L’école polyvalente
des Îles de la Madeleine (EPIM) – 1966/1967 (3/3)
Les années de tous les
espoirs.
Un
beau voyage à l’EXPO-67.
Il y a des moments phares dans la vie et cette
année-là vécue à la polyvalente des Îles ajoutée à l’évènement Expo-67
constituèrent l’essentiel d’un regard vraiment particulier sur la vie qui
semblait tous nous attendre en cette fin d’adolescence.
Pendant que les ailes du DC-3 glissaient
au-dessus de la plage du Corfu et laissaient derrière elles les Îles, je
sentais déjà qu’un monde bien différent commençait à poindre devant nous tous,
les 22 du frère Guy, comme il me plaisait de nous identifier. Remarquez que je
n’ai nommé aucun d’entre nous et ce fut volontaire. J’ai eu trop peur d’en
oublier quelques-uns ou de donner trop d’importance à l’un plutôt qu’à l’autre.
Nous étions tous devant un avenir incertain, à la fois prometteur et quand même
un tantinet angoissant. Du moins, c’est ce qu’il me reste de ces pensées, alors
que je me laissais griser par le bruit particulier des deux moteurs de cet
avion qui demeure encore aujourd’hui, mon préféré de toute l’aviation
commerciale de par le monde.
Le vol vers Moncton en fut un de blagues, de
chansons grivoises et de fous rires qui n’en finissaient plus. Ce voyage sans
bavures fut suivi d’un repas à l’aéroport et un départ en autobus vers
Rimouski. Le conducteur avait le pied lourd et en milieu de soirée nous étions
déjà hébergés dans un couvent dont je ne me souviens plus le nom. Le lendemain,
ce fut l’arrivée à Québec, cette ville dont j’étais tombé amoureux pour une
première fois l’année précédente lors d’un échange étudiant. Les deux journées
en cette ville furent une occasion de nous perdre dans les rues et rentrer au
bercail à pied dans un autre établissement religieux, vers les 4 h du
matin, aux grands soulagement de presque tous. Montréal nous accueillit le jour
suivant et c’est là que nous nous sommes séparés après quelques visites
initiales sur le site de l’Expo. Cet endroit allait devenir pendant plus d’un
mois, ma découverte du monde, celui du moment, mais aussi celui d’un avenir
qu’on disait rempli d’un millier de possibilités.
Le monde sur deux îles
et un terrain de jeux.
Même si la guerre du Vietnam faisait rage et
que de jeunes Américains traversaient la frontière pour éviter une conscription
obligatoire dans leur pays, l’ensemble des puissances planétaires avaient leur
pavillon en « Terre des Hommes », le thème de l’Expo. Guerre
froide oblige, le pavillon de l’Union soviétique était sur l’Île Notre-Dame et
en face, le pavillon des États-Unis, construit sur l’Île Sainte-Hélène. Tous
les deux rivalisaient dans les présentations de leurs avancées technologiques,
surtout dans la course vers la conquête de l’espace. Je me souviens aussi qu’on
y présentait deux postes de télévision avec écrans couleur dans chaque pavillon
respectif. Nous en étions encore au Noir & Blanc dans nos foyers et la
critique était unanime à l’époque. L’écran couleur de l’Union soviétique était
bien plus brillant et riche que celui des États-Unis. Par contre, « la
boule » américaine, la « biosphère d’aujourd’hui », avait bien
meilleure mine architecturale que son opposant russe. Ce dernier avait plutôt
l’air d’un immense poulailler de verre avec une toiture ressemblant drôlement
aux toilettes publiques qui sont actuellement sur le site de La Grave. Le
pavillon de l’Angleterre avait l’apparence d’un volcan duquel sortait le Union
Jack, celui de l’Allemagne avait des airs d’une immense tente alors que la
France avait, de l’avis général, le plus beau pavillon de l’expo, aujourd’hui
devenu le casino de Montréal. Québec ressemblait à un rubicube de verre couleur
or et le pavillon du Canada était un immense atrium, surmonté d’une pyramide
inversée. De mémoire d’époque, personne n’a jamais su expliquer le pourquoi
d’une telle construction. Toutefois, le plus important était le contenu de ces
pavillons. En deux semaines, j’avais fait le tour du monde et j’en connaissais
plus en quelques semaines sur l’état de notre terre qu’en bien des années de
cours d’histoire et de géographie sur les bancs d’école. Sur le plan
technologique, les pavillons thématiques rivalisaient d’audaces et le pavillon
Bell avec son écran circulaire faisait preuve d’une réalisation cinématographique
encore actuelle aujourd’hui comme en témoignent les cinémas IMAX de ce monde,
même s’il ne s’agit pas d’une technologie comparable. Bell était en avance sur
son temps en 1967.
Je suis demeuré un mois chez un oncle qui
habitait Verdun. Je demeurais gratuitement dans le sous-sol au plafond de 5
pieds de hauteur alors que je mesurais 5’ 10" et j’y étais heureux. Au
pavillon de la Saskatchewan qui avait la forme d’un « teepee » autochtone,
une jolie guide unilingue anglophone avait sollicité mon aide comme traducteur
bénévole en français. Je lui ai tenu compagnie tous les jours à l’entrée du
pavillon, me méritant ainsi mes billets d’autobus gratuits pour rentrer chez
moi et aussi quelques billets gratuits pour beaucoup de manèges sur le site de
La Ronde. Je me souviens d’ailleurs avoir essayé tous les manèges sans
exception, même parfois avec le cœur sur le bout des lèvres, mais pas question
de perdre la face devant le joli minois de cette autochtone.
