mardi 24 mars 2015

Beautés d’un dur hiver

Par Georges Gaudet

georgesgaudet49@hotmail.com

sous la neige

* Pas facile pour les gens ayant un échéancier serré de travail ou de voyage. Pas facile pour ceux que la maladie oblige de voyager à l’intérieur d’un horaire incertain. Pas facile non plus pour ceux qui n’ont pas la santé de pelleter toute cette neige accumulée dans nos entrées de maisons. Pas facile pour les gars sur les pelles et les souffleuses. D’ailleurs je sympathise avec toutes ces personnes. Malgré tout, il faut trouver quelque chose de positif à cet hiver.Cette chronique ne s’adresse donc pas à ces gens qui peinent dans la neige, mais bien à ceux qui, sans raison valable, ne cessent de se plaindre de l’hiver rigoureux que nous connaissons. Il fut un temps lointain, il y a une cinquantaine d’années de cela, nos hivers devenaient un terrain de jeux pour les enfants. La route disparaissait sous un couvert blanc, les voitures demeuraient ensevelies jusqu’après « la tempête à St-Joseph » et les capitaines de chalutiers faisaient sauter les entrées des havres à coups de bâtons de dynamite afin de partir pour la chasse aux loups-marins. Nous n’avions pas de « i.machins » de toutes sortes et les seuls véhicules qui attiraient notre attention étaient les quelques autoneiges assurant la sécurité du transport de la poste, celui de la livraison d’huile à chauffage et bien sûr, les transports vers l’hôpital si nécessaire. Assez curieusement, nous ne nous plaignions de rien et avions un « fun bleu » quand exceptionnellement, une tempête fermait nos écoles de cantons et que nous pouvions aller jouer dehors, en plein blizzard, emmitouflés dans une quantité impressionnante de couches de lainage et le visage protégé par un foulard nous donnant l’air d’adhérer au port du niqab. Malheureusement, les médias d’aujourd’hui ont fait de l’hiver, un monstre à supporter plutôt qu’un épisode de vie à vivre avec pleine intensité. Bienvenue au Québec. Gilles Vigneau l’a dit:     « Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver.» 

 

Petit voyage au pays des glaces

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Le fond de l’air est plutôt frisquet, mais il va faire beau temps. La bonne nouvelle était arrivée la veille. Nous n’allions pas être forcés de passer par Sydney en Nouvelle-Écosse. Cette perspective avait fait son nid dans nos plans de voyage, mais sans jeu de mots, Souris nous souriait plus quand même.

Alors, c’est avec un certain enthousiasme que nous sommes montés à bord du traversier, direction Souris « pi- i- aye. » Nous n’avons pas été déçus. Voyager parmi les glaces du Saint-Laurent en plein hiver, dans cet océan d’une blancheur immaculée, parfois entrouvert d’une saignée d’eau plus bleue que bleue, a de quoi vous faire voyager dans le temps, même sur le plan spirituel. Plutôt que de gerber devant les difficultés engendrées par cette mer d’une blancheur dont les yeux ne peuvent supporter l’éclat, il y a lieu de vivre cette expérience comme quelque chose d’unique que somme toute, peu de gens ont l’occasion de vivre. D’ailleurs, tout au long des 9 heures qu’aura duré le voyage, tout le personnel de bord n’a eu que de bons mots à propos de leur expérience hivernale à bord du traversier, que ce fut lors des voyages vers la Nouvelle-Écosse ou ceux de l’Île-du-Prince-Édouard. Je souligne ici que cette chronique n’a rien d’un publireportage, mais bien du récit d’une expérience vécue avec une belle découverte, soit le plaisir d’habiter un navire qui fend péniblement son chemin à travers une mer gelée bien récalcitrante. Le bruit du frottement de la glace sur la coque pourrait avoir de quoi effrayer les non-initiés, mais combien il peut être révélateur de la force de la nature, de sa beauté et du respect qu’on doit lui porter. Devant une telle splendeur, mieux vaut plier comme le roseau, en accepter les conséquences et décider de ne point imposer notre nature humaine toujours pressée à cette nature capable de décider par elle-même ce qu’elle veut bien nous laisser vivre. Comme l’homme subjugué par la beauté, le danger et la puissance du désert, celui de glace a de quoi faire vivre une expérience de plénitude et d’abandon pour qui au lieu de résister, décide d’embrasser ce voyage comme un apprentissage vers la patience, la modestie et même, un chemin vers la contemplation.

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Comme la charrue labourant un champ de printemps, le navire taille son chemin dans cet univers blanc où pour seule ombre, rampe la silhouette du bateau et sa cheminée sur le tapis blanc de cette mer infinie. Puis, arrive l’ouverture, tout comme le bois se fendille et du plus profond de l’abîme, jaillit un sang bleu comme aucun n’existe ailleurs en ce monde. Le mur se bâtit droit devant et il stoppe le navire qui se rebute, recule, avance, vire à bâbord puis à tribord, ouvre un autre chenal, zigzague et finalement, continue d’avancer comme un homme saoul, titubant vers une porte symbolique et peu certaine.

