dimanche 14 juin 2015

Un départ volontaire - (partie 2 - finale)

Par Georges Gaudet  georgesgaudet49@hotmail.com 


Ce blogue du lundi demeure, mais ma chronique hebdomadaire publiée dans le journal LE RADAR sous le titre «Un café avec ça» ne sera plus à compter de vendredi le 19 juin 2015. Ce sera donc un élément additionnel de liberté qui me permettra d’améliorer sporadiquement ce rendez-vous du lundi, afin de le rendre encore plus intéressant auprès de vous, lectrices et lecteurs… enfin, je l’espère. Votre fidélité m’est précieuse et je souhaite continuer la mériter encore pour longtemps. Voici donc en deuxième et dernière partie, mes adieux au journal auquel j’ai collaboré pendant les 16 dernières années.

 Dernière chronique avant de partir (suite de la semaine passée).

*Je déteste les départs, j’adore les arrivées. Alors, puisque l’un ne va pas sans l’autre, il faut bien partir un jour si l’on veut finir par arriver quelque part.

Mon campeur pendant deux semaines, (juillet 1999.)
Propriété de John Travolta. Un abri sous les ailes de ce superbe vieil avion transatlantique par 103 °F (39,4 °C) le 31 juillet 1999.


 Ground Zero, New York. Le 3 décembre 2001
Las Vegas


Sur le lac séché d’Ivanpah, lieu de compétitions internationales de voiliers sur roues.


Salt Lake  City


 Pause dans une halte routière quelque part au coeur de la « Bible belt » au centre des É.-U..


Il s’agit là de l’essence même du voyage et c’est ce que le métier de chroniqueur généraliste m’a permis. Je dois cette belle liberté à une personne et à la magie d’internet. Monsieur Achille Hubert m’a accordé ce privilège dès les premiers mois de mon embauche. J’étais salarié, mais je devais assumer mes frais de voyages, ce qui était normal. J’ai donc profité de cette belle occasion, dès les premiers six mois de l’année 1999 afin de raconter ce que je considérais alors comme une grande aventure. J’ai donc fêté mes 50 années d’existence avec Grand Marnier et amis pilotes, à l’ombre des ailes de leur avion, posé à Oshkosh au Wisconsin lors du plus grand meeting aérien amateur et « vintage » au monde. La boîte de mon camion fut mon motel pendant deux semaines et les cafés internet, mes bureaux de travail en plusieurs occasions. Plus tard, septembre 2001 allait m’inciter à visiter New York moins de trois mois après l’écroulement des deux tours du World Trade Center. Je n’oublierai jamais l’odeur particulière qui régnait encore en ces lieux. En 2002, j’ai eu la permission de passer deux hivers aux É.-U., toujours grâce à la magie d’internet. J’y ai découvert un pays que j’ai appris à aimer, même s’il est loin d’être parfait. Tout est grand chez eux, leurs qualités comme leurs défauts, leurs corps comme leur cœur, leur courage comme leur naïveté, leur ignorance comme leurs grandes réussites. Las Vegas fut ma résidence, mais ce ne fut pas les casinos qui m’ont retenu. J’y ai découvert la passion du désert, la chaleur sèche et les grands espaces, si semblables à l’immensité de l’océan. Toutefois, non content du désert uniquement, les jeux d’hiver de Salt Lake City, capitale de l’Utah m’auront charmé d’abord par la victoire des deux équipes canadiennes de hockey en plus d’être hébergé dans cette superbe ville à flanc de montagnes et voisine d’un lac si salé qu’il ne gèle jamais, même par température loin sous le zéro. Et puis ce fut le retour en 2003 aux Îles, mais pas de façon normale. Cela ne me ressemblait pas. J’y ai traversé les E.-U. via 13 États au volant de ma petite voiture et sa remorque me servant de motel tout au long du parcours de 7000 km entre Las Vegas et les Îles. Merveilleux voyage s’il en fut un, il est la preuve qu’il n’est point besoin d’être riche pour découvrir une partie du monde.

Inoubliables personnages


Monsieur Adélard Boudreau




Un souci du détail digne de grandes œuvres à valeur historique internationale.
Jean-Guy Poirier devant ses œuvres.




