lundi 25 mai 2015

La dictature des fabricants de peur.

Par Georges Gaudet

georgesgaudet49@hotmail.com

 

La peur qui paye

Peur 1

Pendant longtemps, il n’y a eu que quatre saisons, du moins dans notre hémisphère nord. Le printemps, l’été, l’automne et l’hiver, chacune de ces saisons avec leur lot de particularités, de petites misères et aussi de grands bonheurs.

Ce matin, alors que j’écoutais les nouvelles matinales tout en sirotant un café, j’eus la désagréable impression qu’on essayait de me convaincre que le bonheur simple et tranquille par une belle journée de printemps était impossible. Non seulement content de me « garrocher » images par-dessus images publicitaires de tous les produits disponibles en pharmacie contre toutes les allergies, les deux animateurs s’en sont donné à cœur joie de « radoter » at nauseam aeternam qu’il fallait être bien prudent puisque cette année, la saison des allergies était bien plus virulente que par les années passées à cause du printemps tardif que nous avons connu. Loin de moi l’idée de ne pas sympathiser avec les personnes souffrant de graves allergies, mais nos médias en sont rendus à créer cette psychose collective où, malheureusement, ceux et celles qui ne seront pas victimes d’allergies seront considérés comme des gens anormaux. Alors, ils sont où ces belles journées printanières où la nature renaît et s’éveille à la vie, où les arbres fleurissent? Ils sont où ces paysages magnifiques avec un ciel rempli d’outardes, ces chants d’oiseaux en amour comme jamais et ces nids qui petit à petit se laissent découvrir au fur et à mesure de leur savante construction?

La peur à vendre

La peur 2

…source inconnue

La peur est à vendre parce que ça paye. Aujourd’hui, c’est la saison des allergies, demain ce sera la saison du soleil. Alors, attention au soleil, ce grand créateur de cancers de peau. Ne vous en faites pas, les créateurs de crème solaire vont vous le rappeler avec grande insistance le moment venu. Et puis n’oubliez surtout pas l’eau et la noyade possible. Gilet de sauvetage obligatoire partout, presque à croire qu’il faille le porter dans son bain alors que les accidents de la route, surtout en motos seront à la une de tous les journaux. Ah oui, et si par malheur un petit avion de deux à quatre passagers s’écrase dans un champ, les médias matinaux vont en parler au moins pendant trois jours, le tout animé par des commentateurs qui n’y connaissent que dalle en matière d’aviation et qui diront à peu près n’importe quoi pour faire peur à qui veut bien entendre. La parade des « madames » qui ont peur que le ciel leur tombe sur la tête parce qu’elles demeurent non loin d’un aéroport va faire trembler toute la province à ne point en douter. Encore là, on aura oublié qu’un peu de soleil fait du bien, car en ce pays où la vitamine D se fait parfois rare, elle est nécessaire à tous les humains. On aura oublié ces belles journées sur la plage, ces barbecues sur le patio avec des tas d’amis, ces voyages vers les plages de la Gaspésie ou des Îles de la Madeleine, ces longues soirées tranquilles sur le balcon avec en sourdine, les lointains bruits d’une ville fatiguée de sa lourde chaleur. Mais ne vous en faites pas, la saison de la chasse va bientôt arriver et ce sera aussi la saison des cueillettes. Alors là, attention aux échelles mal appuyées, aux allergies alimentaires. Les fraises peuvent être catastrophiques, les piqûres de moustiques, la maladie de lime, les ratons laveurs ayant la rage, les chiens errants, les animaux abandonnés pendant l’été et surtout, le nouveau vaccin contre cette nouvelle souche de grippe qui arrivera bientôt. Tout cela en plus des élections fédérales à la mi-octobre, et voilà un dangereux cocktail pour « dépressionner » avant l’hiver. Encore, là, personne n’aura vécu le plaisir de marcher en pleine forêt d’automne et photographier pour que la mémoire se souvienne, ces belles couleurs dont nous fait cadeau la nature généreuse. Parée pour le grand sommeil, elle se pare de sa plus belle courtepointe avant de s’emmitoufler sous le blanc manteau hivernal. Voilà alors qu’arrive la saison des rhumes et de la grippe, toujours selon les nouvelles à la télévision. L’hiver sera long, froid, humide et avec beaucoup de neige. Entre temps, ce sera la saison des insomnies et de l’augmentation des cancers. Une personne sur deux sera diagnostiquée à ce qui paraît et puis n’oubliez surtout pas la blancheur de vos dents, vos dents sensibles et puis les recommandations de tous ces dentistes patentés qui en remettent encore plus épais sur le phénomène. Ensuite, avec les pneus d’hiver viendront le nombre catastrophique d’accidents, de carambolages et de froissement de tôles sur les routes glacées de la province, le tout s’accompagnant de toutes ces assurances qui pardonnent une fois, deux fois et même trois fois, enfin peut-être. Si vous faites du ski, attention. Il vous faut maintenant un casque protecteur. Michael Shumaker s’est cassé la gueule en ski, alors, il faut que tout le monde se protège. Quant aux autoneiges, skidoos et autres machines du genre, il vous faudra vous protéger bord à bord d’assurances, de permis de sentiers, de vêtements mode obligatoires, de casques protecteurs chauffés à 700. $/pièce, de mitaines et bottes chauffées et de weekends à d’incontournables hôtels spécialisés en relaxation sur sentiers enneigés.

