dimanche 8 décembre 2013

Histoire d’une passion, Partie 1 (suite 3)

 

Attaches d’ailes et états d’âme

*Le 1er février 1992, j’ai comptabilisé plus de 137 heures de travail sur mon projet et j’ai l’impression de ne pas avoir avancé d’un pouce. Après avoir écouté tous les prophètes de malheur qui sont venus me visiter, je doute de tout, ce que je n’aurais jamais dû faire. Hélas! le mal était déjà fait. Alors, je me fabrique avec du vieux bois un longeron aussi mince que possible d’une longueur de 8 pieds. Je colle le tout « en sandwich » sur un bloc de styromousse de même volume que celui qui sera sur mon avion. Puis je le suspends entre deux chevalets et saute dessus à pieds joints d’une hauteur de 3 pieds. Il ne craque même pas. Résultat, je me foule la cheville et je dois dire que je n’ai jamais été si heureux d’avoir la cheville foulée.

Mais pour voler, ça prend des ailes.

… et je n’ai même pas encore réussi à faire fabriquer les attaches de ce qui n’existe pas encore. Heureusement, la membrure de queue de l’appareil est terminée et quand je suis au bord de tout lâcher, je regarde le travail et décide de continuer.

scan0057 

Question de garder la forme, où plutôt la passion du vol, je profite de toutes les occasions pour voler. Ici, à bord d’un hélicoptère en direction des loups-marins.

Hélico aa Hélico bb

Le pilote m’offre le plaisir de voler juste au dessus de ma maison et de mon atelier à Havre-aux-Maisons. Je me jure qu’un jour je ferai la même chose, mais à partir de mon propre avion. En attendant, je m’imprègne littéralement de ce merveilleux paysage.

… extraits de mon registre de construction.

Lundi, je me suis dit que je m’imposais trop de pression. Il est vrai que je me sens pressé par le temps. La future règlementation ministérielle de janvier 1993 risque de m’empêcher de voler si je ne réalise pas la totalité de mon projet avant la fin de cette année là. L’été sera vite venu et court, puis on ne fait pas la mise au point d’un tel projet en automne avec les grands vents des Îles. Toutefois, je réalise que je n’arriverai à rien si je m’épuise. Je relis donc mon cahier de construction. Premier conseil sur la première page : « Prenez autant de plaisir à construire votre avion que vous en aurez à le voler. » Il faut donc que je travaille autant sur moi-même que sur mes plans. Je sais avoir l’âme d’un créateur, mais je n’ai certainement pas la patience du bricoleur. Heureusement, je suis perfectionniste et les demi-mesures me répugnent. Le travail que je fais est bien fait, mais hélas, celui que je dois faire exécuter par ceux qui ont des outils spécialisés demeure pour le moins, médiocre. De plus, je ne peux pas me permettre l’achat de plus de 3000. $ d’outils pour un avion d’environ 8000.$ en tout. Souvent, je songe à tout abandonner et me financer à grands frais un avion tout neuf, mais je ne suis pas certain que la Caisse populaire accepterait, compte tenu de l’originalité d’un tel achat et surtout… de mes revenus et mon avoir en caisse. … fin de l’extrait du registre.

Les amis

Heureusement, ils sont là aussi et jamais je n’oublierai ces types. De loin, ils ont fait contrepoids aux autres visiteurs qui, sans mauvaises intentions, sont venus m’annoncer tous les malheurs de la terre. J’en étais arrivé à croire que notre nature « Bretonne » était véridique et que la seule peur que connaissaient les Madelinots, tout comme les Bretons dans « Astérix », était que le ciel leur tombe sur la tête. André St-Pierre, Paul Pontois, Newton Borden, Jacques Gagné, Raymond Landry et mon grand ami, Norbert Dufourneau furent de ceux qui ont été les piliers de mon courage. Sans eux, je n’y serais certes jamais arrivé.

St-P 1 a  

André Saint-Pierre et son Sky Pup propulsé par un petit moteur allemand de 23 hp, un Koenig. Il a peint son appareil les couleurs du drapeau du Québec et lors d’une démonstration aérienne à Trois-Rivières, il est allé se placer juste en avant d’un Tudor des Forces Aériennes Canadiennes.

