analyse. Serais ce qu’au plus profond de notre nature humaine, il reste encore quelques relents d’humanisme et que notre nature trop souvent belliqueuse peut aussi se calmer au sein de tous ces sentiments nobles qui nous sont propres ? Je me pose la question tout en me disant qu’au fond, nous sommes tous sur un navire et ce navire, il s’appelle terre, notre seul et unique vaisseau, naviguant dans un cosmos qui nous est étranger. Certainement aussi étranger pour nous que pour ce singe, grimpé sur son arbre et qui de son doigt tente de toucher les étoiles. 

Après demain, ma douce m’attendra sur le quai et ce sera une longue étreinte, comme pour sceller le début d’un temps longtemps attendu. Et notre navire sera le même, mais nous y serons ensemble, à bord de ce bateau qui s’appelle cœur, à bord de ce galion qui s’appelle amour. 

Avant de « débarquer »  
* Avant de quitter le navire pour une dernière fois, j’ai eu l’opportunité de prononcer ce petit mot de remerciement à l’endroit de tout ce beau monde lors de la « soirée cabaret à bord », tout juste quelques heures avant l’arrivée matinale au port de Montréal. En voici le contenu. 

*Que dire lors de sa dernière croisière de la saison sur ce navire, …sinon qu’un gros merci. 

Permettez-moi de souligner ma très grande admiration pour tous les membres de ce bel équipage. Du plombier au « huileur », des mécaniciens aux matelots, de tous les officiers à bord sans oublier le personnel des cuisines, les serveuses et serveurs, leurs aides de même que toute l’équipe des femmes et hommes de chambres, l’ensemble des équipes dédiées à la réception et à l’entretien général de ce vieux, mais beau navire, les serveuses et serveurs des bars et ceci sans oublier cette belle équipe de l’animation. 



En de telles occasions, on a toujours peur d’oublier quelqu’un et je m’en voudrais d’oublier mes consœurs et confrères du spectacle, telle la belle Brigitte, le talentueux Rémi et bien sûr, mes amis et compagnons inséparables de ces croisières… 

et j’ai nommé Donald et Audette. Il me reste à vous remercier, vous les voyageurs, mon public, notre public, qui est somme toute notre plus belle récompense. Du fond du cœur, à vous toutes et tous, …500 fois merci. 

...et aurevoir. GG


  

    

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