mardi 14 avril 2015

Usurpation d’identité sur les «carrés rouges» de 2012

 

Par Georges Gaudet

georgesgaudet49@hotmail.com

Les fidèles de ce blogue verront bien dans la colonne de droite intitulée « Mon credo » que je fus un sympathisant des carrés rouges de 2012. Les étudiants et plus tard une grande partie de la population descendirent dans la rue pour une cause majeure : la gratuité scolaire et la non-augmentation des frais de scolarité. Je demeure persuadé que le gouvernement de l’époque à agi avec brutalité, bafouant toute liberté d’expression populaire et votant à la va-vite quelques lois qui avaient plutôt pour but de casser les étudiants et surtout masquer ce qui se passait en sourdine, c'est-à-dire ce que la fameuse commission Charbonneau nous a en partie révélé.

Identité

La donne n’est plus la même aujourd’hui. Oui, le peuple est écoeuré, mais il a élu ce gouvernement et ce n’est pas à quelques étudiants en mal de tout casser de se servir de leur lieu d’étude pour faire valoir leur frustration. Il y a sous ce mouvement quelque chose de plus sournois et de plus pernicieux. La violence n’a jamais rien donné ni rien résolu. Toutefois, je suis convaincu que la violence d’aujourd’hui n’est que le résultat malheureux de la conduite déplorable du gouvernement de 2012 et du mépris de celui de 2014. Cependant, c’est aux électeurs de faire valoir leur déception et non pas quelques casseurs masqués qui sont bien heureux de tout détruire dans une université. Pire encore, ils détruisent très bien la réputation nationale de leur lieu d’apprentissage. De quoi se demander qui ils sont et pour qui ils travaillent.

…Extrait d’une chronique à paraître dans un journal local.

À propos des grèves étudiantes

Depuis quelques semaines, un noyau d’étudiants de l’UQAM et du Cegep du Vieux-Montréal fait la une des médias. Saccage des locaux, invasion des classes par des personnages masqués, non-respect de la démocratie estudiantine, enfin, c’est le bordel. Ce n’est pas d’hier que certaines grandes révolutions ont commencé dans le milieu universitaire. Certains de ces conflits furent bénéfiques, d’autres furent des catastrophes. Les exemples ne manquent pas. Il suffit de se rappeler la révolte des étudiants Chinois à Place Tian’anmen en 1989, la révolte des universitaires à Téhéran en 2009, le printemps arabe en Tunisie en 2010 et bien d’autres. Pour la plupart, ces mouvements de masse ayant eu pour origine les universités de ces villes ou pays finirent par se généraliser au sein de l’ensemble de la population. Tous ces mouvements furent le résultat d’une écoeurite aigüe d’une majorité de citoyens envers leurs dirigeants. Malheureusement, ces dirigeants étant détenteurs de moyens puissants de répression, ces mouvements ont fini par mourir de leur belle mort, écrasés par la puissance des armes à la disposition de leurs despotes.

Revenons au Québec

En sommes-nous rendus là au Québec? – la réponse est non, du moins pour l’instant. Les étudiants qui pour la plupart souhaitent défendre une juste cause sont manipulés par deux puissantes instances qui travaillent en sourdine. D'une part, les grands syndicats savent très bien mousser l’esprit de révolte chez certains jeunes passionnés et d’autre part, l’establishment politico/économique de nos gouvernements sait lui aussi très bien exploiter la fibre dominante chez les autres étudiants plus pacifiques. Vouloir réussir une carrière après les études est plus que légitime pour un étudiant. C’est là le but d’une formation adéquate. Être aveugle à tout se qui se passe de tordu dans notre société et de là aller jusqu’à en approuver l’existence pour y trouver sa place au soleil est tout autre chose. Présentement, il semble y avoir un véritable foutoir dans les motifs de la révolte actuelle. Est-ce là le but des tireurs de ficelles qui agissent dans les deux camps? – la question mérite d’être posée et la réponse difficile. Dans ce cas, il risque de n’avoir qu’une catégorie de perdants et ce sera les étudiants. Le risque sera alors grand d’avoir contribué à fabriquer de toutes pièces de futurs soldats professionnels de la révolte avec toutes les conséquences désastreuses qui en découlent. L’exemple des jeunes d’origine québécoise ou canadienne qui s’engagent passionnément dans la cause de l’État islamique n’est que le reflet d’une telle situation. Bien sûr, il y en aura toujours pour dire qu’il ne s’agit que d’une petite minorité de frustrés, mais les chiffres commencent à faire mentir cette affirmation. Quand l’idéal meurt alors qu’on a à peine 20 ans, quand le rêve meurt alors que le diplôme en poche ne vaut plus rien, quand les meilleurs postes sont réservés à une élite indépendante de la compétence, mais héritière d’une bonne famille, alors tout devient possible pour le jeune déçu. La recherche d’un nouvel idéal devient impérative et le choix qui se présente n’est malheureusement pas toujours le bon.

