samedi 2 mars 2019

Mon Compostelle 2019.

Nous sommes trois personnes dans ce bureau du deuxième étage, boulevard René Lévesque. Mon urologue a les yeux rivés sur son ordi et je ne perçois pas l’écran. Et puis d’un geste brusque, il fait pivoter sa chaise et dit avec assurance : «Oui, c’est bien un cancer». Je regarde ma compagne et je la sens angoissée, les yeux au bord des larmes, les lèvres tremblantes. Pour moi, le choc est composé de deux émotions diamétralement opposées. D’abord la perspective de la fin de ma vie et l’autre, un soulagement. Alors, je reste impassible. Cette attitude me sera d’ailleurs confirmée par ma compagne quelques heures plus tard. Tellement de souvenirs ont assailli mon cerveau en ce moment précis du prononcé de diagnostic que le temps pour en faire le tour m’aura permis de rester calme. Quinze années auparavant, j’étais avec mon père le jour où il reçut un diagnostic comme celui-là, mais en plus en se faisant dire qu’il n’y avait rien à faire et que l’espoir se condensait en un mois, trois tout au plus. Il recula alors sa chaise de deux pas et me regarda droit dans les yeux avant d’ajouter : «Mais qu’allez-vous faire, ta mère, toi et puis ton frère?»Il venait presque de se faire annoncer le jour de sa mort et son premier réflexe fut de s’inquiéter de nous, sa famille, pas de lui. Sept jours plus tard, il passa de l’autre côté du miroir de la vie. Il y a maintenant cinq ans, j’étais aussi avec mon frère dans ce même bureau lorsqu’il entendit son oncologue s’excuser de la limite de sa science, tout en lui offrant une certaine qualité de vie pour environ six mois. Nous étions en janvier. La réaction de mon frère fut la suivante : «Je vais faire mentir vos statistiques.»Une fois dehors, alors que nous marchions en silence, il me dit soudainement : « Si je peux faire l’été, je serai content.»Il n’avait que 62 ans et il s’est rendu jusqu’au mois de janvier suivant. Alors que ces souvenirs passaient en boucle en ma tête, je me suis dit que je n’avais pas le choix. N’eût été que de faire honneur à ces deux chevaliers devant le combat de leur vie, je me devais de garder cette même dignité et cette même attitude face à une adversité dont en ce moment-là, je ne connaissais pas la véritable issue. 

Le soulagement

Un soulagement parce que je connaissais enfin la réalité de ma situation. D’un naturel curieux, je me battais depuis quatre années afin de connaître mon véritable état de santé. En quittant les Îles, mon médecin de famille m’avait alerté quant à la nécessité de voir un spécialiste. Hélas, il me fallait d’abord trouver un médecin de famille en terre montréalaise. Après un formulaire de 12 feuilles complétées et remis au CLSC de l’endroit désigné, j’attends encore un appel qui n’est jamais venu, dois-je le préciser, quatre années plus tard. J’ai dû «tomber dans la craque»comme ils disent. Alors je me suis tourné vers le privé. En une semaine et presque 900.$ d’examens incluant un scan, je reçus un dvd montrant ma prostate en guise d’explication sans plus. Il fallait encore payer pour une rencontre explicative avec ce spécialiste du privé. Finalement, un ami me recommanda un médecin de famille bien connu des Madelinots. C’est lui qui m’introduisit auprès d’un urologue. Donc, après trois années de recherches et d’attentes, des prises de sang, une petite chirurgie d’un jour et une biopsie, enfin je connaissais la vérité. Voilà pour le soulagement. 

Maintenant la peur 

Un cancer pas dangereux que certains m’ont dit.«Si j’avais à choisir un cancer, c’est celui-là que je choisirais» m’a dit quelqu’un d’autre. Ah oui! j’en suis bien heureux, mais je sais aussi que c’est un tueur possible. Quelques grandes personnalités en sont mortes. Pour en nommer quelques-unes : François Mitterrand, président de la France, Pierre Elliott Trudeau, Winston Churchill, Bernard Moitessier, Gary Cooper et plus proche de moi…mon père. Alors, dire que je n’ai pas la chienne, ce serait mentir, même si on me dit que quand c’est pris à temps, il y a des succès variant de 80% à même 100%. Évidemment ce ne sont que des chiffres et en bon ex-journaliste, j’ai fait ma petite recherche. En 2017, en considérant une population masculine vieillissante, on a découvert 21300 nouveaux cas de cancers de la prostate au Canada, soit une proportion de 21% de tous les cancers connus à ce jour. Mais la science évolue et pour une moyenne de 58 nouveaux cancers de la prostate quotidiennement décelés en 2017, (11) – onze personnes vont en mourir, soit une proportion fatale de 18,9%. 