Alors, qui aura eu le temps d’apprécier l’hiver en marchant dans la poudreuse avec raquettes et ou en skis de randonnée? Qui aura eu le temps, du haut d’une montagne de ski, d’admirer ce fabuleux paysage s’étendant jusqu’au fleuve ou jusqu’à une infinie ligne d’horizon? Qui aura eu le temps de méditer sur les beautés et les richesses de la nature, assis devant un trou dans la glace en attendant que le poisson veuille bien mordre à l’hameçon? Qui aura eu le temps de construire avec ses enfants un igloo, un bonhomme de neige, une patinoire extérieure sur le gazon dormant? Qui aura eu le temps de lire un bon livre, les pieds chauffés par la chaleur radiante d’un feu de foyer, les épaules recouvertes d’une « doudou » bien confortable? À force de peur et d’obligations vendues à grand renfort de publicité, nous aurons raté l’essentiel.

La vérité et la peur

la peur

Les brocolis sont des extra-terrestres, à moins que ce soit le contraire. Les extra-terrestres sont des brocolis…?

Il faut en convenir, nous avons tous peur de mourir et c’est normal. Ce qui est encore plus plate, c’est que nous allons tous y passer un jour, qu’on le veuille ou non. Autrefois, une majorité de gens mouraient de maladies cardiaques et le cancer arrivait en deuxième position. Aujourd’hui, alors que les médicaments pour le cœur ont grandement amélioré la qualité de vie des gens atteints, c’est le cancer qui vient de passer en première position à ce palmarès. Malgré tout, nous vivons plus longtemps que les générations précédentes, mais à quel prix en matière de qualité de vie? La peur vendue à grand renfort de publicité a fait de nous des peureux en tout. Trop de gens ont oublié que si nous ne mourons pas de maladie cardiaque ou de cancer, il faudra bien mourir de quelque chose un jour. Plate à dire, mais c’est comme ça. Bien sûr, l’alpiniste, le pilote de petit avion, le passager de gros avions, le mangeur de hamburgers, le skieur, le cycliste, le joueur de hockey, le nageur, le plongeur, le coureur automobile, enfin, tous ces gens risquent de mourir un jour de leur activité. Quant au grand mangeur de pilules inutiles ou parfois nuisibles, à celui qui ne fait absolument rien parce qu’il a peur que ses dents jaunissent, que son sang épaississe, que sa peau brûle trop, que les allergies qu’il n’a jamais eues se manifestent, que son parachute n’ouvre pas, qu’une hépatite quelconque lui empoisonne le foie parce qu’il a marché sur la plage, c’est encore plate à dire, mais faudra bien qu’un jour, il meure quand même. La question demeurera toujours la suivante. Aura-t-il vécu sa vie ou au contraire, aura-t-il vécu dans la peur constante de mourir d’une cause qu’on lui aura répété sans cesse qu’il aurait pu éviter? – le tout à fort prix monétaire, bien sûr!

Bonne semaine à toutes et à tous.

GG

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