dimanche 20 avril 2014

Histoire d’une passion Partie 2 (suite 7)

Dernier chapitre
* Me voici arrivé à la fin de cette histoire vécue. Si j’ai écrit toute cette saga, c’est bien pour que le souvenir demeure juste au cas où la mémoire s’appliquerait à oublier un jour. Je remercie donc tous ceux et celles qui m’ont suivi pendant tout ce parcours et je vous assure de mon plus grand respect et de mes plus sincères remerciements. Ainsi, afin de compléter en beauté ce texte, je termine par un saut dans le vide. Un saut qui fut effectué le 7 juin 1997. Mon plus grand souhait est que l’ensemble de ces textes qui finiront for probablement perdus pendant des siècles dans la poubelle numérique universelle, trouvent sur leur parcours fait de millions d’octets, un crack d’informatique qui pourra en décortiquer tout le langage.
diplômes 011
Un saut dans le vide
Nous sommes le 6 juin 1997. C’est un samedi et il fait un soleil à brûler le crâne sur l’ancienne base militaire de Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard. Dehors, les pieds sur le pavé brûlant de l’entrée d’un hangar, un instructeur parachutiste venu de Moncton au Nouveau-Brunswick s’évertue à nous faire répéter « ad nauseam » les manœuvres théoriques d’ouverture de notre parachute de secours… au cas où nous aurions à le faire le lendemain. Trente-quatre hommes et femmes, tous à notre premier cours d’initiation, mémorisons notre montée dans ce petit avion où nous sauterons trois parachutistes à la fois. Ensuite, c’est la pratique de la sortie de l’appareil. Dernière vérification des attaches du parachute par l’instructeur, pose du pied gauche sur le marchepied de sortie de l’avion, pose des deux mains sur le support d’aile, lâcher-prise des pieds dans le vide, regard vers l’instructeur toujours dans l’avion, attente de son signal de lâcher-prise, ouverture des mains et bras légèrement tendus, tête relevée vers l’arrière et décompte de 6 secondes jusqu’au choc d’ouverture du parachute, regard vers la voilure et démêlage des cordes si celles-ci se sont emmêlées. Si tout est beau, appréciation de la descente et si tout est bleu en haut de notre tête, voilà une journée qui a mal commencée. Il faut alors tirer sur la bretelle de droite pour se débarrasser du parachute non fonctionnel et tirer sur la bretelle de gauche pour ouvrir le parachute de secours, soit un petit parachute champignon, non dirigeable et qui descend là où le vent le pousse à une vitesse de descente de 20 km/h. Ensuite, prier pour que l’atterrissage se fasse en un endroit où il n’y a pas d’eau ni fils électriques ou autres obstacles pouvant sérieusement blesser le sauteur. Afin de réussir toutes ces manœuvres le cas échéant, le sauteur dispose de 23 secondes de chute libre avant de freiner celle-ci.
Au cours de la soirée, je répète encore les gestes de sauvetage afin qu’ils deviennent une seconde nature et puis je me couche dans le lit mis à ma disposition dans une ancienne chambre de cette base militaire. Inutile de dire que je ne ferme pas les yeux tout de suite. Pour moi, le lendemain sera le jour de vérité et pour une raison majeure. Comme relatée au début de toute cette histoire de passion, une condition médicale m’a empêché de devenir pilote professionnel. Le 6 décembre 1996, après une crise de pulsations cardiaques m’ayant amené à plus de 206 battements/minutes trois mois auparavant, une équipe de cardiologues de l’Institut de cardiologie de Montréal m’ont opéré afin de ralentir ce cœur qui n’en finissait plus de battre à tout rompre pour rien et ce, même après la prise de 6 médicaments par jour. Le mot « bêta bloquant » ne suffisait plus pour ralentir cette pompe sanguine. Donc, depuis ce jour heureux de décembre 1996, on m’avait déclaré guéri et depuis janvier 1997, j’étais totalement occupé à réussir ce cours de technicien en turbines d’avions, justement à cette école de la vieille base de Summerside IPE. Ainsi, le lendemain, 7 juin 1997 allait être pour moi le test ultime. Deux possibilités s’offraient à moi. J’allais réussir ce saut sans aucune difficulté médicale ou j’allais passer l’arme à gauche au cours de la journée. Ce genre d’heure de vérité comporte deux ingrédients opposés. D’une part, une peur bleue de mourir et d’autre part, une « shot » d’adrénaline apportant une drôle de griserie intérieure et puis, finalement, après nombre de scénarios passés en boucle dans mon cerveau, un sommeil profond troublé par la sonnerie du lendemain.
