Ce blogue du lundi
demeure, mais ma chronique hebdomadaire publiée dans le journal LE RADAR
sous le titre «Un café avec ça» ne sera plus à compter de vendredi le 19
juin 2015. Ce sera donc un élément additionnel de liberté qui me permettra
d’améliorer sporadiquement ce rendez-vous du lundi, afin de le rendre encore
plus intéressant auprès de vous, lectrices et lecteurs… enfin, je
l’espère. Votre fidélité m’est précieuse et je souhaite continuer la mériter
encore pour longtemps. Voici donc en première partie, mes adieux au journal
auquel j’ai collaboré pendant les 16 dernières années.
Avant-dernière chronique à paraître dans l’hebdomadaire LE RADAR.
Le compte est facile. En un peu plus de
16 années, à raison de 48 fois par an, moins six mois d’absence motivée par une
pause occasionnelle, j’aurai rédigé plus de 760 textes hebdomadaires d’environ
1200 mots chaque jour de la livraison de ce journal.
* Encre. Sang noir… Prodige du mot muet qui se transmet, non point de bouche à oreille, mais de main à regard
… Camille Bouchard dans son roman : « L’emprise des cannibales ».
Alors, je pars. Personne ne m’a montré
la porte. Ce serait plutôt le contraire et c’est même avec nostalgie que je
quitte cette formidable équipe avec laquelle j’ai travaillé puis collaboré
depuis nombre d’années. Je dois ajouter que cette décision est le fruit de plus
d’une année de réflexion. Une certaine fatigue s’est installée et les évènements
du quotidien sont parfois de nature à modifier l’angle d’attaque au bâton. La
vie nous lance souvent des balles courbes. C’est sa façon à elle de nous
indiquer qu’il faut regarder au-delà du lanceur et toujours viser le circuit,
même si jamais on l’atteint. Les 16 dernières années furent les plus belles de
ma vie professionnelle. Pourtant, elles ne furent pas exemptes de défis, parfois
de déceptions, mais elles furent surtout remplies d’un amour pour ce métier, que
ce soit celui de journaliste ou celui de chroniqueur. Comme le dit si bien
Camille Bouchard dans un de ses romans, la plume est ce lien privilégié qui
transmet les mots, non pas de bouche à oreille, mais de main à regard. Ce
véhicule de communication aura toujours été pour le grand timide que je suis,
même si personne ne veut me croire, la courroie par excellence afin de
m’exprimer. Je tiens donc à remercier tout particulièrement le propriétaire et
fondateur de l’hebdomadaire LE RADAR, monsieur Achille Hubert. Je n’oublierai
jamais notre discussion lors de mon embauche. Il avait en main mon curriculum
vitae contenant une formation journalistique acquise 20 ans auparavant. Hélas!
parce que j’avais bifurqué par nécessité vers d’autres travaux, il insistait
pour dire qu’il ne voyait pas de lien me permettant de faire ce travail.
Manœuvre pour baisser mon salaire ou doute véritable sur mes capacités, il ne
m’en a jamais rien dit et la chose me fait sourire aujourd’hui. Je savais qu’il
avait besoin de moi et il m’offrit le boulot. J’étais à l’essai pour deux
semaines et d’ailleurs la chose était claire pour moi. Je quittais par la suite,
car tout fraîchement détenteur d’un diplôme acquis pendant trois ans comme
technicien en réparation de moteurs d’avion à jet, je n’avais pas vraiment
l’intention de demeurer aux Îles pendant longtemps. Toutefois, les choses
allaient se passer tout autrement. C’est donc en cette journée du 11 janvier
1999 que j’ai débuté au journal LE RADAR en tant que journaliste, rédacteur en
chef, photographe et chroniqueur de l’unique hebdomadaire des Îles de la
Madeleine.
« Un café avec
ça »
Voilà une trouvaille qui m’est arrivée
accidentellement. Ce fut ma première chronique et elle fut issue d’une
frustration avec une compagnie que je ne nommerai pas ici. En résumé, j’étais
fauché, mais je n’avais aucune dette. Alors, on me demanda des références que je
n’avais pas, car j’arrivais de trois années d’études à l’Île-du-Prince-Édouard
et n’avait été propriétaire de rien sauf une voiture usagée et malgré tout…
payée. Même mon téléphone était sous le nom d’une autre personne. J’ai alors
libéré cette frustration sur papier sans demander à qui que ce soit la
permission de publier. Aussi, pour y ajouter un peu de cynisme et de ridicule,
j’ai intitulé cette chronique « Et puis un café avec ça? » Voilà comment
a débuté cette formidable, mais dangereuse aventure de chroniqueur journaliste,
portant ainsi deux chapeaux complètement distincts. Ailleurs, dans les grands
quotidiens ou hebdos, on est l’un ou l’autre. Le journaliste rapporte les faits.
Exemple : Un accident est arrivé sur le chemin Cap-Vert entre telle heure et
telle heure, mais sans faire de victime. Le chroniqueur, lui, peut ajouter que
le chemin ressemble à un champ de mines et que le conducteur a pris le champ en
tentant d’éviter un nid-de-poule plus gros qu’un cratère. Il peut même aller
plus loin et dénoncer publiquement un certain laxisme des autorités politiques
si tel est le cas. C’est là que son rôle passe de journaliste à
critique/enquêteur, car il faut toujours vérifier ses sources. Voilà qui devient
un métier dangereux, surtout qu’aujourd’hui, qui s’attaque à certains organismes
publics ou privés puissants, risque une avalanche de menaces de poursuites
judiciaires, parrainées par une armée d’avocats alors que lui, le simple
chroniqueur, n’a aucune protection. Seuls, les représentants des grands médias
nationaux ont une telle protection, le tout aidé d’un contentieux et encore.