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Coup de chance ou expérience de son capitaine, la grande eau apparait droite devant et une moustache blanche apparaît tout autour de la proue alors que le bleu, le vert, le turquoise et le blanc se marient sous la puissance des hélices juste derrière la poupe. Ils tracent un sillage d’une pureté dont devraient être témoins tous les hommes de cette terre. Peut-être seraient-ils ainsi plus respectueux du trésor sur lequel ils ont le privilège de vivre. L’eau vive s’offre généreusement tout à l’avant et jusqu’à quelques encablures de l’entrée du port de Souris. Un peu comme pour nous dire que rien n’est jamais gagné à l’avance et que nous ne sommes pas les maîtres, l’entrée du port est fermée en blanc comme robe de mariée. Alors, il faut négocier l’approche, les virages, les coups de bélier, le pivotement, les reculs et puis finalement, l’accostage.

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Nous sommes heureux d’arriver et en même temps, reconnaissants d’avoir vécu une si belle aventure. Une aventure que bien des gens qu’on appelle touristes, seraient bien trop heureux de vivre. Il fallait d’ailleurs entendre ce couple de Français décliner leur admiration devant nos Îles en hiver. Auparavant, ils étaient venus en été et avaient trouvé notre archipel d’une remarquable beauté, mais ils ajoutaient à qui voulait bien les entendre, que nos Îles étaient encore plus belles pendant l’hiver. Voilà qui pouvait consoler de toutes ces heures de pelletage des dix ou douze dernières semaines. N’eût été de cette dame qui, criant plus fort que tout le monde, fit une enquête de crédit sur des clients potentiels par le biais de son cellulaire, l’ambiance eût été parfaite. Hélas, que voulez-vous! Malgré la pureté de l’univers de glace sur lequel nous naviguions, il a fallu voyager parmi les écueils d’une modernité dont bien des passagers se seraient sans aucun doute passés.

Ainsi s’ouvrit plus tard la porte d’acier donnant accès à un univers ocre, blanc et gris sale. Après avoir rempli nos réservoirs d’essence à 1,07 $ le litre (tant pis pour les 1,25 $ des Îles), les 36 heures à venir allaient nous replonger dans l’univers de glace noire, de vents, de neige et de pluie de la Trans-Canadienne. Que voulez-vous, ce sont des conditions météorologiques avec lesquelles nous devons composer en ce temps-ci de l’année et rien ne sert de résister ou de gueuler, car dame nature a son rythme. D’ailleurs, nous devrions tous nous en souvenir d’une année à l’autre, mais notre cerveau, particulièrement depuis quelques années, semble souffrir d’une amnésie volontaire. Avec l’aide des médias, soi-disant spécialisés dans les prévisions météorologiques, on a réussi à nous présenter l’hiver comme un monstre à abattre ou a fuir vers la chaleur, alors qu’il serait probablement plus simple et sage de vivre en harmonie avec. Pour qui sait entrevoir les beautés de cette saison et les loisirs parfois simples qu’on peut y pratiquer, ce temps de l’année qu’on nous montre comme monstrueux, sait nous montrer bien des trésors qu’on ignore. D’ailleurs, les enfants, pour peu qu’on les laisse se rougir les joues dans le froid piquant d’un blizzard, savent très bien nous faire découvrir toute la beauté de cette saison dite « froide. » Comme l’a dit un passionné des sports d’hiver l’autre jour : « Il n’y a pas de grands froids, il n’y a que des gens mal habillés. »

De l’eau dans l’gaz

Certains auront sans doute remarqué que j’ai « tinké »(fait le plein) à l’Île-du-Prince-Édouard plutôt qu’aux Îles alors que la campagne « achetez chez nous ça vaut le coup » battait son plein. Triste, mais je n’en ai pas honte et non-pas parce que je ne suis pas conscient de la valeur du message qu’on véhicule aux Îles. Cependant, je refuse l’hypocrisie et je déteste qu’on me prenne pour une valise. Parce que nous sommes enclavés ou que nous vivons au Québec, on nous vendait le même jour, l’essence aux Îles à 0,18 ¢ le litre – soit ( 0,82 ¢ ) le gallon canadien plus cher que sur une autre Île qu’on appelait autrefois l’Île St-Jean. (L’Île-du-Prince-Édouard). Comme personne ne semble chialer aux Îles sur ce phénomène plutôt particulier et que tout le monde semble ne point souffrir de cette façon jamais justifiée de nous faire « enfirouaper », alors je m’assume. J’avais la chance de faire le plein ailleurs à bien moins cher que chez nous et je defie quiconque prétendrait avoir fait autrement à moins de jeter son argent par les fenêtres. Je devrais plutôt dire, « par le tuyau d’échappement de sa voiture. » « Bonyenne de bonyenne, qu’est-ce que ça va nous prendre pour nous réveiller un tout petit peu? » Sur ce, à la semaine prochaine.

GG

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