lundi 8 juin 2015

Un départ volontaire - (partie 1)

Par Georges Gaudet  georgesgaudet49@hotmail.com
Ce blogue du lundi demeure, mais ma chronique hebdomadaire publiée dans le journal LE RADAR sous le titre «Un café avec ça» ne sera plus à compter de vendredi le 19 juin 2015. Ce sera donc un élément additionnel de liberté qui me permettra d’améliorer sporadiquement ce rendez-vous du lundi, afin de le rendre encore plus intéressant auprès de vous, lectrices et lecteurs… enfin, je l’espère. Votre fidélité m’est précieuse et je souhaite continuer la mériter encore pour longtemps. Voici donc en première partie, mes adieux au journal auquel j’ai collaboré pendant les 16 dernières années.
 
Avant-dernière chronique  à paraître dans l’hebdomadaire LE RADAR.
Le compte est facile. En un peu plus de 16 années, à raison de 48 fois par an, moins six mois d’absence motivée par une pause occasionnelle, j’aurai rédigé plus de 760 textes hebdomadaires d’environ 1200 mots chaque jour de la livraison de ce journal.


* Encre. Sang noir… Prodige du mot muet qui se transmet, non point de bouche à oreille, mais de main à regard
… Camille Bouchard dans son roman : « L’emprise des cannibales ».

Alors, je pars. Personne ne m’a montré la porte. Ce serait plutôt le contraire et c’est même avec nostalgie que je quitte cette formidable équipe avec laquelle j’ai travaillé puis collaboré depuis nombre d’années. Je dois ajouter que cette décision est le fruit de plus d’une année de réflexion. Une certaine fatigue s’est installée et les évènements du quotidien sont parfois de nature à modifier l’angle d’attaque au bâton. La vie nous lance souvent des balles courbes. C’est sa façon à elle de nous indiquer qu’il faut regarder au-delà du lanceur et toujours viser le circuit, même si jamais on l’atteint. Les 16 dernières années furent les plus belles de ma vie professionnelle. Pourtant, elles ne furent pas exemptes de défis, parfois de déceptions, mais elles furent surtout remplies d’un amour pour ce métier, que ce soit celui de journaliste ou celui de chroniqueur. Comme le dit si bien Camille Bouchard dans un de ses romans, la plume est ce lien privilégié qui transmet les mots, non pas de bouche à oreille, mais de main à regard. Ce véhicule de communication aura toujours été pour le grand timide que je suis, même si personne ne veut me croire, la courroie par excellence afin de m’exprimer. Je tiens donc à remercier tout particulièrement le propriétaire et fondateur de l’hebdomadaire LE RADAR, monsieur Achille Hubert. Je n’oublierai jamais notre discussion lors de mon embauche. Il avait en main mon curriculum vitae contenant une formation journalistique acquise 20 ans auparavant. Hélas! parce que j’avais bifurqué par nécessité vers d’autres travaux, il insistait pour dire qu’il ne voyait pas de lien me permettant de faire ce travail. Manœuvre pour baisser mon salaire ou doute véritable sur mes capacités, il ne m’en a jamais rien dit et la chose me fait sourire aujourd’hui. Je savais qu’il avait besoin de moi et il m’offrit le boulot. J’étais à l’essai pour deux semaines et d’ailleurs la chose était claire pour moi. Je quittais par la suite, car tout fraîchement détenteur d’un diplôme acquis pendant trois ans comme technicien en réparation de moteurs d’avion à jet, je n’avais pas vraiment l’intention de demeurer aux Îles pendant longtemps. Toutefois, les choses allaient se passer tout autrement. C’est donc en cette journée du 11 janvier 1999 que j’ai débuté au journal LE RADAR en tant que journaliste, rédacteur en chef, photographe et chroniqueur de l’unique hebdomadaire des Îles de la Madeleine.

« Un café avec ça »
Voilà une trouvaille qui m’est arrivée accidentellement. Ce fut ma première chronique et elle fut issue d’une frustration avec une compagnie que je ne nommerai pas ici. En résumé, j’étais fauché, mais je n’avais aucune dette. Alors, on me demanda des références que je n’avais pas, car j’arrivais de trois années d’études à l’Île-du-Prince-Édouard et n’avait été propriétaire de rien sauf une voiture usagée et malgré tout… payée. Même mon téléphone était sous le nom d’une autre personne. J’ai alors libéré cette frustration sur papier sans demander à qui que ce soit la permission de publier. Aussi, pour y ajouter un peu de cynisme et de ridicule, j’ai intitulé cette chronique « Et puis un café avec ça? » Voilà comment a débuté cette formidable, mais dangereuse aventure de chroniqueur journaliste, portant ainsi deux chapeaux complètement distincts. Ailleurs, dans les grands quotidiens ou hebdos, on est l’un ou l’autre. Le journaliste rapporte les faits. Exemple : Un accident est arrivé sur le chemin Cap-Vert entre telle heure et telle heure, mais sans faire de victime. Le chroniqueur, lui, peut ajouter que le chemin ressemble à un champ de mines et que le conducteur a pris le champ en tentant d’éviter un nid-de-poule plus gros qu’un cratère. Il peut même aller plus loin et dénoncer publiquement un certain laxisme des autorités politiques si tel est le cas. C’est là que son rôle passe de journaliste à critique/enquêteur, car il faut toujours vérifier ses sources. Voilà qui devient un métier dangereux, surtout qu’aujourd’hui, qui s’attaque à certains organismes publics ou privés puissants, risque une avalanche de menaces de poursuites judiciaires, parrainées par une armée d’avocats alors que lui, le simple chroniqueur, n’a aucune protection. Seuls, les représentants des grands médias nationaux ont une telle protection, le tout aidé d’un contentieux et encore.