Printemps érable 2012

En 2012, j’ai porté le carré rouge avec fierté et je n’en ai aucun regret. Deux raisons animaient ce choix. 1.— La conviction que l’accès gratuit à des études supérieures pour des jeunes qui en ont la capacité intellectuelle et la volonté d’y arriver pouvait être une garantie d’enrichissement de la société. 2.— Un profond désaccord envers le gouvernement Charest qui plutôt que d’établir un dialogue avec les étudiants, a choisi la répression sauvage par le biais de lois anti-manifestations qui ont jeté de l’huile sur le feu, fait voler en éclat un minimum de liberté démocratique et fait passer les contestataires pour une bande d’enfants gâtés. C’était la tactique du père qui frappe sur ses enfants, sur leur avenir et qui tout en frappant, leur interdit de pleurer. Les résultats ne se firent pas attendre. Les rues de Montréal et Québec se remplirent de marcheurs de toutes catégories, de tous les milieux, hommes femmes, enfants, étudiants, travailleurs et malheureusement, quelques casseurs bien placés dans la foule. Ces casseurs venaient d’où?- mystère et boule de gomme, mais j’avancerais l’hypothèse qu’ils étaient commandités de parts et d’autres par les deux camps opposés, soit le patronat et les syndicats. Rien comme un bon chiard pour foutre le feu à la cabane et accuser tout le monde pour ensuite prendre toute la place au nom de l’ordre et d’une démocratie fort malmenée.

Aujourd’hui

Porterais-je le carré rouge aujourd’hui? – la réponse est non tout court. Cette fois-ci, les raisons de la révolte ne sont pas claires et quand vous voyez des étudiants manifester en cassant tout sur leur passage tout en ne sachant pas pourquoi ils manifestent, là je débarque. En second lieu, les votes à main levée me font horreur dans une société qui se dit démocratique. Pour avoir déjà été étudiant et mêlé à ce genre de conflit il y a bien longtemps de cela, j’en connais les tactiques. Identification des pour et des contre pour mieux cibler une certaine imposition des visions d’un exécutif, quitte à créer de l’intimidation ou dans un moindre cas, un rejet ou une fatigue de l’assistance. En agissant ainsi, les conseils étudiants se tirent dans le pied alors qu’un vote bien mené et définitif donnerait toute la légitimité de leurs choix, quels qu’ils soient. Ceci étant dit, il est clair que deux visons s’opposent. D’une part, celle restreinte au milieu scolaire, à l’acquisition de connaissances et la réussite académique. D’autre part, une conscientisation beaucoup plus globale de ce qui se passe dans notre société et une réaction face à ce que le futur promet si les choses continuent dans le sens où elles se dirigent aujourd’hui. Avant de descendre dans la rue, il faudrait peut-être quand même songer à démêler cet enchevêtrement de sujets et d’objectifs.

Depuis 2012

Depuis 2012, le Québec a connu deux nouveaux gouvernements, une tentative d’assassinat politique qu’on tente par tous les moyens de faire passer pour un fait banal et une période d’austérité imposée de toutes pièces sans jamais avoir été annoncée. Même que le mot « austérité » qui selon le Petit Larousse veut dire : « mortification physique et morale » ne trouve pas sa véritable définition auprès de l’ensemble du peuple, sinon que ce dernier dit constamment par le biais des médias… qu’il souffre. Et comme si ce n’était pas assez, on lui annonce qu’il n’a pas fini de souffrir et que c’est loin d’être terminé. Ajoutons à cela une pénible commission d’enquête publique qui a révélé le vol de milliards de dollars à l’ensemble de la société québécoise sans que les vrais responsables soient au moins punis autant que le petit revendeur de pot sur un coin de rue, et vous avez de quoi faire sauter le clapet d’une population bien tranquille. Quant à cette éventualité, il est peu probable qu’elle arrive à moins d’évènements majeurs qui ne font pas partie de l’échiquier politique d’aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que le peuple a élu un gouvernement minoritaire avec les bras liés pendant 18 mois pour ensuite, réélire un gouvernement majoritaire ayant eu comme motus Vivendi la peur d’un référendum et non l’imposition d’une période d’austérité étalée sur quatre années, peut-être plus. Qu’on soit d’accord ou non avec ce gouvernement, il faut reconnaître que c’est la majorité de la population qui l’a élu et s’il est une chose qui m’horripile quand j’entends des gens se lamenter de notre situation politique et économique, l’envie me démange de leur demander pour qui ils ont voté?

Des craintes

Chaque printemps, je voyage un peu dans certaines parties du Québec. D’année en année, j’observe des changements au sein de la population. Il ne suffit que de conduire sur une distance de 1500 km ou de s’assoir dans un restaurant populaire pendant un peu plus d’une heure pour constater à quel point l’humeur d’un peuple change. Autrefois passablement poli et tranquille sauf en de rares exceptions, l’empressement, l’impolitesse, le manque de savoir-vivre, le langage vulgaire, l’irrespect des moindres règles routières et les gestes peu recommandables envers ses semblables sont devenus monnaie courante. Chacun est dans sa bulle et la protège de je ne sais quoi, mais tout ça n’augure rien de bon pour l’avenir. Ce qui était l’exception autrefois est maintenant devenu la règle et il faut rouler sur les routes du Québec en certaines occasions pour se rendre compte à quel point notre peuple est devenu plus que stressé. Il semble s’en aller directement vers la folie et cela m’attriste autant que la peur d’avoir raison dans l’ensemble de ces observations.

Malgré tout, il y a parfois des miracles de bonté et de compassion, même s’ils sont de plus en plus rares. C’est probablement ce qui les rend d’autant plus beaux, riches et pleins d’espoir.

Bonne semaine à toutes et à tous. GG

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