Un départ volontaire - (partie 2 - finale)
Par Georges Gaudet georgesgaudet49@hotmail.com
Ce blogue
du lundi demeure, mais ma chronique hebdomadaire publiée dans le journal LE RADAR
sous le titre «Un café
avec ça» ne sera
plus à compter de vendredi le 19 juin 2015. Ce sera donc un élément additionnel
de liberté qui me permettra d’améliorer sporadiquement ce rendez-vous du
lundi, afin de le rendre encore plus intéressant auprès de vous, lectrices et
lecteurs… enfin, je l’espère. Votre fidélité m’est précieuse et je
souhaite continuer la mériter encore pour longtemps. Voici donc en deuxième et
dernière partie, mes adieux au journal auquel j’ai collaboré pendant les 16
dernières années.
Dernière chronique avant de partir (suite
de la semaine passée).
*Je déteste les départs, j’adore les arrivées.
Alors, puisque l’un ne va pas sans l’autre, il faut bien partir un jour si l’on
veut finir par arriver quelque part.
Mon campeur pendant deux semaines, (juillet 1999.) |
Propriété de John Travolta. Un abri sous les ailes de ce superbe vieil avion transatlantique par 103 °F (39,4 °C) le 31 juillet 1999. |
Ground Zero, New York. Le 3 décembre 2001 |
Las Vegas |
Sur le lac séché d’Ivanpah, lieu de compétitions internationales de voiliers sur roues. |
Salt Lake City |
Pause dans une halte routière quelque part au coeur de la « Bible belt » au centre des É.-U.. |
Il s’agit
là de l’essence même du voyage et c’est ce que le métier de chroniqueur
généraliste m’a permis. Je dois cette belle liberté à une personne et à la
magie d’internet. Monsieur Achille Hubert m’a accordé ce privilège dès les
premiers mois de mon embauche. J’étais salarié, mais je devais assumer mes
frais de voyages, ce qui était normal. J’ai donc profité de cette belle
occasion, dès les premiers six mois de l’année 1999 afin de raconter ce que je
considérais alors comme une grande aventure. J’ai donc fêté mes 50 années
d’existence avec Grand Marnier et amis pilotes, à l’ombre des ailes de leur
avion, posé à Oshkosh au Wisconsin lors du plus grand meeting aérien amateur et
« vintage » au monde. La boîte de mon camion fut mon motel pendant
deux semaines et les cafés internet, mes bureaux de travail en plusieurs
occasions. Plus tard, septembre 2001 allait m’inciter à visiter New York moins
de trois mois après l’écroulement des deux tours du World Trade Center. Je
n’oublierai jamais l’odeur particulière qui régnait encore en ces lieux. En
2002, j’ai eu la permission de passer deux hivers aux É.-U., toujours grâce à
la magie d’internet. J’y ai découvert un pays que j’ai appris à aimer, même
s’il est loin d’être parfait. Tout est grand chez eux, leurs qualités comme
leurs défauts, leurs corps comme leur cœur, leur courage comme leur naïveté,
leur ignorance comme leurs grandes réussites. Las Vegas fut ma résidence, mais
ce ne fut pas les casinos qui m’ont retenu. J’y ai découvert la passion du désert,
la chaleur sèche et les grands espaces, si semblables à l’immensité de l’océan.
Toutefois, non content du désert uniquement, les jeux d’hiver de Salt Lake City,
capitale de l’Utah m’auront charmé d’abord par la victoire des deux équipes
canadiennes de hockey en plus d’être hébergé dans cette superbe ville à flanc
de montagnes et voisine d’un lac si salé qu’il ne gèle jamais, même par
température loin sous le zéro. Et puis ce fut le retour en 2003 aux Îles, mais
pas de façon normale. Cela ne me ressemblait pas. J’y ai traversé les E.-U. via
13 États au volant de ma petite voiture et sa remorque me servant de motel tout
au long du parcours de 7000 km entre Las Vegas et les Îles. Merveilleux
voyage s’il en fut un, il est la preuve qu’il n’est point besoin d’être riche
pour découvrir une partie du monde.