La corde raide
Donc, qui se fait volontairement le défenseur de la veuve et de l’orphelin risque de marcher sur le fil ténu de l’insécurité financière, émotionnelle et physique, tout au long de l’exercice de ses fonctions. Dans un petit milieu insulaire, les choses peuvent être encore plus compliquées. Quand le chroniqueur (Martineau) rentre chez lui, il est fort peu probable qu’il rencontre au dépanneur du coin le président d’un syndicat qu’il a « blasté » la journée même. Dans un petit milieu, la chose est parfaitement possible, même presque probable. Les « vaches sacrées » sont souvent plus nombreuses en un milieu fermé qu’en de grandes villes. Comme me l’a souvent dit ma compagne, « CHARLIE n’existe pas aux Îles ». Il y a définitivement des sujets tabous auxquels il serait suicidaire de s’attaquer, voire même de fouiller ne serait-ce qu’un tout petit peu. Certains qualifieront cela de manque de courage, moi j’appelle ça une qualité de vie à protéger, surtout quand on a l’impression d’être seul à crier dans le désert. Beaucoup de gens ont au cours de ma carrière, chargé le fusil pour me demander de tirer. Je l’ai fait parfois avec plaisir et satisfaction. Malheureusement, ce fut aussi trop souvent pour me retourner et m’apercevoir que le prêteur de fusil et ses compagnons étaient tous disparus une fois le tir exécuté. Voilà donc ce que j’appelle la corde raide, une corde dont je fus victime à quelques reprises au cours des 16 dernières années. Cependant, je me suis toujours fait un point d’honneur de ne jamais attaquer publiquement une personne dans son intégrité personnelle ou sa vie privée. Là où j’ai parfois « brassé la cage » et ceci sans regret, c’est surtout auprès d’organismes, qu’ils soient politiques, culturels, économiques ou même religieux. Après tout, nous vivons dans une société organisée par des individus qui représentent ces entités. J’ai toujours considéré qu’à ce titre, une quantité de gens sont mandataires du rôle et des obligations des organismes dont ils ont la charge.

Blessures et pardon
En 16 ans, j’ai commis des erreurs et j’en suis conscient. Il y a des gens qui furent blessés par mes propos et certains de façon injuste, ceci dû à une mauvaise expression de ma part ou une mauvaise interprétation de leur part. À ces gens, je leur demande pardon et il m’est arrivé d’en contacter quelques-uns (unes) et de les rencontrer en personne pour qu’on s’explique. Il m’est arrivé d’écrire personnellement à quelques autres aussi. Cela s’est toujours réglé par une sincère poignée de main et un profond respect mutuel.
En d’autres cas, ce fut plus pénible. Quand un groupe de signataires réclament publiquement votre tête. Quand d’autres vous accusent d’avoir menti alors que c’est tout le contraire. Quand un organisme public vous somme de vous rétracter publiquement par la menace d’une poursuite qui ruinerait votre vie professionnelle et monétaire alors que vous savez pertinemment que vous étiez dans votre bon droit, il est difficile de ne pas avoir mal, même encore aujourd’hui. Quand des victimes anonymes que vous avez défendues sur la place publique arrivent dans votre bureau et vous insultent parce qu’elles pensent, sans raison et sans preuve, qu’en un petit milieu comme les Îles, certaines personnes pourraient les avoir reconnues; là, il vous arrive de vous demander pourquoi vous faites ce métier. Ça, en bout de carrière, il fallait que je le dise. Heureusement, il s’est quand même agi d’exceptions. Les 16 dernières années furent heureusement remplies de belles rencontres, d’entrevues qui ont enrichi ma vie et m’ont permis de continuer avec toujours une plus grande ambition, une passion pour les mots et un portrait bien plus positif de notre société qu’il n’y parait à première vue.

Les plus belles choses
Le plus beau cadeau que m’ont fait les lecteurs et lectrices de ce journal se résume aux nombreuses fois où, sans que je les connaisse vraiment, des personnes sont venues me dire, presque en catimini : « Merci de dire tout haut ce qu’on pense tout bas. » Le plus beau cadeau que m’a fait mon patron fut de me laisser m’exprimer en toute liberté sans jamais intervenir dans ma rédaction. Je le remercie pour cette belle liberté qu’il m’a accordée. L’autre beau cadeau fut celui de travailler avec une merveilleuse équipe, avec des personnes que je ne peux nommer de peur d’en oublier quelques-unes. Directrice et représentantes publicitaires, secrétaires, amis et amies journalistes, stagiaires, graphiste et correctrices, je garderai de vous toutes et tous le plus beau des souvenirs. D’ailleurs, tellement de belles choses me sont arrivées avec vous que cela va prendre la prochaine et dernière chronique pour les rappeler à tous nos lecteurs. C’est donc un rendez-vous.
À la semaine prochaine.

GG

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