Serge Laplanche


Une petite carte postale qui ne ment pas… et surtout vraie d’appréciation et de l’accueil que lui ont fait les Madelinots un certain été.


Visiter du pays est bien passionnant, mais découvrir le cœur et l’âme des gens demeure la plus belle découverte. Ce métier de journaliste et chroniqueur m’aura donné l’occasion de rencontrer de grands personnages connus. Des politiciens, premiers ministres, grands financiers… etc. Toutefois, ceux et celles dont je me souviendrai le plus sont ces gens désarmants de simplicité, des gens ordinaires capables de choses extraordinaires, ceci la plupart du temps réalisés en toute discrétion. Les découvrir, c’est comme découvrir un trésor caché. Les révéler au public, c’est lever le voile sur leur courage, sur leur talent, sur leur richesse intérieure. Rien ne m’a plus satisfait que ce genre de découvertes. Il y en a des dizaines, mais je vais particulièrement me rappeler de ceux et celles qui en silence combattent depuis si longtemps un handicap ou une grave maladie. Par discrétion et respect, je ne les mentionnerai point ici. Toutefois, je ne peux oublier non plus, monsieur Adélard Boudreau, un vieillard digne, humble, victime alors d’une incompréhension « municipale ». Navigateur, pêcheur, charpentier, cultivateur et poète à ses heures, il m’a raconté plus de 90 années d’une vie passionnée, faite de défis, de douleurs, d’amour inconditionnel, de simplicité, de courage et de talent incroyable pour survivre dans un monde dont il ne reconnaissait plus les balises.     

Point n’est besoin de parcourir le monde pour découvrir de grands talents. Monsieur Jean-Guy Poirier vit aux Îles. Il parcourt les dunes au volant de son quad et ramasse tout ce qu’il peut trouver de bois d’épaves. Avec peu de moyens, une recherche intensive et la fabrication personnelle de ses minis-outils, il construit de toutes pièces des œuvres à faire pâlir les plus grands maquettistes du monde. Pourtant, quand on lui dit cela en toute sincérité. Jean-Guy devient tout timide comme s’il était gêné de si belles réalisations.

D’autres parcourent le monde, mais surtout pas de façon traditionnelle et dans le grand luxe. Le hasard m’aura mis sur le chemin de Serge Laplanche, ce Québécois et Français d’origine qui parcourt le monde depuis l’âge de 27 ans. Au moment de notre première rencontre, il en avait 56. En scooter, à bicyclette et à pied, il a fait le tour de la terre et depuis la mi-cinquantaine, a décidé de passer l’hiver au chaud, toujours en poussant devant lui sa petite brouette contenant tous ses biens. Quelques vêtements, une petite tente, un sac de couchage, un album de tous ses voyages signés des autorités locales, des objets de toilette et quelques friandises. Il m’a dit un jour alors qu’il m’appelait de l’Australie : « Je suis aux premières loges du monde. » Sa simplicité, son regard sur la planète et les hommes qui la composent furent pour moi une des plus belles leçons d’humanité que j’aurai reçue depuis ma naissance.

Auteurs et influences


Maxime Arseneau


 Michel Carbonneau    

Nous avons tous plus ou moins nos mentors, nos guides spirituels, nos guides professionnels. Certains personnages connus du métier m’ont toujours fasciné. Un peu comme ce chanteur des Îles qui admire U-2, moi, j’ai admiré ces écrivains, ces auteurs, ces chroniqueurs. Ils furent pour moi le canevas de mes propres écrits, cela dit sans plagiat. J’ai aimé Saint-Exupéry (Terre des hommes – Le Petit Prince) pour son humanité. J’ai lu et relu George Orwell (1984) pour son incroyable lecture du monde d’aujourd’hui, alors qu’il a écrit ce roman en 1945 peu de temps après le décès de son épouse atteinte d’un cancer. J’ai aimé Félix Leclerc et Gilles Vigneau pour leur sublime poésie. Chez nos Madelinots, Georges Langford demeurera pour longtemps un incontournable ménestrel. Maxime Arseneau (la trilogie de Théotiste Bourgeois) s’inscrira dans notre patrimoine pour la finesse de notre histoire racontée et Michel Carbonneau, ce naufragé madelinot de « la grande terre» s’arrangera toujours pour que nous n’oubliions pas nos propres véritables victimes de la mer.