De nombreux constructeurs de d’autres modèles tentent de m’encourager aussi. Ils m’envoient des photos de leur projet avec des petits mots d’encouragement. La communauté des constructeurs d’avion est bien petite et forme une belle fraternité.

F 2 

J’ai oublié le nom du constructeur, mais quel bel avion. Un Fisher 303. Si c’était à recommencer, c’est exactement l’appareil que je me construirais.

Newton 2 

Newton Borden, un Américain du Maine construit un appareil semblable au mien. Ici, il me fait parvenir des photos de l’évolution de la construction de son fuselage.

PP 2

Paul Pontois, mon mentor le plus assidu en est à sa deuxième construction. Il a vendu son Sky-Pup et ici, il construit un Hi-Max à partir de plans seulement. La quantité de bois nécessaire à la réalisation de ce projet est tout simplement phénoménale.

… encore des extraits du registre de construction.

Raymond Landry me rend visite. Il m’encourage à continuer. Merci Raymond, j’avais vraiment besoin de cela. Quand il quitte mon atelier, je suis redevenu convaincu que je peux construire cet avion, mais à condition que toutes les pièces qui demandent une très haute précision soient parfaitement exécutées par ceux qui ont les outils « essentiels » pour les réaliser. Bien sûr, il s’agit toujours de mes attaches d’ailes (métal et bois). Jusque maintenant, je commence vraiment à croire que nous ne parlons pas le même langage et que pour ces travailleurs qui se disent spécialistes, le mot « parfait » est synonyme de « à peu près ».

En après-midi, je rencontre Norbert Dufourneau. Lui aussi m’encourage à continuer. Avec lui, je ramasse toutes mes pièces médiocrement réalisées et nous nous rendons chez un de ses amis, un machiniste « Madelinot » supposément d’excellente renommée de la part des pêcheurs. Il s’appelle Jean Leblanc, il a mauvais caractère, il n’aime pas se faire bousculer, mais il m’assure qu’il pourra faire aisément le travail. Le jeudi soir, Norbert revient à mon atelier et ensemble, avec des limes en « queues de rats », nous retravaillons les parties boisées des fameuses attaches d’ailes. Lundi, j’apporte le tout au machiniste Jean Leblanc afin qu’il comprenne le pourquoi des mesures exigées et il s’en réjouit. Tout devrait être réalisé dans les 15 jours qui vont suivre. En admettant que ce soit exact, tout le reste ne dépend que de moi et… CTMA. Je croise les doigts et j’espère que cette fois-ci, j’ai trouvé le Madelinot qui sait exactement ce que veut dire « travail parfait ».

Extraits d’états d’âme (février 1992)

Pendant ces longues heures de collage, sablage et vernissage de petites pièces qui éventuellement seront essentielles dans l’assemblage final de tout ce casse-tête volant, mon imagination vagabonde au gré des nouvelles de l’heure et aussi de mon humeur. Il m’arrive alors de réfléchir profondément aux choses de la vie, à la mort, la condition masculine, l’amour, les femmes, la politique, l’amitié… etc. et bien sûr je n’ai rien résolu. Cependant, comme le confirmeraient certainement les humoristes « Ding et Dong », l’exercice était « songé ».

Conclusions de cette époque :

Les politiciens sont tous des manipulateurs, notre condition de « mâlitude » en a mangé une claque depuis les 20 dernières années, surtout depuis le crime odieux d’un certain Lépine. Certaines autorités féminines de la province en sont presque venues à dire que tous les hommes étaient des assassins en puissance, un concept que je n’arrive absolument pas à coller à ma nature. Je pense aussi que vivre dans la différence des autres, c’est automatiquement se condamner à la solitude (un dur prix à payer)… et si la mort était ce qui arrive de mieux à l’être humain??? Les femmes nous ont demandé de changer (nous les hommes), mais pour devenir qui ou quoi?. Dans mon atelier, chaque fois que ce sujet surgit « entre hommes », je perçois de la bonne volonté, mais une incompréhension totale quand ce n’est tout simplement pas un désarroi total. Alors comme font probablement tous les hommes de la Terre… on change de sujet.

… heureusement, Jeannine est là… différente des autres… Et puis « maudit » que j’ai hâte de voler.

À la semaine prochaine, car… l’aventure continue.

GG

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire