dimanche 23 mars 2014

Histoire d’une passion Partie 2 (suite 3)

 

*Comment naît un rêve

De la suite dans les idées.

Dune du Nord d'un ATR 42

Gracieuseté de pilotes qui me comprenaient, voici une photo prise du cockpit d’un ATR 42 de Inter-canadian en décollage au dessus de la Dune du nord aux Îles de la Madeleine.

Évidemment, les années ont suivi et jamais le rêve ne s’est éteint. Après quelques années « olé olé » d’implications politiques estudiantines, j’étais devant un choix qui n’avait rien de dramatique dans mon cas. Toutefois, la balle courbe n’était pas encore passée sous l’élan de mon bâton et elle allait changer tout le cours de ma vie. Au seuil de la possibilité des études supérieures, je cherchais un accès assuré dans une école de pilotage. Les Forces armées canadiennes étant fortement contingentées, surtout pour les francophones, je me suis tourné vers les écoles privées, particulièrement le Moncton Flying Club.

atterrissage Moncton 1978

Atterrissage avec mon frère à l’aéroport de Moncton NB, un certain jour d’hiver 1978.

Les coûts d’un cours professionnel étaient hors d’atteinte pour mes parents à cette époque. J’avais 18 ans à peine et il en coûtait près de 9,000. $ pour l’obtention d’une licence commerciale alors que mon père n’avait comme tout revenu annuel, qu’une somme de 4,200. $ afin de combler tous les besoins de sa petite famille. J’ai alors eu la brillante idée de stopper l’école afin de m’inscrire au sein de la GRC (Gendarmerie royale canadienne) sur un entraînement de policier.

RCMP 1

L’idée était qu’avec un bon salaire et 5 années de respect de contrat, j’allais avoir amplement le temps de me payer le fameux cours de pilote dans une école privée tout en travaillant. Une fois le contrat respecté, il ne me serait resté qu’à quitter ce corps de police afin de travailler pour une compagnie aérienne. Je passai alors tous les tests préalables de la GRC et pendant 9 mois, je fus mis en attente d’un appel. C’est là que la balle courbe est venue. Travaillant comme waiter sur le North Gaspé pendant tout l’été, j’ai eu une alerte cardiaque en plein travail, alors que nous étions heureusement attachés au port de Pictou en Nouvelle-Écosse. Puisque j’étais déjà accepté au sein de la GRC et sur recommandation du médecin, je n’ai rien dit sur cet incident aux autorités policières et en mars de l’année suivante, j’entrais à l’école de police de Regina en Saskatchewan. Tout allait bien jusqu’à ce qu’un jour de congé, mon coeur se mit à battre au repos à plus de 175 pulsations/minutes. Après examen minutieux de la part des autorités de l’école policière en accord avec les médecins, on m’accorda un licenciement médical après un entraînement de 101 jours exactement sur les 206 prévus.

Medical discharge 

Inutile de dire que je ne leur ai jamais pardonné cette décision, surtout que j’étais un excellent élève. Ce licenciement médical allait briser ma vie, mais je n’en étais pas vraiment conscient à cette époque. De la tachycardie et un souffle cardiaque étaient une banalité pour moi et cela ne m’effrayait guère. Quelques années de vagabondage suivirent et à cela s’ajoutèrent un cours professionnel de barman et du travail dans tous les bars des Îles. Puis un jour, des recruteurs des Forces armées canadiennes passèrent une soirée au bar. Après quelques bières, ils m’invitèrent à passer quelques examens et sans révéler mon état médical qui semblait s’être amélioré avec les années (mon état était devenu chronique m’avait-on dit), je passai dans les filets médicaux des FAC et me retrouvai à l’entraînement des officiers à Chilliwack en Colombie Britanique. Malgré un malaise bien caché en mission d’éclaireur dans les Rocheuses, grâce à un ami qui n’a jamais rien révélé, j’ai terminé cet entraînement avec brio et me classai 6e sur 122 candidats pour me retrouver contrôleur de trafic aérien à la base de Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard.

Tour de contrôle Summerside IPE 

Tour de contrôle de l’aéroport de Summerside, IPE en 1973.