Chez les grands chroniqueurs  

J’ai eu honte de certains que je ne nommerai pas, mais j’ai admiré le travail du pionnier que fut André Rufiange (Rufy). Capable de parler de tout et de rien tout en demeurant intéressant, voire même passionnant. Il disait que son ami Pierre Péladeau (le père) lui aurait dit : « écrit ce que tu veux, n’importe quoi, mais écrit tous les jours ». C’est ainsi qu’il en arriva à parler de la crème dans son café le matin et à parler de lui-même en disant : « Je suis né bébé. Comme j’étais tout nu, on a vite crié… c’est un garçon. » Quoi qu’on en pense, il faut un sacré talent pour ça. Il y eût aussi Pierre Foglia, ce virtuose de la chronique intelligente, à la fois choquante et si riche. Parler de soi dans une chronique peut être dangereux, mais quand on a eu comme modèle un Pierre Foglia, la manœuvre est un peu moins périlleuse. Dans le monde des fouineurs au creux des âmes et de la réflexion si riche en mots qu’il ne s’en trouve pas d’autres, il n’y en a pas comme Stéphane Laporte. Disons que je fus un peu le groupie de ces trois chroniqueurs, tout comme un admirateur de Richard Bach (Jonathan le goéland et Le Messie récalcitrant). « N’oublie pas, ce que la chenille appelle la fin du monde, ton maître, lui, l’appelle un papillon. »

Finalement

Finalement, je réalise que j’ai passé 16 merveilleuses années d’une vie qui semble être commencée à l’âge de 50 ans. Comme quoi, il n’est jamais trop tard pour débuter une nouvelle carrière. Le chroniqueur Stéphane Laporte a raison de dire : « Il faut cesser de mettre en quarantaine la soixantaine et plus. » Et c’est exactement ce que je fais, c'est-à-dire passer à autre chose sans avoir l’impression d’être mis de côté, bien au contraire. Une jeune équipe collabore présentement au journal LE RADAR. Ma décision de partir les a sincèrement déçus, même si je leur en avais parlé depuis un certain temps. Ils sont professionnels, talentueux et bourrés de projets qui vont certainement faire de cet hebdomadaire, le meilleur en province dans les mois ou les années à venir. Il faut leur faire confiance, acheter le journal et les laisser tracer leur voie. Ceci ne veut pas dire que je me retire de tout et vais me bercer devant une fenêtre, loin de là. Très peu pour moi la mise en quarantaine, volontaire ou pas. Il me reste encore un roman à écrire, peut-être deux. Ma compagne et moi avons une petite maison d’édition à faire grandir, autant pour de futurs auteurs que pour nous-mêmes. Depuis quatre ans, je suis devenu croisiériste et conteur d’histoires sous forme de conférences présentées dans les deux langues officielles. Je demeure blogueur et j’entends le demeurer longtemps tout en améliorant le produit. Je rêve de passer la plupart des étés qu’il me reste aux Îles si celles-ci demeurent abordables et n’échangent pas leur âme pour un plat de lentilles. Un retour à la peinture n’est pas exclu s’il me reste du temps. Et qui a dit que prendre sa retraite, c’était ne rien faire? Un individu m’a dit un jour : « Avant ma retraite, j’avais mes dimanches libres. »

Enfin, il me reste à vous remercier chaleureusement, vous toutes et tous, lectrices et lecteurs de cette chronique qui se termine aujourd’hui. Vous avez été ma motivation, mon énergie, mon inspiration, la raison de l’existence de cet écrit hebdomadaire. Je remercie d’ailleurs la direction du journal LE RADAR de retirer le titre de cette chronique. Il appartient au journal, mais il était ma création et cela me permettra d’en garder un précieux souvenir. À toute l’équipe du journal, mes compagnons, compagnes et amis, je vous souhaite le succès dans cette belle entreprise. Après avoir rédigé plus de 1 million 330 mille mots en 16 ans sur ce canevas de papier, je crois sincèrement qu’il est temps d’aller créer mes graffitis ailleurs. Soyez assuré que ces morceaux de vie que j’ai vécu avec vous, compagnons et compagnes de travail, lectrices et lecteurs, seront placés dans un des plus beaux coins de mon cœur.





Sincèrement : Georges Gaudet 

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