lundi 21 juillet 2014

Tout est question de perceptions

Par Georges Gaudet     georgesgaudet49@hotmail.com

Et si les bateaux pouvaient parler

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Que diraient-ils? Nous n’en savons rien, mais il est probable qu’ils en auraient bien long à dire, tant sur leurs congénères que sur les eaux sur lesquelles ils naviguent, sur les gens de la planète terre et aussi sur ceux qui naviguent sur leurs ponts et coursives.

Le soleil chauffe la peinture sur mes ponts métalliques et toute une population de croisiéristes vient de monter à mon bord. Ils sont soit souriants, soit inquiets, soit joyeux, soit anxieux, soit contents, soit mécontents. Pour résumer, ils sont humains. Chacun de ces voyageurs porte en lui l’histoire de sa vie, tant dans les traits de son visage, la mobilité de son corps que dans le langage de son comportement en groupe. Pendant que mon équipage s’active en mon ventre, que les mécaniciens huilent mes machines, que les femmes indiquent les chambres aux passagers, que mes cuisines dégagent les fumets de repas succulents, j’écoute par le travers de mes tôles ce que ces gens se disent. Les Îles aux veaux, Île aux vaches, Île aux bœufs, passent lentement sur mon flanc tribord alors que cela ne fait qu’environ 45 minutes que mes hélices me poussent en dehors du port de Montréal. Accoudé au bastingage de ma poupe, un homme raconte à un inconnu médusé, des bribes de pensées que la mer, la terre, les humains et les navires lui ont suggérées. Dans le coffret de ses souvenances, il dit avoir ramassé un bagage inouï de leçons de vie, de découvertes humaines et de pensées philosophiques et politiques qui lui rendent la vie non seulement tolérable, mais belle et détachée de ce quotidien terrestre pas toujours agréable.

Il raconte

Montréal est une belle ville. Pleine de trous, de travaux, inaccessibles la plupart du temps par ses ponts et rapides, elle se laisse découvrir pour qui prend le temps de la regarder vivre à son rythme. Son vieux port regorge d’histoire et si on a caché son existence pendant longtemps en essayant de tourner le regard des Montréalais vers la montagne, il est évident qu’aujourd’hui, l’on tente de tourner à nouveau le regard de ces millions d’insulaires vers ce fleuve méconnu, autoroute des découvertes et si essentiel à tout le cœur de l’Amérique. Comme une aorte humaine, il alimente toutes les activités commerciales et de loisirs à partir de la pointe de Gaspé et les rives de la Côte-Nord jusqu’aux Grands Lacs, et de par ces endroits, tout le middle ouest américain, passant par le lac Michigan, le Mississippi et sa sortie dans le Golfe du Mexique. Véritable autoroute uniquement connue de ses proches riverains, il demeure toujours la grande veine économique qui continue de faire ce qu’est notre pays et l’Amérique d’aujourd’hui. Le flot de ses affluents et les eaux en son centre sont partagés entre deux nations et les rives de chacun sont si importantes que les deux pays étoufferaient s’il fallait qu’ils meurent.

À plus petite échelle

Quatre moineaux communs atterrissent devant ma table alors que je rédige ce texte. Deux toutes petites mies de pain sont à mes pieds. Ils se méfient de ce grand pied tout proche de ce repas bien désiré. Un brave s’avance et puis un autre. Le premier partage tour à tour ce gros bout de pâte cuite avec ce qui semble son copain alors que l’autre à tout l’air de ne rien vouloir partager avec qui que ce soit, même qu’il semble prêt à défendre sa trouvaille au prix d’une bonne bagarre. Au fond que je me dis, les animaux sont comme nous. Certains peuvent être généreux, d’autres, bien «cupides». Quelques-uns appelleraient cela la loi de la nature, mais j’avoue ne pas en être certain et du coup, en ce lieu aussi étrange qu’un port de mer, je me demande quand tout ce qui vit sur terre fut plongé dans l’obligation de se battre pour sa survie ou pire, de tuer pour vivre.

