mercredi 14 juin 2017

Pour Papa en cette fête des Pères

Ce père que je souhaite à tous les enfants.

Bientôt la fête des Pères! Je dois donc écrire au passé puisqu’il n’est plus là depuis le 25 août 2004. C’est un peu normal puisqu’il aurait 97 ans aujourd’hui. Il est quand même parti si vite, lui qui s’était occupé de maman presque toujours malade depuis les tous débuts de leur mariage. Le docteur lui a dit ça tout simplement. « Monsieur, on ne peut plus rien faire pour vous. Votre foie est plein de métastases. Vous n’en avez que pour un mois, trois tout au plus. » Je le sais, j’étais là juste à côté de lui quand on lui a annoncé ce verdict comme si on lui avait dit : « Monsieur, il n’y a plus de places dans l’avion, va falloir vous débrouiller tout seul. » Les médecins il les connaissait pour ma mère, mais pour lui, c’était des gens qu’il préférait éviter. Il n’est même pas revenu à la maison. Du cabinet du médecin, il est passé à une chambre d’hôpital pour quitter cette terre exactement 7 jours plus tard. Je me suis assis en face de lui sur le rebord de la fenêtre. Dans l’espace non masqué par ma présence, il regarda avec nostalgie le port de mer et un bateau de pêche qui rentrait au port. Il était alors âgé de 84 ans. « Je ne pensais pas que ça pouvait aller vite de même » qu’il m’a dit.

Je me souviens
Aujourd’hui, presque 17 ans plus tard, je me souviens mots pour mot des nombreuses phrases qu’il a ancrées en ma tête d’enfant, d’adolescent et d’adulte tout au long de sa vie. Des mots, des expressions, des citations qui sont encore et toujours aujourd’hui comme des balises qui tracent encore parmi les nuages de l’âme, les chemins à suivre pour que je ne tombe pas de très haut dans cette mer de surprises qu’on appelle, la vie. Je n’oublierai jamais son beau regard aux yeux bleus qui traduisait la beauté de son âme. Adolescent, comme bien des jeunes, je suis entré en conflit avec lui. Nous nous sommes chicanés, même engueulés, envoyés promener et pour chaque fois, revenir l’un vers l’autre, penauds et le cœur rempli de regrets. Il n’était pas parfait, loin de là et moi non plus. Nous le savions tous les deux. Je parlais beaucoup plus que lui, car lui, il parlait avec ses yeux. Et ces yeux, malgré la colère, la douleur ou la déception, portaient toujours en eux une étincelle de pardon des centaines de fois plus puissante que tout le reste. Il était mon père, il m’aimait et je le savais. Plus que cela, j’en avais la certitude. Mon frère avait 2 ans et moi quatre. Nous étions assis sur le plancher en train de jouer avec des camions. Je le revois devant le miroir du cabinet de pharmacie placé dans la cuisine de ce misérable appartement à Pictou en Nouvelle-Écosse. Il était en train de se raser et tout en nous regardant avec tendresse, il nous dit à tous les deux : « Il y a deux choses que papa ne vous pardonnera jamais et je ne serai plus votre père. C’est si vous volez ou tuez quelqu’un. » Voilà, même s’il ne croyait pas un mot de ce qu’il disait, les balises étaient placées pour nos propres vies. À 4 ans, je savais déjà où était le bien et où était le mal. Il était issu d’une époque où les hommes ne pleuraient pas et où la démonstration de l’amour était quelque chose qu’il fallait cacher. Cela ne l’empêchait pas de nous raconter toutes sortes d’histoires de navires, de pirates et de pêcheurs courageux qu’il disait avoir connus en plus de nous fabriquer à la moindre occasion, à coup de hache, d’égoïne et de marteau, de jolis petits bateaux en bois que nous faisions flotter dans toutes les flaques d’eau disponibles en toutes saisons. C’est peut-être pour ça, qu’en les dernières années de sa vie, j’avais percé cette carapace au cœur tendre à tel point que je le serrais dans mes bras à chaque occasion, je l’embrassais sur la joue et lui disait sans retenue :« Je t’aime papa.» Je l’avais vu pleurer quelques fois, même s’il tentait de s’en cacher. Les yeux pleins de larmes, je l’entends encore dire à ma mère qui venait de se faire hospitaliser pour une énième fois : « Mais quand ça va-t-il cesser, toute cette misère? » Et pourtant, il est parti avant elle et assis sur son lit d’hôpital, conscient que ses derniers jours approchaient, il m’a encore dit :« mais comment vous allez vous arranger, vous autres, toi, votre mère et puis ton frère?» Le chevalier en lui n’avait pas peur de la mort, même qu’il l’ignorait. Sa peur résidait dans le fait qu’il n’allait plus être là pour nous protéger tous. Des pères comme ça, je sais qu’il y en a beaucoup dans ce monde, mais hélas, tous les enfants n’ont pas cette chance. D’ailleurs, enfant j’écoutais aux portes. Peut-être est-ce pour cela que je suis devenu journaliste plus tard, sait-on jamais. Ce père que la vie m’avait prêté était un profond croyant. Dieu, le Christ et son Église étaient les piliers de la raison de son existence. Sa Foi était inébranlable, même que ce fut à l’origine de nos conflits quelques fois. Pour lui, le doute n’existait pas et même si j’enviais sa certitude, personnellement, je préférais en douter et tout questionner. C’est ainsi que très jeune, j’ai eu la certitude de tout l’amour que mon père portait à sa femme et à nous, ses deux enfants.

Nous étions revenus aux Îles de la Madeleine. C’était l’année de l’hiver qui n’a pas eu lieu, tout à la fin des années cinquante. Quelques glaçons se déplaçaient avec la marée dans le havre de Havre-Aubert. Il faisait tellement doux en ce mois de février exceptionnel qu’il était assis sur le perron en compagnie de son frère Paul. « Pas une haleine de vent » comme le dit si bien cette expression madelinienne et tous les deux grillaient une cigarette « en p’tite chemise ». Moi, comme toujours, je n’étais pas loin d’eux et je jouais avec un de ces fameux petits bateaux qu’il nous avait tant de fois bricolés. À défaut d’eau, je faisais glisser mon petit navire sur le bois de la galerie tout en attrapant au vol quelques bribes de leur conversation. Je sais qu’il était question de valeurs familiales et des difficultés d’élever une famille en ces temps difficiles. Tous les deux parlaient de choses et d’autres, mais tout à coup mon père dit à son frère ceci : « Ben moi, j’en ai eu seulement deux…sic(des enfants), et si jamais je venais à en perdre un, eh bien, l’bon Dieu, y pourrait bien garder son paradis rien que pour lui !... Fin de la citation.

Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai réalisé toute l’ampleur de cette citation dite avec tant de conviction, surtout venant d’un homme d’une telle soumission à sa Foi. C’était comme si l’bon Dieu avait été bien averti. Tu fais ce que tu veux, mais ne touches pas à mes enfants. Voilà, tout est dit et c’est ce genre de père que je souhaite à tous les enfants de la terre.


BONNE FÊTE DES PÈRES PAPA. Je sais que Dieu t’avait bien compris cette fois-là. Les vieux curés disaient qu’il ne fallait jamais se confronter à Dieu, car c’était prétentieux, mais je sais aujourd’hui que tu as une place auprès de lui et tu sais pourquoi? Tout simplement, parce que devant tant d’amour, il n’a pu faire autrement que de t’approuver. 

Je t’aime papa.   

Ton fils Georges xox

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