Fête des Mères
Ce
qu’elle m’a laissé !
Que puis-je écrire à propos de ma mère alors
que je suis âgé de 67 ans et qu’elle est partie depuis plus de huit ans ? -Tant
de choses, des moments, des faits, des conseils, des anecdotes, des dons
surtout. Eh oui, il y a des mères qui laissent à leurs fils des dons, des
cadeaux qui ne sont trop souvent reconnus qu’après qu’elles soient parties,
mais des dons qui avec le recul, vous font réaliser que ces cadeaux vous ont
servi de balises tout au long de votre vie.
Maman était de celles-là. Une femme féministe
avant son temps sans le savoir. Elle se méfiait des curés alors que mon père
les croyait au-dessus de tous soupçons. Elle questionnait tout, curieuse de tout,
et ne faisait surtout pas confiance aux politiciens pas plus qu’aux faiseurs de
morale à tous crins. Bien qu’elle était une personne respectueuse de l’ordre,
elle râlait souvent contre ces règles imposées aux femmes, comme l’obligation
de porter un chapeau à l’église où de voir le sort réservé aux femmes du
village quant au lavage du plancher du temple à coup de brosse à poils durs et
de savon Bon Ami ou Hertel. Elle menait ses petits combats simples, mais avec
le recul, j’ai fini par me faire un portrait global de ma mère et par ricochet,
celui de mes parents.
Mon père était le doux, acceptant son sort
comme si tout était écrit à l’avance pour tous les êtres de la terre.
Profondément croyant, il acceptait tout ce que la vie lui envoyait avec
humilité. Merci, si c’était bien et, « il
doit y avoir une bonne raison », si les choses allaient plutôt mal.
Maman était son contraire. Bien sûr, il était le chef et savait « en apparences » imposer son
autorité, même que ma mère jouait le jeu avec lui, mais ma mère était la
guerrière qui arrivait toujours à ses fins… ou presque. Heureusement, j’ai
toujours eu la conviction qu’ils s’aimaient tous les deux et cela transcendait
toutes les autres préoccupations de la vie. Maman, c’était la tigresse prête à
défendre ses petits et dans son univers personnel, sa nichée comprenait ses
deux enfants et aussi son mari. Elle était prête à tout pour défendre sa
famille et malheur à qui s’y frottait. Elle avait certainement hérité ça de son
père, un homme rigide en apparence, mais qui souffrait du malheur des autres.
Capable de se battre à coups de poing en périodes électorales et pourtant,
capable aussi les dimanches d’hivers, d’atteler son cheval à une traîne, d’y
mettre quelques morceaux de viande et aller porter le tout discrètement, sans
s’en vanter, chez des familles qu’il savait avoir de la difficulté à se
nourrir. Sur ce point, maman lui ressemblait tellement. Allergique à
l’injustice, cela se reflétait dans tout son comportement et en tant que femme,
elle avait de quoi nourrir ses ambitions. Pour elle, l’amour, ça ne se
trahissait pas et l’amitié non plus. L’injustice envers qui que ce soit la
mettait hors d’elle. Combien de fois ai-je entendu mon père lui dire :
« mais pourquoi ça te dérange? »
Bien que ce fut utopique, j’ai toujours eu la conviction que si maman avait été
la chef d’un gouvernement, plus personne n’aurait souffert de malnutrition, de
maladie non soignée ou de pauvreté. Par contre, les mal intentionnés « auraient eu affaire à elle » comme
le dit l’expression de chez nous. Combien de fois je l’ai entendue dire : « Ah! Si je savais écrire ! »
Inutile de vous dire de qui je tiens cette envie de tenir la plume. Pour elle,
tout était noir ou blanc alors que mon père jouait dans les nuances de gris… et
ça n’a rien à voir avec le titre d’un certain roman. En ce sens, ils se
complétaient parfaitement et quand papa est parti avant elle de l’autre côté de
la vie, c’est probablement pour ça qu’elle est « retournée en enfance » peu de temps après le décès de celui
avec qui elle avait partagé son existence pendant 56 années. Vous remarquerez
que je trouve cette expression « retourner
en enfance » bien plus respectueuse des gens que l’autre définition « médicale » que je ne
nommerai pas, tellement elle est injuste pour les personnes qui en sont
victimes et leurs familles.
Maman, le jour où je suis entré dans ta chambre
et que tu m’as dit : « Kis que
té? » (qui es-tu?) est un des jours les plus tristes de ma vie. J’ai
beaucoup pleuré ce jour-là et j’en ai voulu à tout le monde, au corps médical,
à la société et même à Dieu. Toi qui t’amusais à taquiner papa en lui disant
que Jésus et Marie Madeleine avaient « probablement »
été en amour alors que lui te trouvait « scandaleuse »
d’oser même y penser, j’ai compris que pour toi, l’amour était à la base de
tout et son contraire, totalement inacceptable. Alors, quand tu es «retournée en enfance», je savais ce
qu’il me restait à faire et je savais parfaitement aussi ce que mon amour pour
toi et ma conscience me dictaient, ceci sans aucune hésitation. Pendant plus de
18 mois, presque chaque jour, je t’ai donné à manger, je t’ai peignée, lavé le
visage et les mains, massé et lavé les pieds, bordée et souhaité « à demain » et ce jusqu’au
dernier jour de ta vie. Je n’oublierai jamais le moment où j’ai tenu ta main
jusqu’à la toute fin, le moment où j’ai senti cette chaleur envahir mon bras
qui tenait le tiens pour monter vers mon cœur, puis vers mon épaule et puis
enfin vers l’infini. Si le ciel existe, je sais que tu y es et dans mon petit
univers terrestre, j’aime imaginer que papa est à tes côtés. Il fait
probablement la pêche là-haut et mon frère lui, parcourt les planètes, d’une
galaxie à l’autre, aux commandes d’un quelconque navire spatial inimaginable
pour moi alors que toi, tu es la conseillère politique de quelqu’un de bien
important dans cet univers qui nous échappe.
Bonne fête des Mères maman et merci d’avoir été
au moins la moitié des assises de ce que je suis devenu. Merci pour cette allergie
à l’injustice sous toutes ses formes, merci pour ce questionnement constant
devant cet univers changeant, merci pour cette combativité que tu m’as
transmise, merci pour cette partie de toi que tu ne cesses d’alimenter en moi.
Bonne fête maman. Je t’aime.
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