Hugo M 1

L’innocence d’un enfant me ramène à l’essentiel. Un petit garçon n’en a que pour les fleurs. Il court vers elles, les touche, leur parle dans son langage unique, rit avec elles et les nomme par leur couleur. Son univers n’est que beautés et découvertes. Le danger n’existe pas encore et la peur n’est pas encore assimilée. Il est l’image du bonheur total, tout comme cet oiseau qui, discrètement, vient chercher sa petite mie dans ma main. Non loin de là, des cyclistes roulent dans un paysage magnifique. Certains ne sont pas pressés et semblent admirer toutes les beautés qui les entourent. D'autres ont vraiment l’air d’avoir peur. Engoncés dans un quelconque habit aux couleurs d’une compagnie, équipés comme des professionnels du Jura français, ils enfilent les sentiers à toute vitesse, brûlent les arrêts et feux rouges au mépris de la plus élémentaire prudence, dépassent sans avertir les cyclistes « normaux » et ne se gênent pas pour assaisonner commentaires désobligeants et prétentieux aux quelques personnes à mobilité restreinte qui tentent de partager leurs parcours. Excusez-les, ils sont pressés. Ils courent, pédalent, suent comme des damnés et semblent se diriger vers un destin dont leur vie en dépend. Ils sont pressés de mourir dirait-on et il est à se demander s’ils n’ont pas envie d’amener d’autres victimes avec eux.

Marché Bonsecours

Assis sur ce banc devant le marché Bonsecours, je me demande pourquoi certains humains n’arrivent pas à s’arrêter un moment, à regarder ce qui les entoure et à lire cette belle leçon que la nature nous donne : « Regarde et apprécie, car ce qui est aujourd’hui ne sera peut-être plus jamais là demain. »

Retour sur le bateau qui entend et parle

Des gens sérieux ou qui se croient sérieux parlent de politique alors qu’ils sont appuyés à mon bastingage. Mes parois en tôles les écoutent. Ils se disent inquiets de tout ce qui se passe en politique du Québec aujourd’hui. Beaucoup de gens sont malades ou portent de graves handicaps. C’est une évidence même que je peux constater quand tous mes passagers embarquent ou débarquent de mon bord. Alors, un de ces hommes dit à peu près ceci : « Se pourrait-il que le peuple ait voté pour trois médecins à la tête de cette province par peur inconsciente de la maladie? Nous savons tous que ça va mal aux ministères de la Santé et de l’Éducation. Nous ne sommes pas un pays en guerre et s’il est une chose dont les Québécois ont peur, c’est bien de la maladie. Alors, ils ont élu trois médecins aux plus hauts postes de l’appareil gouvernemental, croyant ainsi que ces “spécialistes” allaient régler le problème.

Et l’autre homme de répondre : « La peur inconsciente quand elle est habilement manipulée peut donner les résultats les plus surprenants. Nous voilà maintenant avec trois médecins à la tête d’une nation, trois hommes qui demandent à leurs citoyens de se serrer la ceinture et trois individus dont l’un a reçu 1,2 million de dollars pour avoir quitté son poste de président de l’Association des médecins spécialistes du Québec, un autre dont le travail de médecin et de politicien combiné aurait rapporté plus de 200,000. $ d’honoraires « questionnables » alors que le dernier aurait bénéficié pendant huit années passées de certains avantages en des paradis fiscaux.»

Les berges du fleuve pavanaient lentement le long de ma ligne de flottaison et en entendant ces deux hommes, je me demandais pourquoi les médecins faisaient de la politique plutôt que de soigner les malades. Après tout, ce sont les mécaniciens qui réparent mes moteurs, les peintres qui peignent ma coque, les garçons et filles de table qui servent les convives… et ainsi de suite. Le capitaine mène son équipage et moi je vais où il me dirige. J’imagine mal ce qui arriverait à mes vieux membres dans les cales s’il fallait que l’animateur des activités à bord ou un mécanicien dûment diplômé doive m’accoster au quai de Cap-aux-Meules.

Coursive

Un enfant court maintenant dans mes coursives. Il cherche des fleurs, mais n’en trouve pas. Je l’amène aux Îles de la Madeleine. Il en trouvera certainement là-bas. Il découvrira aussi des dollars de sable, des coquillages et surtout, le bonheur innocent de son âge. Serait-ce là la clef du bonheur de tous les êtres humains sur cette terre? – à vous d’y répondre.

Bonne semaine à toutes et à tous.

GG

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