mercredi 15 avril 2020

Mercredi le 15 avril …la suite de UN CRI DANS LA DUNE.

Oh! Il y avait bien quelques problèmes ici et là, mais jamais les  habitants de cette Terre  bénie ne  se sont  sentis menacés  par celle-ci. Quand la nature se transformait en tempête et détruisait des biens et  même  parfois des vies  sur  son passage, la  communauté essuyait  ses  larmes et  construisait  à nouveau.  Avec  le temps, l’entraide et le support de tous et chacun, les larmes séchaient, les murs s’érigeaient.  C’était le temps  de la douce confiance  en ce que les vieux  d’alors appelaient: «la Divine Providence». Cette expression parfois un  peu étriquée référait à  une puissance divine et bonne, laquelle dirigeait la destinée de tous et de toutes.

Dans le  bonheur comme  dans le malheur,  la liberté constituait une valeur  sacrée et presque  totale. Les gens érigeaient  leurs maisons,  leurs cabanons, leurs  ateliers, leurs  granges ou leurs abris  un peu  partout selon leurs nécessités. Un  parc  à vache  ici, un  champ de foin  là. Un quai artisanal sur  cette pointe de terre,  un havre d’ancrage pour bateaux de pêche là. Il  y régnait une espèce d’anarchie qui se complaisait en une  harmonie créée  par  de simples  besoins. Havres,  abris, champs, fleurs  et baies sauvages,  rythme des  saisons et bonheurs simples, formaient avec le tissu social, une  de ces toiles que  tu admires si souvent à la «biblio-bulle» des arts «dépassés».

Antoine  demeurait à la  fois  stoïque et perplexe  en écoutant  son grand-père. Oh!,  il essayait bien de  construire les images qu'il lui suggérait.  Mais  il était assuré que  même  sa gamme de  couleurs informatisées  ne   pourrait rendre   la  fidélité des   images  alimentant l'esprit  troublé du vieux Tancrède.  De toute façon, mis à part  l'apport chromatique  de  son ordinateur  personnel, Antoine  ne pouvait que se référer aux couleurs qui l'entouraient... et tout baignait plus ou moins dans le gris...

Recouvrant péniblement son souffle, Tancrède reprit.

- Malheureusement,  comme un  virus dont on ne  connaît l'origine, une logique de  destruction de  tout cet univers s’amorça. Chez nous, le tout  a commencé avec un bateau chargé  de pétrole lourd et portant le nom de «La Grosse Baleine». Étant une barge vouée à être remorquée, le navire  coula accidentellement quelque vingt  années auparavant au cours d’une  tempête au large des Îles.  Tous gardèrent le silence sur cet accident  jusqu’à ce  qu’un valeureux vétérinaire  trouve quelques oiseaux englués  de pétrole le long  des rives des Îles. Il envoya donc pour analyse des échantillons d’huile récupérés sur les plumes des oiseaux soignés à sa clinique.  Il en déduit  très vite que la barge «La Grosse  Baleine» avait commencé à répandre sa  cargaison sur  le fond marin  à quelque 60 milles à  l’ouest de l’archipel.  Malheureusement,  il n’eut pour récompense, de  la part des gens  qui lui devaient cette  passion pour la  vérité et  leur santé future, que  mépris et indifférence. Les gens préfèrent oublier facilement les porteurs de mauvaises nouvelles. Tout comme au temps de l’Empire grec, ils auraient probablement tué le messager s’ils avaient été capables socialement de composer avec un geste aussi barbare. Heureusement pour ce vétérinaire, il vivait quand même à une époque dite «civilisée».  Fatigué  et déçu, il  quitta  les Îles et  ne revint jamais.
Pour des  raisons que tu découvriras peut-être  un jour, les hommes de ma  génération étaient  devenus très méchants.  Même dans  nos petits villages, les choses se  gâtaient. Les gens ne s'entraidaient plus. La drogue, l'alcool et l'éclatement des familles firent que tous optèrent pour le «chacun pour  soi». Plus rien n'était défendable d'un point de vue communautaire. Chaque  fois  qu'une démarche  s'amorçait pour  le bien-être de  tous,  elle était  systématiquement  anéantie par  un principe assez  mal défini de «rentabilité».  C'est ainsi que certains décideurs gouvernementaux,  voulant protéger leurs intérêts personnels et  en  même  temps  ceux  d’une multinationale, probablement grande pourvoyeuse  de fonds  monétaires lors d’élections  comme c’était  la coutume dans  le temps, firent tout en  leur pouvoir pour  cacher la vérité aux  citoyens ordinaires. La compagnie en question était propriétaire de «La Grosse Baleine» gisant au fond de la mer.  Ce n’est que par hasard qu’un groupe d’individus intéressés à  la situation, découvrit que cette vieille coque coulée  contenait des milliers  de litres de BPC, une  substance très stable et hautement cancérigène. Pour une raison toujours ignorée, personne n’a pu expliquer comment et surtout pourquoi les employés de l’État qui avaient enquêté sur l’épave plus de vingt ans auparavant, n’avaient rien mentionné dans le rapport de l’accident. Constat inconcevable, personne n’a pu donner une raison valable et logique  pouvant expliquer un tel oubli. Alors la Garde Côtière fut mandatée pour renflouer le bateau immergé et les gouvernants décidèrent que les propriétaires du bateau coulé seraient poursuivis en justice par la suite. À  grands renforts de publicité et de marketing,  on  a remonté à la surface la barge  en question,  mais sous  haute surveillance  et avec les moyens  les moins  coûteux de l’époque. La remontée fut  douteuse, mais  on présenta l’opération  comme un succès sans précédent.  Quelques journalistes  triés sur le volet, pour leur soi-disant objectivité, furent admis sur  les lieux pour assister à la manoeuvre.  Encadrés de spécialistes en  renflouement et pollution de  toutes sortes,  même les plus critiques  d’entre eux ne  purent que rapporter dans leurs bulletins  de nouvelles, uniquement ce qu’on leur a bien  laissé voir  et photographier. Malheureusement,  ils n’étaient pas sous l’eau quand les tuyauteries du système de chauffage du bateau éclatèrent  et laissèrent échapper  les huiles  lourdes et fortement contaminées  vers les profondeurs  du Golfe.  

