mardi 19 mars 2013

La mer est une autre dimension du monde

Il y a des évènements qui marquent un changement radical au cours d’une vie. Pour les uns, il s’agit d’une banalité qui fait office de point de repère sur la route d’une existence. Pour d’autres, il s’agit d’un drame qui pourfend l’âme et parfois le corps tout en même temps. Nul n’est à l’abri de tels imprévus. Ils sont le lot de la vie et peuvent se révéler dès le début de la grande aventure. Ils sont alors comme des balises qui étalent les chapitres d’une destinée.
C’est au cours d’un atelier d’écriture que j’eus soudainement l’ambition de vous révéler, à vous lectrices et lecteurs, un fait marquant, une bouée qui marqua le début d’une route tracée à partir d’un havre que je croyais éternel. Un havre que j’ai cherché longtemps depuis et que, du fond de mon âme, j’ai retrouvé, même s’il n’est plus et ne sera plus jamais ce qu’il a été.
Sous le thème, « La mer est une autre dimension du monde », il me fallait intégrer non pas uniquement la phrase suivante : « Je retournerai là où je me suis reconnu » à un texte de mon cru, mais aussi d’y donner vie et crédibilité. Voici ce que cela a donné… (une autre histoire vraie)

* Je retournerai là où je me suis reconnu.

Croquis moi et doris

Mon croquis

Les « bottes à grand jambes » de mon père montées jusqu’à l’entre-jambes, les talons des bas de laine trempés dans l’eau froide du printemps, la main qui tirait le doris à contre-courant pour l’ancrer sur sa « picasse », j’entendis ma mère me crier : « Viens-t’en, le Père Cyr veut te voir » .

J’étais heureux, non pas de la visite du chapelain qui était venu évaluer ma volonté d’entrer au séminaire, mais bien au contraire, de cet air qui salait mes poumons, cette eau qui entrait lentement dans les plis de mes bottes, et ce doris qui me suivait comme un chien fidèle.

Le gazouillis de l’eau autour de mes cuissardes fut vite remplacé par les questions inquisitrices du curé. « Veux-tu devenir prêtre un jour ? » — ben oui que je répondis en prenant cet air assuré tel que ma mère me l’avait recommandé et répété depuis des semaines.

Trois mois plus tard, sous les draps blancs d’un dortoir de 60 lits, je pleurais chaque soir ce bonheur perdu au bout des rails d’un pays inconnu. C’était le début de l’aventure d’une vie, la grande aventure d’une petite vie, la petite vie d’une grande aventure, je n’en savais trop rien.

Des dizaines d’années plus tard, après le tour du monde qu’on m’avait imposé, après le tour du monde que je m’étais construit, je retournai là où je m’étais reconnu. Le doris n’y était plus, la picasse non plus, mais moi, j’y étais encore.

GG

Petit cadeau photographique… et non, le traversier n’était pas échoué dans les sapins en bas de notre terrain.

P3180018 

Photo de l’auteur

Bonne semaine à toutes et à tous.

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