Et c’est ainsi que s’est terminé cet été-là sur
le site de l’Expo-67, le cœur léger, la tête remplie de découvertes et de
projets. Je suis revenu aux Îles en début d’août et il fallait me préparer pour
ce que j’ai appelé plus tard… la vraie vie. La ville de Québec, l’école J.F.
Perreault, une chambre avec cuisine partagée entre huit personnes inconnues, un
budget à respecter et deux emprunts étudiants pour passer l’année en plus de 80 $/mois
venant de mes parents, ce qui devait payer loyer, nourriture, sorties et voyage
de retour en fin d’année aux Îles. L’année de la polyvalente me semblait bien
loin et pourtant. En 1968/69, de décembre à fin février, alors que j’attendais
d’être accepté à l’entraînement de la GRC, on me demanda en catastrophe
d’enseigner l’anglais en suppléance même si je n’avais aucune qualification
pédagogique. La professeure d’anglais était tombée malade et on ne trouvait
personne étant bilingue pour la remplacer. Ce fut une expérience merveilleuse
et encore aujourd’hui, certains de mes élèves se rappellent les traductions que
je les obligeais à faire de Simon & Garfunkel (The Sound of silence) et
(Big blue frog) de Peter Paul & Mary. La récompense était d’en écouter la
chanson après traduction, sinon, ils sortaient bredouilles de la classe. Le 5
mars 1969, j’entrais à l’entraînement de la GRC à Regina en Saskatchewan pour
en sortir 101 jours plus tard, victime d’un incident cardiaque et en prime,
indépendantiste convaincu, mais ça aussi, c’est une tout autre histoire.
Les dangers de l’oubli
Certains auront remarqué que je n’ai cité que
des professeurs masculins. La chose s’explique. L’aile B de l’école était
réservée aux filles et l’aile D aux garçons alors que très peu de professeurs
du genre opposé traversaient… la frontière. Cela n’enlève rien à la valeur de celles-ci.
D’ailleurs, nommer quelques-unes de ces enseignantes risque de créer de gros
oublis. Cinquante années, c’est loin en mémoire et mes souvenirs me ramènent à
des noms, des visages, des rires et des éclats de voix qui n’ont pas de genre.
Alors, pour finir, j’ose en citer quelques-unes et quelques-uns quand même.
Chantale Naud, Anita Blaquière, Rosaire Vigneault, Claude Vigneau, Théodoric
Blaquière, Anne-Marie Deraspe, Louise Trottier, Hector Carbonneau, Mary-Ann
Cormier, Denise Carbonneau, le bibliothécaire Frère Forest, toujours pince sans
rire et que nous surnommions affectueusement « Greenwood », Francine
Arseneau, Roméo Vigneau, Georges Leblanc, Yvette Monier, Patrick Richard et
tant d’autres. Pardonnez-moi les oublis s’il vous plaît. Les professeurs de ces
années-là formaient toute une équipe dédiée à notre éducation, ceci dit sans
enlever quoi que ce soit au corps enseignant d’aujourd’hui. D’ailleurs, ne
soyez pas surpris si je dis être convaincu que les enseignantes et enseignants
d’aujourd’hui exercent une des professions les plus difficiles au monde et
cela, sans toute une reconnaissance qui serait hautement méritée. En ce cinquantième
anniversaire de l’existence de la polyvalente des Îles de la Madeleine, nous
pouvons dire que les fruits de ce corps d’enseignantes et enseignants a
contribué à faire de certains et certaines d’entre nous, des infirmières et
infirmiers, des enseignants et enseignantes, des policiers et policières, des
avocats et avocates, des chercheurs en laboratoire et même des politiciens et
politiciennes dont Mme Denise Leblanc de regrettée mémoire, femme d’action
et de convictions, députée des Îles de la Madeleine et ministre à l’Assemblée
nationale du Québec. Certains et certaines sont tombés en chemin et c’est une
des dures leçons de la vie. Je m’en voudrais d’oublier mon opposant à la
présidence des étudiants de cette première année à la polyvalente, le regretté
monsieur Roger Vigneau, un étudiant exceptionnel, dynamique et doté d’une
flamboyante personnalité en plus d’être un sportif accompli. Salut le « bassigné ». Et « salut, salut » M. Jean
Lapierre, plus jeune que nous d’une décennie, mais issu de ce même corps
professoral et tragiquement disparu le 29 mars 2016. Alors, comment dire pour
terminer ce troisième et dernier volet sur le demi-siècle de cette école sinon
que : « Merci à vous toutes et tous, professeurs et professeures,
membre du personnel de direction, de l’entretiens et du support adjacent à tout
ce qui a contribué à faire de nous, des hommes et des femmes dignes de ce nom.
Million de fois… MERCI!
Georges Gaudet
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