Inoubliables personnages
Monsieur Adélard Boudreau |
Un souci du détail digne de grandes œuvres à valeur historique internationale. |
Serge Laplanche |
Une petite carte postale qui ne ment pas… et surtout vraie d’appréciation et de l’accueil que lui ont fait les Madelinots un certain été. |
Visiter du
pays est bien passionnant, mais découvrir le cœur et l’âme des gens demeure la
plus belle découverte. Ce métier de journaliste et chroniqueur m’aura donné
l’occasion de rencontrer de grands personnages connus. Des politiciens,
premiers ministres, grands financiers… etc. Toutefois, ceux et celles dont je
me souviendrai le plus sont ces gens désarmants de simplicité, des gens
ordinaires capables de choses extraordinaires, ceci la plupart du temps réalisés
en toute discrétion. Les découvrir, c’est comme découvrir un trésor caché. Les
révéler au public, c’est lever le voile sur leur courage, sur leur talent, sur
leur richesse intérieure. Rien ne m’a plus satisfait que ce genre de
découvertes. Il y en a des dizaines, mais je vais particulièrement me rappeler
de ceux et celles qui en silence combattent depuis si longtemps un handicap ou
une grave maladie. Par discrétion et respect, je ne les mentionnerai point ici.
Toutefois, je ne peux oublier non plus, monsieur Adélard Boudreau, un vieillard
digne, humble, victime alors d’une incompréhension « municipale ». Navigateur, pêcheur, charpentier,
cultivateur et poète à ses heures, il m’a raconté plus de 90 années d’une vie
passionnée, faite de défis, de douleurs, d’amour inconditionnel, de simplicité,
de courage et de talent incroyable pour survivre dans un monde dont il ne
reconnaissait plus les balises.
Point n’est
besoin de parcourir le monde pour découvrir de grands talents. Monsieur
Jean-Guy Poirier vit aux Îles. Il parcourt les dunes au volant de son quad et
ramasse tout ce qu’il peut trouver de bois d’épaves. Avec peu de moyens, une
recherche intensive et la fabrication personnelle de ses minis-outils, il construit
de toutes pièces des œuvres à faire pâlir les plus grands maquettistes du
monde. Pourtant, quand on lui dit cela en toute sincérité. Jean-Guy devient
tout timide comme s’il était gêné de si belles réalisations.
D’autres
parcourent le monde, mais surtout pas de façon traditionnelle et dans le grand
luxe. Le hasard m’aura mis sur le chemin de Serge Laplanche, ce Québécois et Français
d’origine qui parcourt le monde depuis l’âge de 27 ans. Au moment de notre
première rencontre, il en avait 56. En scooter, à bicyclette et à pied, il a
fait le tour de la terre et depuis la mi-cinquantaine, a décidé de passer
l’hiver au chaud, toujours en poussant devant lui sa petite brouette contenant
tous ses biens. Quelques vêtements, une petite tente, un sac de couchage, un
album de tous ses voyages signés des autorités locales, des objets de toilette
et quelques friandises. Il m’a dit un jour alors qu’il m’appelait de
l’Australie : « Je suis aux
premières loges du monde. » Sa simplicité, son regard sur la planète
et les hommes qui la composent furent pour moi une des plus belles leçons
d’humanité que j’aurai reçue depuis ma naissance.
Auteurs et influences
Maxime Arseneau |
Michel Carbonneau
Nous avons
tous plus ou moins nos mentors, nos guides spirituels, nos guides professionnels.
Certains personnages connus du métier m’ont toujours fasciné. Un peu comme ce
chanteur des Îles qui admire U-2, moi, j’ai admiré ces écrivains, ces auteurs,
ces chroniqueurs. Ils furent pour moi le canevas de mes propres écrits, cela
dit sans plagiat. J’ai aimé Saint-Exupéry (Terre des hommes – Le Petit Prince)
pour son humanité. J’ai lu et relu George Orwell (1984) pour son incroyable
lecture du monde d’aujourd’hui, alors qu’il a écrit ce roman en 1945 peu de
temps après le décès de son épouse atteinte d’un cancer. J’ai aimé Félix
Leclerc et Gilles Vigneau pour leur sublime poésie. Chez nos Madelinots, Georges
Langford demeurera pour longtemps un incontournable ménestrel. Maxime Arseneau
(la trilogie de Théotiste Bourgeois) s’inscrira dans notre patrimoine pour la
finesse de notre histoire racontée et Michel Carbonneau, ce naufragé madelinot
de « la grande terre»
s’arrangera toujours pour que nous n’oubliions pas nos propres véritables
victimes de la mer.