En conclusion, si j’écris tout ça, ce n’est pas pour me faire plaindre où attirer une certaine sympathie, mais bien dans l’espoir d’aider certains hommes qui ont cette tendance à minimiser certains symptômes bien connus du monde médical. Heureusement, mon petit côté hypocondriaque m’a peut-être sauvé. Les années à venir le diront, mais on me dit que toutes les chances sont de mon côté. Alors, si j’ai un conseil à donner, à vous les hommes, ou les couples qui ont une bonne communication, faites vérifier votre maudit PSA  ou APS en français pour (antigène prostatique spécifique), surtout après 50 ans d’âge. Ensuite laissez votre médecin de famille ou votre urologue vous guider et interpréter les résultats. Je ne suis pas un spécialiste et vous non plus à moins d’être médecin. Il ne s’agit que d’une simple prise de sang pour en avoir le cœur net et là, je sais pourquoi certains hommes hésitent à demander ce test. Deux questions gênantes se posent pour plusieurs hommes sans qu’ils osent en parler. Question 1 : Vais-je perdre ma libido si je dois subir une chirurgie de la prostate? Et question 2 : Vais-je pouvoir continuer à bander?...dit cru comme ça, cela peut paraître mal à propos, mais c’est la réalité. N’ayez crainte, ce n’est pas une opération au cerveau comme l’avait dit à un journaliste, le célèbre président de la France, François Mitterrand. Il s’agit de franchise ici et d’un risque de mortalité. Quant à mes réponses à ces deux questions, vous permettrez que je garde ma condition bien personnelle, mais ce que je puis affirmer ici, c’est qu’il n’y a aucun cas semblable et tout dépend de la sorte de chirurgie que vous avez eue, de votre forme physique, de votre âge et de d’autres facteurs que votre médecin ou spécialiste pourra mieux vous expliquer que moi. Et puis en bout de ligne, dites-vous bien aussi qu’un «cadavre», ça bande pas fort. 

L’espoir

Voilà! Tout est dit et je viens d’écrire tout cela en tout respect envers mes lectrices et lecteurs à qui j’avais promis de justifier mon absence sur mon blogue pendant les deux derniers mois. Personnellement je suis sur la bonne voie de la réhabilitation et comme j’ai toujours aimé la vie, je puis affirmer que je l’aime plus que jamais. Heureusement, j’ai été et je suis toujours accompagné d’une merveilleuse compagne et d’amis sincères qui ne m’ont pas lâché d’un iota et ça, c’est plus que de l’or en barre, c’est un cadeau du ciel. Compréhension et communication avec une petite ou grande dose d’amour et d’amitié, sont les meilleurs ingrédients pour guérir. Et puis quand des centaines de messages vous arrivent par les réseaux sociaux, il est difficile de ne pas avoir envie de se battre. Des projets se multiplient dans ma tête et je n’ai de cesse de m’en gaver jusqu’à leur réalisation. Je n’écrirai plus sur ce sujet, mais je demeurerai disponible en privé pour quiconque aurait besoin de conseils ou de partage, ceci dit en affirmant que je ne suis ni docteur ni spécialiste. Juste un des 21 mille nouveaux cancéreux de la prostate qui a envie de s’en sortir totalement, car la vie est trop belle et trop importante pour la perdre par la peur ou la négligence d’un simple test sanguin. Cela m’a pris 4 années d’angoisse pour en arriver là aujourd’hui, simplement à cause d’un déménagement, mais on me dit que je suis dans les chanceux. Il n’est pas besoin d’attendre aussi longtemps. Et puis n’oubliez pas, la vie est belle.  

  GG

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