La corde raide
Donc, qui se fait volontairement le
défenseur de la veuve et de l’orphelin risque de marcher sur le fil ténu de
l’insécurité financière, émotionnelle et physique, tout au long de l’exercice de
ses fonctions. Dans un petit milieu insulaire, les choses peuvent être encore
plus compliquées. Quand le chroniqueur (Martineau) rentre chez lui, il est fort
peu probable qu’il rencontre au dépanneur du coin le président d’un syndicat
qu’il a « blasté » la journée même. Dans un petit milieu, la chose est
parfaitement possible, même presque probable. Les « vaches sacrées » sont
souvent plus nombreuses en un milieu fermé qu’en de grandes villes. Comme me l’a
souvent dit ma compagne, « CHARLIE n’existe pas aux Îles ». Il y a
définitivement des sujets tabous auxquels il serait suicidaire de s’attaquer,
voire même de fouiller ne serait-ce qu’un tout petit peu. Certains qualifieront
cela de manque de courage, moi j’appelle ça une qualité de vie à protéger,
surtout quand on a l’impression d’être seul à crier dans le désert. Beaucoup de
gens ont au cours de ma carrière, chargé le fusil pour me demander de tirer. Je
l’ai fait parfois avec plaisir et satisfaction. Malheureusement, ce fut aussi
trop souvent pour me retourner et m’apercevoir que le prêteur de fusil et ses
compagnons étaient tous disparus une fois le tir exécuté. Voilà donc ce que
j’appelle la corde raide, une corde dont je fus victime à quelques reprises au
cours des 16 dernières années. Cependant, je me suis toujours fait un point
d’honneur de ne jamais attaquer publiquement une personne dans son intégrité
personnelle ou sa vie privée. Là où j’ai parfois « brassé la cage » et
ceci sans regret, c’est surtout auprès d’organismes, qu’ils soient politiques,
culturels, économiques ou même religieux. Après tout, nous vivons dans une
société organisée par des individus qui représentent ces entités. J’ai toujours
considéré qu’à ce titre, une quantité de gens sont mandataires du rôle et des
obligations des organismes dont ils ont la charge.
Blessures et
pardon
En 16 ans, j’ai commis des erreurs et
j’en suis conscient. Il y a des gens qui furent blessés par mes propos et
certains de façon injuste, ceci dû à une mauvaise expression de ma part ou une
mauvaise interprétation de leur part. À ces gens, je leur demande pardon et il
m’est arrivé d’en contacter quelques-uns (unes) et de les rencontrer en personne
pour qu’on s’explique. Il m’est arrivé d’écrire personnellement à quelques
autres aussi. Cela s’est toujours réglé par une sincère poignée de main et un
profond respect mutuel.
En d’autres cas, ce fut plus pénible.
Quand un groupe de signataires réclament publiquement votre tête. Quand d’autres
vous accusent d’avoir menti alors que c’est tout le contraire. Quand un
organisme public vous somme de vous rétracter publiquement par la menace d’une
poursuite qui ruinerait votre vie professionnelle et monétaire alors que vous
savez pertinemment que vous étiez dans votre bon droit, il est difficile de ne
pas avoir mal, même encore aujourd’hui. Quand des victimes anonymes que vous
avez défendues sur la place publique arrivent dans votre bureau et vous
insultent parce qu’elles pensent, sans raison et sans preuve, qu’en un petit
milieu comme les Îles, certaines personnes pourraient les avoir reconnues; là,
il vous arrive de vous demander pourquoi vous faites ce métier. Ça, en bout de
carrière, il fallait que je le dise. Heureusement, il s’est quand même agi
d’exceptions. Les 16 dernières années furent heureusement remplies de belles
rencontres, d’entrevues qui ont enrichi ma vie et m’ont permis de continuer avec
toujours une plus grande ambition, une passion pour les mots et un portrait bien
plus positif de notre société qu’il n’y parait à première vue.
Les plus belles
choses
Le plus beau cadeau que m’ont fait les
lecteurs et lectrices de ce journal se résume aux nombreuses fois où, sans que
je les connaisse vraiment, des personnes sont venues me dire, presque en
catimini : « Merci de dire tout haut ce qu’on pense tout bas. » Le
plus beau cadeau que m’a fait mon patron fut de me laisser m’exprimer en toute
liberté sans jamais intervenir dans ma rédaction. Je le remercie pour cette
belle liberté qu’il m’a accordée. L’autre beau cadeau fut celui de travailler
avec une merveilleuse équipe, avec des personnes que je ne peux nommer de peur
d’en oublier quelques-unes. Directrice et représentantes publicitaires,
secrétaires, amis et amies journalistes, stagiaires, graphiste et correctrices,
je garderai de vous toutes et tous le plus beau des souvenirs. D’ailleurs,
tellement de belles choses me sont arrivées avec vous que cela va prendre la
prochaine et dernière chronique pour les rappeler à tous nos lecteurs. C’est
donc un rendez-vous.
À la semaine prochaine.
GG
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