lundi 10 mars 2014

Histoire d’une passion Partie 2 (suite 1)

*J’ai souvenir d’un petit garçon de 5 ans qui voyait de l’enclos de chez son grand-père, un gros avion qui chaque jour atterrissait dans la dune, à moins d’un kilomètre de la maison. Il apprit plus tard que c’était un DC-3 de la « Maritime Central Airways », un de ces avions les plus populaires et les plus fiables qui furent construits depuis les tous débuts de l’aviation. Quand il tournait pour se placer face au vent, ses grandes ailes brillaient au soleil et puis il s’envolait.

Il y a quelques années, j’ai publié ce texte qui n’en demeure pas moins vrai aujourd’hui. En « revoici » tout le contenu.

Comment naît un rêve

Cette histoire vraie est la mienne. Rassurez-vous, il ne s’agit pas de l’histoire de ma vie, mais bien d’une toute petite tranche de celle-ci. Elle commence à travers les yeux d’un enfant de cinq ans qui ne va pas encore à l’école. Nous sommes en 1954. Pendant l’été, j’habite chez mes grands-parents, presque juste en face de la célèbre sculpture de l’artiste Armand Vaillancourt posée sur ce qu’était la cale sèche de l’Étang au fin fond du Havre-Aubert.

Devant la maison de mes grands-parents côté Sud, il y a un champ de foin, le jardin de ma grand-mère, l’étang puis la dune et son aéroport. Aujourd’hui on appelle ça la plage du Sandy Hook et ce qui servait de piste d’atterrissage sert maintenant de stationnement lors de la tenue de l’événement annuel « Les Châteaux de Sable ».

curieux 2

Il ne suffit que de faire le tour de l’étang à marée basse pour être aux premières loges lors de l’atterrissage quotidien du DC-3 de la Maritime Central Airways, avion de 23 passagers qui fait la navette entre Charlottetown, la Dune du Nord à Fatima et la piste du « Bout du bain » à Havre-Aubert. Chaque jour, je commence par entendre le bruit particulier des deux moteurs à cylindres en étoile qui ronronnent de plus en plus fort jusqu’à ce que le bruit diminuant, apparaisse le gros oiseau de métal, rasant les « butteraux » de sable, moteurs au ralenti, vol plané et qui touche ses gros pneus sur le gravier de la piste rudimentaire presque en face de la maison ou j’habite. Même le cheval de mon grand-père ne semble plus impressionné par le spectacle et continue de brouter l’herbe verte tout en avant de la maison. À croire que je suis le seul fasciné par ce spectacle, je brûle d’envie d’aller voir de plus près ce bel avion, mais je n’en ai pas le droit d’autant plus qu’on m’a dit que cela pourrait être dangereux.

Puis, le bel avion tourne sur lui-même, les moteurs ronronnent à nouveau et les rayons de soleil éblouissent le regard quand ils frappent la surface métallique des ailes, juste avant qu’il s’aligne dans l’axe de départ, droit vers l’Ouest. Alors, le bruit s’amplifie, passe du ronronnement au grondement pour carrément devenir infernal alors que l’avion commence à peine à rouler. Puis il accélère de plus en plus, sa silhouette semble trancher les dunes de sable et tout à coup, il quitte le sol, une roue entre sous l’aile, puis l’autre et le bruit diminue alors que le grand oiseau rapetisse de plus en plus pour ne devenir qu’un petit point à l’horizon.

C’est précisément, un de ces jours-là que j’ai décidé de voler en avion.

Un an plus tard

L’école était pour septembre. J’avais encore tout l’été devant moi pour approcher ce bel oiseau qu’était le DC-3 de la Maritime Central Airways qui se posait dans la dune du Havre-Aubert. Plus vieux d’une année, je pris le risque de traverser la rive de l’étang à marée basse et je me tapis dans le plus haut des butteraux, bien caché dans le foin de dunes (les ammophiles) et j’attendai pendant des minutes qui me parurent des heures la venue de l’avion. Finalement, je le vis qui venait droit du Nord et puis il passa à la verticale de la piste, tourna au- dessus de l’Île d’Entrée pour s’en venir droit sur moi. Du moins, c’est l’impression que j’ai eu même si je savais la piste à quelques centaines de verges de ma position.

 curieux

Mon cœur battait à tout rompre et il était trop tard pour fuir. L’avion approchait plus vite que je ne l’avais prévu et j’eus l’impression que la pointe de l’aile passa juste au dessus de ma tête alors qu’avec une grâce comparable à un goéland qui se pose sur un pont de bateau, il toucha les deux roues avant sur le gravier puis en un petit nuage de poussière, la queue de l’appareil se posa doucement sur le sol. J’étais maintenant à l’autre bout de la piste et comme pour laisser échapper la pression, je courais, sautais, les bras en l’air et dansais comme un indien content d’une bonne journée de chasse.

curieux 1

Une voiture approcha l’avion et une grande porte s’ouvrit. Quelques personnes en descendirent et s’engouffrèrent dans la voiture alors qu’un personnage transportait quelques sacs de toile dans le coffre d’une autre voiture que je n’avais pas vue arriver. Ensuite, une très jolie dame toute vêtue de bleu et avec un drôle de chapeau posé de biais sur la tête, un peu comme une banane, sortit de l’appareil. Deux hommes la suivirent. Tous les deux portaient une casquette bleu azur, l’un était en veston, l’autre en chemise blanche. Celui portant le veston avait des bandes bleu pâle et foncées sur ses manches. Sous le nez de l’avion, ils fumèrent tous une cigarette avant de remonter seuls dans l’avion. Je réalisai alors que je m’étais dangereusement approché de tout ce beau monde et je déguerpis à toutes jambes pour me cacher un peu plus loin dans les branches de pins qui poussaient non loin de là.

Lentement, un des moteurs se mit à tourner puis cracha une grosse fumée blanche avant de s’emballer en un bruit régulier et l’autre suivit aussitôt. Mon cœur battait encore la chamade à la mesure du bruit des pales d’hélices fendant l’air comme des lames de rasoir. Bien caché dans mon sous-bois, je vis le DC-3 prendre de la vitesse de plus en plus, la roue de queue décollant du sol puis ensuite la lente montée vers un ciel plein de nuages cotonneux comme on en voit souvent vers la mi-août.

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C’était le plus beau jour de ma vie. J’avais vu de près le plus bel oiseau du monde et j’avais aperçu les hommes et les femmes qui pilotaient ce superbe appareil. Pour moi, ce n’était pas des gens ordinaires. C’était des gens surdoués, des gens extraordinaires, des anges peut-être.

Et j’allais être de ceux-là… quand j’allais être grand… j’en avais la conviction la plus profonde.

Un peu d’histoire

DC-3 Henri Chevrier

Ici, le DC-3 que mon cousin Henri Chevrier opéra aux Îles de la Madeleine dans les années 80, alors que la navigation était fermée pendant les trois premiers mois de l’année. Lui comme mon frère et moi, presque du même âge, avons partagé cette même passion pour tout ce qui pouvait voler.

Peu de choses peuvent être dites du DC-3 qui n’a pas encore fait l’objet de commentaires. American Airlines fut la première compagnie à utiliser le DC-3 de façon commerciale le 25 juin 1936 et la première compagnie à faire un profit sur une ligne passagère uniquement. La ligne New York — Chicago venait de naître.

On utilise encore le DC-3 aujourd’hui pour des raisons utilitaires bien spécifiques. Ses faibles coûts d’opération et sa capacité opérationnelle sur terrains difficiles font que ce cheval de trait aérien possède toujours des qualités que les avions modernes n’ont pas. Encore aujourd’hui, jamais un accident de cet appareil ne fut attribuable à une faiblesse structurelle de cet avion. Un vieil adage dit que le seul avion capable de remplacer un DC-3... est un autre DC-3.

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DC-3

Le DC-3 aussi appelé le C-47 (version militaire) et ses caractéristiques.

Moteurs : Deux 895-kW (1200 HP) Pratt &Whitney R-1830-S1C3G

Performance:

Vitesse maximale de croisière: 207 mph (333 km/h)

Altitude maximale : 23,200 Feet (7 071 m)

Distance avec plein d’essence: 2,125 miles (3 419 km)

Poids à vide :16,865 lb (7 650 kg)

Poids maximal au décollage : 25,200 lb (11,430 kg)

Dimensions:

Envergure: (d’une pointe d’aile à l’autre): 95ft (29 m)

Longueur : 64pi 51⁄2po ( 19,6 m)

Hauteur : 16ft 111⁄2in (5,18 m)

Coûts (en 1935): $138,000

*La semaine prochaine, le rêve continue.

GG

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