mercredi 27 mars 2013

29 mars 2008 au Nord-Est du Cap Nord sur l’île du Cap-Breton.

Souvenons-nous

Naufrage de L’ACADIEN II 

Six chasseurs et pêcheurs faisaient partie de l’expédition au moment du naufrage. Le capitaine Bruno Bourque, Carl Aucoin, Gilles Leblanc et Marc-André Déraspe perdirent la vie alors que Bruno-Pierre Bourque, le fils du capitaine et son compagnon Claude Déraspe survécurent par miracle à cette tragédie, une tragédie qui aurait pu être évitée si les professionnels du sauvetage en mer n’avaient pas fait preuve d’un tel laxisme.                                                                                          

L'Acadien II

Credit photo: Georges Gaudet

Dans la mouvance émotionnelle de cette époque, j’ai rédigé le poème que voici. Je ne connais rien à la musique, mais si un artiste était intéressé à mettre des notes sur ce qui suit, il ne lui suffit que d’entrer en contact avec moi par l’adresse courrielle au bas de cette page.  Voici en presque totalité le texte publié dans le journal Le Radar au cours de la semaine qui suivit cette catastrophe maritime.

 

L’Acadien II et son équipage au panthéon de la tragédie acadienne

Le nom demeurera synonyme de tristesse, tout comme les noms de Nadine, Marie-Carole et autres noms de navires dont l’identité fut pourtant donnée par amour de ses enfants ou par amour de sa patrie.

Avec la disparition de Bruno Bourque son capitaine, les membres d’équipage Marc-André Déraspe, Carl Aucoin et Gilles Leblanc; c’est tout un placard d’histoire maritime acadienne qui vient de sombrer au fond des eaux du Golfe. Ce pan d’histoire emporte avec lui, le savoir des gens de mer, la passion d’un métier d’une grande noblesse et l’amour jamais assouvi d’une mer qui peut être si généreuse et si cruelle en même temps.

 

L’Acadien II

Ils sont partis pour la chasse aux loups-marins

Passionnées de mer, de glaces et d’aventures.

Le danger leur tient de compagnon quotidien,

Comme vent qui siffle dans une mâture.

Ils ont fait profession de foi en la mer,

Depuis longtemps, depuis peu, ils l’aiment,

Ils craignent aussi son goût de sel amer,

Qui si souvent , n’a donné que douleurs et peines.

Pourtant, le jour où ils sont partis

Pas d’adieux, simplement des au revoir,

L’anxiété du départ amortie

Ils filaient sur l’onde, comme éphémères sur un miroir.

C’était sans compter sur le gouvernail

Qui allait amorcer toute cette tragédie.

Bloqué à bâbord, il ouvrait un grand portail

Dans les glaces, vers la mort, triste mélodie.

Des gars comme des géants de leur profession

Si grands de savoir, si petits dans l’univers,

De la grande faucheuse, ils ne savent pas la confession

D’avoir leurs vies, comme un bien perçu, en fin d’hiver.

Parents, épouses et six enfants pleurent

Tout le pays acadien baisse les yeux

En peu de temps, ils ont perdu quatre des leurs

Jeunes, beaux et fiers, retournés vers leurs aïeux

Racines d’un peuple, cultivateurs génocidés

Par obligation devenus pêcheurs, bâtisseurs de nations

La mer fut le ferment d’une histoire recommencée

L’Acadien II et son équipage portaient bien son nom

Georges Gaudet

* Je connaissais bien Bruno Bourque. Il y a une vingtaine d’années de cela, j’avais eu le privilège d’être le photographe de son mariage. Plus tard, alors que j’étais douanier, je fus choisi pour piger dans un chapeau les noms de deux heureux gagnants d’une licence de pêcheurs de crabes. Le hasard a fait que j’ai pigé le sien sur plus d’une vingtaine d’appliquants. Chaque fois qu’il me rencontrait, il me demandait toujours à la blague si j’allais lui révéler comment j’avais caché son billet dans la manche de mon uniforme, ce qui bien sûr était absolument faux, impossible à réaliser et surtout à l’encontre de toute éthique professionnelle en plus d’être injuste pour tous les autres candidats. Bruno aimait blaguer et parler de pêche et de chasse. Toutefois son véritable métier, était la pêche. Déjà dans la vingtaine, il pêchait à la morue au large de Chéticamp avec son père. C’était le genre d’homme dont le sel de mer coule dans les veines. Connaître ce genre d’individus nous convainc profondément qu’il y a des gens nés pour un métier, une profession. Il connaissait les eaux du Golfe comme le creux de sa main et son jardin s’étendait des côtes de la Nouvelle-Écosse à la Basse-Côte-Nord en passant par Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et l’Île Saint-Jean. Des hommes comme Bruno sont comme des géants dans leur domaine. Jésus n’a-t-il pas choisi des pêcheurs parmi ses apôtres? Il a rempli leurs filets et a marché sur les eaux pour eux. Il y a quelque chose dans ce métier de pêcheur qui transcende sur autre chose qu’uniquement les valeurs matérielles. C’est peut-être pourquoi quand des géants comme Bruno et ses membres d’équipage, Marc-André, Carl et Gilles, pêcheurs aux racines profondément plantées en sol Acadien, sombrent dans les profondeurs du Golfe, ils en embrassent toute l’étendue et la vague vient se fracasser sur les côtes de Chéticamp à Caraquet, de Shippagan à Havre-St-Pierre, de Port-aux-Basques à L'Étang-du-Nord. Voilà une façon peu banale d’entrer dans l’histoire des Îles de la Madeleine, voilà une façon douloureuse d’entrer dans l’histoire de toute l’Acadie.

GG

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