Le BPC étant plus lourd que l’eau, le bateau coula vers le fond sans que personne en surface puisse y observer la moindre chose.  On poussa même  la farce jusqu’à inviter  le président de l’Association  des pêcheurs d’une île voisine, afin  d’avoir un témoin  crédible de la manœuvre de renflouage.  Sans que celui-ci possède  une connaissance approfondie de la problématique, on s’arrangea  pour qu’il déclare à la presse locale que la  nappe de pétrole aperçue lors  de la remontée de la barge,  équivalait à  peine à la  nappe d’huile  présente sur l’eau, chaque fois qu’il faisait le vidange d’huile à l’intérieur de son propre bateau de pêche.

Pourtant, des milliers de litres de BPC retournèrent au fond de la mer et polluèrent pendant des  années les populations de crabes avoisinant le site sous-marin là où la coque de «La Grosse Baleine» reposait depuis plus  de vingt années. Cette zone  fut déclarée «Zone de pêche interdite» pour un temps, alors qu’à quelques dizaines de milles de l’endroit, les pêcheurs  de crabes  continuaient à  pêcher ces fruits  de la mer. Qu’un crabe  puisse voyager en moyenne 60  milles marins par année sur le fond  de l’océan n’eut pas beaucoup d’importance dans la décision des gouvernants afin de délimiter une zone interdite pour la pêche dans ce secteur. L’histoire ne relatera jamais combien de gens sont morts de cancer par  la suite, seulement à cause de  ce naufrage. Le fardeau de la  preuve est certes impossible,  mais il  n’en demeure pas moins  que cet événement constitua  le début de la mascarade.

Cette opération impliquait trop d’argent et  d’emplois. Même les pêcheurs habituellement  à l’écoute d’un tel problème, demeurèrent silencieux. Une enquête internationale et publique sur le sujet aurait eu un effet négatif majeur sur leurs pêches de crabes, même si celles-ci ne s’effectuaient pas sur les lieux du naufrage.

*(…à suivre vendredi prochain le 17 avril)…prenez soin de vous toutes et tous. GG

ENGLISH VERSION

Wednesday April 15, (The following of A SCREAM IN THE DUNE.)

“Oh, there were problems here and there, but the people who lived on this blessed ground never felt threatened.  When nature transformed itself into a storm and destroyed goods, and sometimes lives along its way, the community wiped their tears and built again.  With time and the mutual aid and support of each and every one, the tears were dried and the walls were restored.  It was a time of trust in what the old men used to call the ‘Divine Provider.’ That entity, or that term, was sometimes a little skimpy, but it referred to a great and divine power who directed the destiny of one and all.”

“In happiness, as in misfortune, freedom was almost sacred.  People could set up their houses, cottages, workshops, barns and/or shelters almost everywhere according to their needs.  Here was a cow pasture, a hayfield; there was an artisanal wharf on a ground point, an anchoring harbor for the fishing vessels.  It was a time where something that looked like anarchy was, in fact, beautiful harmony, created by simple needs and less greed. Harbors, shelters, fields, flowers and wild fruits grew and died with the rhythm of the seasons, the rhythm of simple happiness, formed with social canvas, one of these canvases that you so often admire at the Art Library Bubble .  .  .  of the past.”

Tony remained stoical and perplexed while listening to his grandfather.  Oh, he tried very hard to build the images Albert suggested to him.  He was certain that even his range of computerized colors could not render the accuracy of the images which fed the disturbed spirit of the old man.  In any event, putting aside the chromatic contribution of his personal computer, Tony could only refer to the colors that were surrounding him .  .  .  and everything was plus or minus .  .  . gray.