Chez les grands chroniqueurs
J’ai eu
honte de certains que je ne nommerai pas, mais j’ai admiré le travail du
pionnier que fut André Rufiange (Rufy). Capable de parler de tout et de rien
tout en demeurant intéressant, voire même passionnant. Il disait que son ami Pierre
Péladeau (le père) lui aurait dit : « écrit
ce que tu veux, n’importe quoi, mais écrit tous les jours ». C’est
ainsi qu’il en arriva à parler de la crème dans son café le matin et à parler
de lui-même en disant : « Je
suis né bébé. Comme j’étais tout nu, on a vite crié… c’est un garçon. »
Quoi qu’on en pense, il faut un sacré talent pour ça. Il y eût aussi Pierre
Foglia, ce virtuose de la chronique intelligente, à la fois choquante et si
riche. Parler de soi dans une chronique peut être dangereux, mais quand on a eu
comme modèle un Pierre Foglia, la manœuvre est un peu moins périlleuse. Dans le
monde des fouineurs au creux des âmes et de la réflexion si riche en mots qu’il
ne s’en trouve pas d’autres, il n’y en a pas comme Stéphane Laporte. Disons que
je fus un peu le groupie de ces trois chroniqueurs, tout comme un admirateur de
Richard Bach (Jonathan le goéland et Le
Messie récalcitrant). « N’oublie
pas, ce que la chenille appelle la fin du monde, ton maître, lui, l’appelle un
papillon. »
Finalement
Finalement,
je réalise que j’ai passé 16 merveilleuses années d’une vie qui semble être
commencée à l’âge de 50 ans. Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour débuter
une nouvelle carrière. Le chroniqueur Stéphane Laporte a raison de dire : « Il faut cesser de mettre en
quarantaine la soixantaine et plus. » Et c’est exactement ce que je
fais, c'est-à-dire passer à autre chose sans avoir l’impression d’être mis de
côté, bien au contraire. Une jeune équipe collabore présentement au journal LE
RADAR. Ma décision de partir les a sincèrement déçus, même si je leur en avais
parlé depuis un certain temps. Ils sont professionnels, talentueux et bourrés
de projets qui vont certainement faire de cet hebdomadaire, le meilleur en
province dans les mois ou les années à venir. Il faut leur faire confiance,
acheter le journal et les laisser tracer leur voie. Ceci ne veut pas dire que
je me retire de tout et vais me bercer devant une fenêtre, loin de là. Très peu
pour moi la mise en quarantaine, volontaire ou pas. Il me reste encore un roman
à écrire, peut-être deux. Ma compagne et moi avons une petite maison d’édition
à faire grandir, autant pour de futurs auteurs que pour nous-mêmes. Depuis
quatre ans, je suis devenu croisiériste et conteur d’histoires sous forme de
conférences présentées dans les deux langues officielles. Je demeure blogueur et j’entends le demeurer longtemps tout en améliorant le produit. Je
rêve de passer la plupart des étés qu’il me reste aux Îles si celles-ci
demeurent abordables et n’échangent pas leur âme pour un plat de lentilles. Un
retour à la peinture n’est pas exclu s’il me reste du temps. Et qui a dit que
prendre sa retraite, c’était ne rien faire? Un individu m’a dit un jour : « Avant ma retraite, j’avais mes
dimanches libres. »
Enfin, il
me reste à vous remercier chaleureusement, vous toutes et tous, lectrices et
lecteurs de cette chronique qui se termine aujourd’hui. Vous avez été ma
motivation, mon énergie, mon inspiration, la raison de l’existence de cet écrit
hebdomadaire. Je remercie d’ailleurs la direction du journal LE RADAR de
retirer le titre de cette chronique. Il appartient au journal, mais il était ma
création et cela me permettra d’en garder un précieux souvenir. À toute
l’équipe du journal, mes compagnons, compagnes et amis, je vous souhaite le
succès dans cette belle entreprise. Après avoir rédigé plus de 1 million 330
mille mots en 16 ans sur ce canevas de papier, je crois sincèrement qu’il est
temps d’aller créer mes graffitis ailleurs. Soyez assuré que ces morceaux de
vie que j’ai vécu avec vous, compagnons et compagnes de travail, lectrices et
lecteurs, seront placés dans un des plus beaux coins de mon cœur.
Sincèrement :
Georges Gaudet
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