Le saut
Au déjeuner, c’est le tirage au sort. Je suis le numéro 23. Je sauterai donc dans l’après-midi. Il vente du 20 km/h au dessus du point d’atterrissage, ce qui est à la limite pour des novices. Dès le premier saut, un incident survient. Le parachute du sauteur s’emmêle et il doit utiliser son parachute de secours pour ne pas s’écraser au sol. C’est le premier incident du genre en 14 années d’existence de cette école et heureusement, le type atterrit sans encombre, sauf une bonne frousse, dans un champ de patates en périphérie de l’aéroport. Est-il utile de préciser ici que notre confiance en a pris un coup? Afin de dérider l’atmosphère, je crie : « Si les 22 avant moi doivent tous ouvrir leur parachute de secours, moi je ne saute pas, OK-là. » Certains rient, d’autres pas. Enfin, aucun autre incident ne survient et vers 14 h, je monte dans l’avion avec deux autres compagnons, soit un jeune homme et sa compagne. Je suis le deuxième à sauter. Une fois en position sous l’aile de l’avion, je fixe une maison juste en bas et par dérision, je me dis que c’est là, dans ce toit rouge, que je vais faire un gros trou avant de mourir. Et puis j’ouvre les mains et j’ai l’impression non pas de tomber, mais que l’avion s’éloigne de moi à une vitesse folle. Je crie mes secondes et à la quatrième, je vois mes deux pieds à la hauteur de mon menton alors que le choc d’arrêt de chute me surprend. Un grand carré noir me retient et je reprends tous mes sens. Je dégage les freins du parachute et réalise que je vole véritablement. Je suis dans la « fun zone » comme disent les Anglais. Virage à droite, virage à gauche, freinage, sifflement dans les cordes du parachute, émerveillement total, légère douleur dans les « enfants », ceci dû à un mauvais serrage des sangles, mais que diable, cette expérience demeure une des plus belles aventures de ma vie à un point tel que j’oublie que je descends toujours et qu’il faut penser maintenant à l’atterrissage. Je me place donc vent arrière par rapport à l’aire d’atterrissage tel qu’enseigné la veille, puis un virage sur le côté et descente vent de face en fixant le gros X sur le gazon. Les parachutes modernes volent réellement et j’approche le nez dans le vent et descends presque comme un hélicoptère compte tenu de ce vent de 20 km/h. Alors que j’arrive à hauteur d’homme, je tire sur les « toggles » (les sangles de freinage) et mes doigts de pied ratent le sol d’à peine quelques pouces, ce qui fait que j’atterris en douceur sur l’arrière-train. Un plieur de parachute court alors vers moi et « tue » ma voilure, ce qui me permet de me redresser, sourire fendu d’une oreille à l’autre, le cœur battant sainement et heureux comme si j’étais Ulysse venant de parcourir la Méditerranée.
Le 1er août 1984, j’avais réalisé mon premier vol en solitaire sur un avion ultraléger au dessus de St-Lambert de Lévis. Après deux années passées à construire mon propre avion, j’avais joué au pilote d’essai et le 19 août 1994 j’avais volé au dessus de Havre-aux-Maisons aux Îles de la Madeleine. Le 6 décembre 1996, j’étais passé par le bloc opératoire de l’institut de cardiologie de Montréal et enfin, le 7 juin 1997, je venais de sauter seul en parachute au dessus de l’ancienne base militaire de Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard. Enfin, j’avais gagné ma bataille envers et contre tous. Le dicton qui se résume à cette citation : « N’abandonne jamais tes rêves » venait de prendre tout son sens.
GG
Saint-Ex-Le-Petit-Prince lpp
Petite note.
*Je prends maintenant congé de ce blogue jusqu’au 19 mai prochain alors que des obligations professionnelles m’obligent à consacrer beaucoup de temps à un autre domaine, soit celui de payer les factures mensuelles. C’est avec plaisir que j’espère vous retrouver toutes et tous lors de cette reprise et je vous souhaite en attendant « bonne lecture », car il n’est pas interdit de lire les textes précédemment écrits sur ce véhicule numérique. Au retour, nous reparlerons de bateaux, de mots et peut-être aussi de pinceaux… pourquoi pas? « May God bless you all »









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