Painfully taking his breath, Albert continued.

“Unfortunately, like a virus of which one does not know the origin, a logic of destruction of this Universe was already well started. Here, it began with a boat loaded with heavy oil and bearing the name The Big Whale.  Being a towed barge, the ship accidentally sank, roughly twenty years before becoming the center of attention, during one of those frequent storms which were common on the Islands in those days.  All kept silent on this accident until a valorous veterinary surgeon found some birds, soaked with oil and dying, along one of the beach shores of the Islands.  He then sent some of the oil samples he had found, on the birds he treated and attempted to save, to a specialized lab.  It didn’t take long to realize that the oil mixture which was killing the birds was the same type of oil that sank with The Big Whale’s barge, more than twenty years before, now lying at more than two hundred feet at the bottom of the sea, sixty miles west of the Islands.  As a reward from the people who owed him for that wake-up call, and probably many saved lives in the future, he received only contempt and indifference. People don’t seem to forgive those who become the messengers of bad news.  Just like during the Greek Empire times, they would have killed the messenger instead of dealing with the bad news if they could have been able to do such a terrible thing.  Fortunately for the veterinarian doctor, he was living in a more ‘civilized’ period of time.  Tired and disappointed, he left the Islands and never returned.”

“For reasons, which you will perhaps one day discover, the men of my generation had become very malicious.  Even in our small villages things were spoiled.  People no longer helped one another.  Drugs, alcohol and the bursting of family values made most people chose the path of ‘every man for himself.’ Nothing seemed to be justifiable any longer from a community point of view.  Each time a step was put forward for the well-being of all, it was systematically destroyed by a principle rather poorly described as profitability.  Thus, an uncertain number of decision makers who wanted to protect their own interests, and those of a rich multinational company, did all they could to hide the truth to the ordinary concerned citizens.  That company was the owner of the sunken ship The Big Whale and, during election time, although it was never proven, it was a well known fact that companies of this type were having a very strong lobbying action in the government, and were also great providers of electoral funds.  It is only by chance that a group of individuals, concerned by the potential danger of that oil spill, discovered that this old cast hull contained more than a thousand gallons of PCBs in the heating system of the ship.  PCB is a very stable substance and highly carcinogenic to every living cell.  For reasons unknown, the government workers who investigated the accident more than two decades before never even mentioned that in their report.  Although it was almost inconceivable, no one could find the reason why such an important matter had been missing in the final report of that maritime accident. With great reinforcements of publicity and marketing, the Coast Guard was mandated to raise the sunken ship and the company owner of the sunken vessel was to be prosecuted thereafter. So, under intense monitoring, and with the least expensive means of the times, they lifted the vessel from its underwater grave.  The operation was risky and doubtful, but was presented like a success without precedent. Some journalists, carefully chosen for their so-called ‘objectivity’, were allowed to attend the operation. Surrounded by specialists in shipwrecks and pollution of all types, even the most critical of those journalists could only report on what the officials allowed them to see and photograph. Unfortunately, they were not underwater when the pipes of the vessel’s heating system burst and the contaminated oil escaped towards the depths of the Gulf.  The PCBs, being heavier than the water, sank to the bottom of the sea without any noticeable effects on the surface of the ocean.  The authorities even pushed the joke as far as inviting the President of the Fishermen’s Association from a nearby island, in order to have what they called a ‘credible and concerned’ witness of the operation. Even if that witness did not have a thorough knowledge of the problem, the authorities managed to get him to say to the local and international press that the layer of oil which he had seen, at the time of the raising of the barge, was barely equivalent to the oil film floating on the water each time he drained the engine of his own fishing vessel.”

“So, thousands of gallons of PCBs were released back into the marine environment and polluted, over the years, the crab population bordering the underwater site where the hull of The Big Whale had rested for more than twenty years.  This zone was declared a ‘Prohibited Fishing Zone’ for a time encompassing a radius of ten miles.  Away from that Zone, crab fishermen continued to fish the specie, even after they discovered that the crab population on the site was sixty times more PCB polluted than the rest of the fishing biomass.  The proven fact that a crab can travel an average of sixty marine miles per year across the ocean floor did not hold great importance in the decision controlling the limit of the area closed for fishing.  There was too much money and too many jobs at stake.  Even the fishermen, who should have been more concerned, didn’t want to know what the scientists had found.  A public and international investigation into this sad but real story would have had a major effect on the price of their catches, even if they were not being fished at the place of this piece of underwater wreckage. History will never say how many Islanders died of cancer because of this shipwreck.  The burden of proof is impossible, but let’s say that this event was only the beginning of the masquerade.”

*(Next)…to be continued Friday April the 17th. Take care of everyone you love and… love each other. GG

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