À peine cette formation terminée, j’ai postulé à un entraînement de pilote et c’est là encore que le tout s’est écroulé. Dans les faits, j’ai raté l’examen médical qui m’aurait envoyé à l’école de pilotage de Cold Lake en Alberta puis à celui complémentaire de Moosejaw en Saskatchewan. J’étais maintenant âgé de 24 ans, marié et je me retrouvais à la case départ. Entre temps, mon frère unique avait pris le même parcours que moi pour arriver à ses fins, mais en passant par la voie de la Sureté du Québec. N’étant pas affligé du même handicap que moi, il gradua de l’Institut de police de Nicolet  et débuta une carrière de policier tout en suivant des cours de pilotage privés dans un aéroclub de Québec. Inutile de dire que j’étais à ses côtés afin de partager ce même engouement. Jamais je n’oublierai son premier vol solo et c’est en sa compagnie, tout comme sous les marches d’escalier alors que nous n’avions pas encore l’âge d’aller à l’école, que j’ai satisfait en partie ma passion pour le vol aérien pendant quelques années.

pip-cherokee140 

Avion identique à celui sur lequel mon frère a fait son entraînement et premier vol en solo.

Le sort m’avait alors amené à Québec ou je fus waiter et capitaine de restaurant au Château Frontenac et puis éducateur dans un orphelinat en banlieue de cette même ville. Toutefois, fatigué de vagabonder de piètres emplois en piètres emplois, je décidai en commun accord avec mon épouse de retourner aux études à temps plein. C’est là que j’entrepris pendant 3 années complètes une formation en communications tout en travaillant à temps partiel dans les médias locaux du Saguenay, puisque j’étais étudiant au Collège de Jonquière. Le sort avait aussi voulu que mon frère, toujours policier, fut muté dans la même région. C’est alors là que nous avons partagé de nombreuses heures de location d’avion à l’aéroclub de St-Honoré et fait ensemble, les pires folies aériennes qui auraient pu nous coûter la vie, chaque fois que le budget le permettait. Le mont Valin, le « trou » laissé par de drame de St-Jean Vienney de même que les fjords du Saguenay, la statue du cap Trinité et le village de Ste-Rose-du-Nord n’avaient plus de secrets pour nous. Je n’avais pas ma licence de pilote, mais mon frère avait la sienne, une licence privée et puis je vous laisse deviner le reste.

low flight 

Photo d’une de nos folies prise par l’amie de mon frère alors que nous foncions directement sur sa maison pour l’impressionner et… oui, oui, c’est bien un fil électrique que nous avons remarqué tout juste à temps avant de lever le nez pour passer au-dessus. Ah les folies de jeunesse.

D’ailleurs, en 1978, nous allions entreprendre pendant la période de Noël, la plus hasardeuse équipée de notre vie à tous les deux et ce en compagnie de nos compagnes de vie d’alors. Toutefois, je ne vous raconterai pas cet épisode puisqu’il fera partie un jour d’un roman jeunesse complet que je souhaite publier un de ces quatre. Disons qu’en quelques jours bien venteux de décembre, en monomoteur, parfois en pleine tempête, nous avons fait un aller/retour entre le Saguenay et les Îles de la Madeleine, avec comme toute expérience pour mon frère, environ 250 heures de vol, pas de certification aux instruments et pour moi, de vieux souvenirs d’opérateur/radio en tant que contrôleur de trafic aérien militaire. Dans le langage aérien, cela s’appelle « jouer avec ses poignées de cercueil » et c’est à peu près ce que nous avons fait, mais nous avons aussi par cette aventure, compris que nous avions tous les deux, l’étoffe de nos héros d’enfance. Cela faisait contrepoids à notre jeune stupidité. Nos pauvres parents sont passés par toutes les émotions pendant cette période, mais impossible de nous arrêter.

Charlottetown UHE 

Au dessus de Charlottetown, direction les Îles de la Madeleine.

IM-UHE

Mon frère prenant soin de notre avion à l’aéroport des Îles en ce mois de décembre 1978. Pas chaud, pas chaud cette journée là.

La semaine prochaine, « Un trou dans les nuages. »

GG

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