vendredi 1 mars 2013

Il y a déjà 4 ans

* Précisément au moment où j’écris ces lignes, ma mère expirait dans mes bras. Je fus témoin de son dernier souffle et j’ai senti son âme partir vers une liberté que jamais les hommes ne pourront imaginer de leur vivant. C’était le premier mars 2009. Aujourd’hui, en son honneur, je publie sur ce site, la lettre que je lui ai lue lors de ses obsèques. Plus que jamais, elle demeure vivante dans nos coeurs, celui de Donald, mon frère et le mien tout autant.

Maman, merci pour la vie que tu nous as consacrée. Il n’est pas de plus bel héritage. Nous t’aimerons toujours.

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Vous m’avez si souvent entendu dire : « Ah! si j’pouvais donc écrire » — puis votre père me répondait : « et puis qu’est-ce que tu écrirais et surtout... à qui? » — la réponse est ici aujourd’hui. C’est à vous, mes deux enfants, mes deux raisons de vivre, mes deux grands garçons, pour qui je serais sauté dans le feu, pour qui j’ai donné coup d’aile et coup de griffes, comme seule une tigresse sait défendre ses petits, comme seule une femelle défend son nid.

chevaux 1Mon histoire débute vraiment avec le cheval de mon père. Un beau cheval noir que j’aimais atteler et faire courir bride au vent sur la route entre Cap-aux-Meules et Havre-aux-Maisons. Je n’avais que 15 ans, ma crinière noire ressemblait à celle de mon attelage et je dépassais tous les notables de la place et leurs belles montures, au grand plaisir de mon père qui m’appelait avec fierté et affectueusement « ma noire ». Puis un jour, ils arrivèrent en délégation chez nous accompagnés de l’homme le plus important du village. Il faut croire que j’avais porté ombrage à quelqu’un. Alors mon père, le regard triste et presque en s’excusant, chose qui ne se faisait pas à cette époque, me retira le cheval et plus jamais je ne le repris. C’est là qu’a commencé ma rébellion contre l’injustice, une allergie que je vous ai transmise à tous les deux sans vraiment m’en rendre compte.

Toi Georges, mon grand garçon qui me ressemble tellement. Cheveux noirs et yeux pers, ben disons pas mal gris maintenant, caractère insoumis et coeur d’or, merci d’avoir tenu ma main jusqu’à mon tout dernier souffle. Toi Donald, mon beau blond aux yeux bleus et qui ressemble tellement à ton père. Généreux comme pas un et facile à blesser, mais faut surtout pas que cela paraisse. Merci d’avoir fermé les yeux de ton père pour la dernière fois. Je sais maintenant la terrible épreuve que tu vis. L’oiseau que tu étais devenu s’est définitivement cassé une aile. N’oublie pas que même les vrais oiseaux se fracassent eux aussi, sur les obstacles créés par les hommes. Il va te falloir réapprendre à marcher maintenant et je sais que tu le feras avec tout le courage que je t’ai toujours connu. Nous en avions chacun un qu’on nous disait. En apparence, c’était vrai, mais quand vous transformiez la vieille maison du Havre en terrain de jeu ou en derby de démolition et que je vous disais que vous en valiez dix, c’était aussi ma manière de vous dire que je vous aimais... comme dix. Sachez que malgré les vicissitudes de la vie, ce fut la période la plus heureuse de mon existence.

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C’est la mort dans l’âme que j’ai assumé le mauvais rôle de vous pousser hors du nid. Votre père aurait bien aimé vous garder autour de lui, mais moi je ne voulais pas vous voir avec des « bottes de rubber» aux pieds, non pas parce que c’était déshonorant, bien au contraire. N’oubliez pas que j’avais marié un navigateur et un pêcheur, puis Dieu sait à quel point je l’ai aimé. Mais parce que le bateau et la pêche signifiaient pour moi le mot « misère », j’ai menti à des curés pour arriver à vous payer le collège, le petit séminaire. Quelque part, c’est le mensonge dont je suis la plus fière. Votre père vous a laissé en héritage la sérénité, le courage et une certaine sagesse, moi je vous laisse l’esprit d’aventure, la combativité et la résilience. Questionnez tout mes enfants. Soyez curieux de tout et ne vous laissez jamais convaincre par le beau parleur qui croit détenir toute la vérité ou la solution à tous les problèmes de l’humanité. Soyez vous-mêmes, c’est comme ça que je vous ai toujours aimés et vous aimerai toujours.

Je suis partie retrouver votre père, celui que j’ai aimé toute ma vie. Il était mon protecteur, mon soigneur, mon amoureux, mon ange gardien. Un peu « petounneux » parfois, mais avec un coeur tellement plein qu’il n’y a jamais eu de place pour autre chose que de vous aimer tous, et moi la première. Quand il est parti, je lui ai enlevé son chapelet et lui ai dit que j’irai lui redonner quand mon tour sera venu de passer la grande porte de lumière. C’est maintenant chose faite. Je suis en paix, libérée de toute souffrance et près de tous ceux que j’ai perdus sur le chemin de la vie. Mon père et ma mère, mes beaux parents et surtout mes frères et soeurs que je n’ai pas vu partir. Née la cinquième de quatorze incluant mes parents, je pars la douzième. Pardonnez-moi d’avoir hâte des revoirs.

Dieu transpire de tout dans la nature et dans tout ce que l’être humain fait de bon. Nous sommes à la fois ses instruments et l’oeuvre de sa création. C’est pour ça que je vous dis Adieu, car ce n’est pas un départ puisqu’on ne meurt pas dans la création du grand Maître. Vous savez à quel point j’aimais les animaux, surtout les chevaux et les oiseaux,

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les « p’tits zoézos » comme je disais. Quand vous en verrez à votre fenêtre ou près de vous, quand vous verrez des chevaux au hasard de votre chemin, ouvrez votre coeur et soyez assurés que je serai là. Ah, il pourrait bien y avoir un bateau quelque part aussi... parce que votre père ne sera certainement pas loin.

Je vous aime mes enfants

clip_image013 Obéline

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